Pour qu’une aide soit autorisée, elle doit contribuer à un objectif d’intérêt général, et les bénéfices qui en résultent doivent l’emporter sur les coûts. Pour ce qui est de la crise bancaire, le bénéfice de la mesure d’aide est flagrant, elle est censée éviter une crise bancaire systémique, en revanche les coûts en termes de distorsion de concurrence ne doivent pas être sous-estimés. C’est précisément pour cette raison que le contrôle communautaire des aides d’état doit être maintenu : afin de s’assurer que les bénéfices d’une mesure restent supérieurs à ses coûts.
En premier lieu, des externalités transfrontalières peuvent survenir quand l’accès au financement ou toute autre forme d’aide est mise à la disposition par un état membre à des taux inférieurs en comparaison des autres pays. La position concurrentielle d’une firme située dans le pays ne bénéficiant pas des meilleurs taux sera défavorisée. Les États seront alors tentés de s’aligner sur les taux les plus bas, ce qui donnera lieu à une situation de course aux subventions (30). L’application du droit de la concurrence permet de prévenir une telle course, en maintenant un environnement compétitif équitable à l’intérieur du marché européen. En utilisant le contrôle communautaire des aides d’état, peut se substituer à une action unilatérale et non-coordonnée, une approche cohérente et coordonnée de la rémunération des fonds publics, des injections de capital, et des autres conditions attachées à l’aides d’état (31).
Deuxièmement, le contrôle des aides d’État au niveau européen semble nécessaire afin de garantir qu’en principe, seuls les établissements financiers dont les difficultés résultent exclusivement des conditions générales du marché bénéficient d’une aide. Un gouvernement pourrait se laisser persuader par des groupes d’intérêt nationaux de soutenir des établissements qui sont en difficulté pour des raisons endogènes, tenant à leur modèle commercial ou à leurs pratiques dangereuses. C’est pourquoi les aides accordées à ces institutions doivent rester exceptionnelles ; comme nous l’avons vu précédemment, le fait de compenser la prise de risque excessive par une mesure d’aide risque de créer un aléa moral. La distance entre l’intérêt des entreprises nationales et l’intérêt commun tel qu’il est considéré au niveau européen contribuerait à minimiser ce risque.
De plus, pour diminuer le problème de l’aléa moral, et éviter qu’une aide ne protège les actionnaires et gérants d’une banque, des conséquences de leurs prises de risque excessives, des mesures rigoureuses de restructuration doivent accompagner toute aide accordée. Or la Commission Européenne semble avoir acquis une expérience considérable dans la mise en œuvre de telles conditions, en appliquant depuis longtemps ses lignes directrices sur les aides au sauvetage et à a restructuration (32)
Le contrôle européen des aides d’État permettrait également de s’assurer que les institutions bancaires n’ayant pas recours aux fonds publics, mais se finançant uniquement par le biais de capitaux obtenus sur le marché ne sont pas placées dans une position défavorable. C’est ainsi que la doctrine justifiait le maintien d’un tel contrôle puisqu’il permettrait de garantir que l’aide est accordée à des « conditions suffisamment favorables pour fournir un accès effectif au capital, tout en préservant un environnement concurrentiel et en ouvrant la voie à un retour aux conditions normales du marché sur le long terme. »(33)
Enfin, des études récentes ont montré que l’assouplissement des règles de la concurrence, même temporairement, pendant la crise financière des années 1930 a eu des lourdes conséquences sur l’efficacité allocative (les prix et le niveau de la production), sur la productivité, et a retardé la reprise économique durant plusieurs années (34). Pour prévenir cela, il semble que le droit de la concurrence doive s’appliquer strictement, même en période de crise.
Après avoir vu, qu’en raison des caractéristiques propres au secteur, le coût global de la chute d’un établissement bancaire est significatif et pourrait conduire à une crise systémique du secteur financier, qui elle-même aurait des effets négatifs sur l’économie réelle, nous avons admis la nécessité de l’intervention étatique. Cela ne signifie cependant pas que les règles relatives aux aides d’État doivent être écartées, au contraire, le contrôle européen des aides d’état peut minimiser les distorsions de concurrence, garantir une politique cohérente et coordonnée, et préserver un jeu concurrentiel à l’intérieur du marché Européen. Il convient alors d’examiner la politique mise en œuvre par la Commission européenne au regard des aides publiques pendant la récente crise financière, et d’apprécier si les effets de son action confirment les arguments avancés en faveur du maintien du régime des aides d’État.
30 Voir infra la partie intitulée « Fondements du contrôle des aides d’État ».
31 Commission européenne, Table ronde 2: The Role of Competition Policy in Financial Sector Rescue and Restructuring , Note de la Commission Européenne. DAF/COMP/WD(2009)12/ADD1, 2009, disponible sur : http://ec.europa.eu/competition/international/multilateral/2009_feb_roundtable2.pdf.
32 KAMERBEEK Sjoerd p.24, 32, op. cit.
33 FOECKING J., OHRLANDER P. et FERDINANDUSSE E., « Competition and the Financial Markets : The role of competition policy in financial sector rescue and restructuring» , Competition policy newsletter, p.7, 2009.
34 COLE et OHANIAN, « New deal policies and the persistence of the great depression : a general equilibrium analysis », journal of political economy (2004), Vol. 112, p. 779-816, 2004.
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