Nous pouvons déjà craindre une indemnisation insuffisante. En effet, rappelons que le
montant maximum payable pour chaque sinistre est, pour les sinistres couverts par le
Fonds de 1992 est de 203 millions de droits de tirage spéciaux (DTS), c’est à dire d’environ
290 millions de dollars US, et de 750 millions de DTS, c’est-à-dire d’environ 1,1 milliards
de dollars US pour les sinistres qui sont également couverts par le Fonds complémentaire.
La plupart des marées noires provoquent des dégâts considérables.
Prenons le cas de l’Erika où les dommages ont été évalués à environ 950 millions d’euros
soit environ le montant disponible aujourd’hui pour les Etats signataires du Fonds
complémentaire. La marée noire provoquée par le naufrage du Prestige a occasionné des
dommages estimés à 1 milliard d’euros. On pourrait donc dire que l’OMI a répondu aux
attentes des Etats et des sinistrés en augmentant le plafond du Fonds de 1992 et en créant
un Fonds complémentaire.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le FIPOL ne règle en général que 80% de ce
qu’il doit et que lorsque les dégâts provoqués par la marée noire dépassent les plafonds mis
en place, les victimes doivent se partager l’argent disponible au prorata.
Donc, même si le montant d’indemnisation disponible a été relevé et que le Fonds
complémentaire est entré en vigueur, il n’en reste pas moins que des plafonds
d’indemnisation subsistent. Et une question se pose : Pourquoi limiter l’indemnisation des
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ? Deux limitations font l’objet de
critiques, celle accordée aux propriétaires de navires par la Convention de 1969/1992 sur la
responsabilité civile, mais également celle qui est indirectement offerte à l’industrie
pétrolière au travers du plafonnement des Fonds d’indemnisation.
L’indignation est ici accentuée par la possibilité offerte au FIPOL de récupérer une partie
des sommes qu’il a versé en intentant des actions contre les responsables de la pollution.
De surcroît, notons que le FIPOL peut non seulement récupérer une partie des sommes
engagées sur le terrain juridique en agissant contre les véritables responsables, mais qu’il
peut être remboursé de certaines sommes depuis que les P&I Club, au nom des
propriétaires de navires, ont proposé à travers les accords TOPIA et STOPIA 2006 de
rembourser une partie de l’indemnisation versée par le FIPOL. Au vue de ces éléments, il
est difficile de comprendre pour quelles raisons les Etats Membres du Fonds rechignent
encore et toujours à mettre en place un système d’indemnisation illimité.
Mettre en place un Fonds illimité ne relève pas de l’impossible et des solutions sont
envisageables, comme tout simplement augmenter les taxes en vigueur de quelques
centimes (même si cette démarche entraînerait une majoration du prix à la pompe).
Autre chose peut également être reprochée au FIPOL au regard des montants
d’indemnisation.
En effet, le FIPOL détermine lui-même le montant des préjudices avec ses propres experts,
non agrées près des tribunaux. Le FIPOL travaille essentiellement avec les experts de
l’International Tanker Owners Pollution Federation (ITOPF). Ce problème est réel, mais
si des expertises contradictoires devaient être réalisées pour chaque demande
d’indemnisation, l’indemnisation serait beaucoup plus lente, et de fait, l’intérêt d’une
indemnisation par le FIPOL en serait amoindri.
Le FIPOL ne prend en charge que les dommages qu’il juge admissibles. Mais une personne
devrait pouvoir demander réparation pour le préjudice qu’elle estime avoir subi et non pas
simplement pour le type de préjudice admis par le FIPOL. Si la demande d’indemnisation
est rejetée par le FIPOL, le demandeur pourra intenter une action contre le propriétaire du
navire, son P&I Club et le FIPOL devant les tribunaux de l’Etat dans lequel s’est produit la
pollution.
Ce recours au droit national pose cependant problème du fait de la lenteur des tribunaux
contre laquelle les victimes ne peuvent rien.