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§ 3 – Solutions avancées pour délimiter les responsabilités de chaque intervenant

Jusqu’à présent, les autorités réglementaires spécialisées s’étaient refusé à contrôler l’activité
d’arbitrage entre unités de compte, au regard de ses spécificités : ni gestion de produits
financiers, ni d’essence assurancielle, l’arbitrage et sa délégation se trouvent hors du champ
de compétence des autorités contrôlant les activités financières (l’AMF) et les assurances (tel
l’ACAM) :
Le rapport Deletré 2 ayant servi de support au projet de fusion des deux autorités appelait de
ses voeux le contrôle de ces fonctions déléguées. L’avenir réglementaire lui donnera peut-être
raison. A défaut, quels moyens sont à la disposition des intervenants pour maîtriser les risques
(de requalification et de responsabilité) analysés ci-dessus ?

A/ Une nécessaire formalisation de l’information entre professionnels

A défaut de circulation de l’information, les acteurs appelés à intervenir dans l’opération
d’arbitrage déléguée ne sauront quand jouer leur rôle, ni même parfois quel rôle ils ont à
jouer. Faisons un rapide détour par les blocages susceptibles de survenir faute de
formalisation.
1 – Le nécessaire formalisme du mandat à peine d’inopposabilité à l’assureur
Aucun formalisme n’est imposé par le Code civil pour la conclusion d’un mandat. Comment
toutefois prouver sa qualité de mandataire à l’assureur ?
Dès lors que le gestionnaire désigné a été mandaté par le souscripteur, il convient qu’il justifie
son pouvoir à l’encontre de l’assureur, pour faire exécuter ses choix.
2 – le nécessaire formalisme du mandat à peine de confusion des rôles et des responsabilités
La situation est bien sûr différente si c’est l’assureur qui a suggéré la désignation de l’arbitre,
mais afin qu’on ne le tienne pas pour responsable d’avoir à assumer lui-même la délégation, il
s’assurera de la désignation valable de son partenaire financier comme arbitre.
A titre d’exemple, une formalisation précise des rôles évitera que le souscripteur puisse tenir
l’assureur pour responsable de fautes d’arbitrage qu’il n’aura pas lui-même effectuées mais
que le courtier aura pu faire sous l’apparence234 d’agir pour son compte (en utilisant des outils
à son logo par exemple). Tous risques qui seront écartés si le souscripteur conclut en
connaissance de cause une convention qui délimite en termes précis les attributions et
fonctions de chacun.
Le même risque menace la situation du mandataire désigné en cas de subdélégation occulte de
la faculté d’arbitrage.

Quel est le rôle enfin du souscripteur d’un contrat d’assurance vie collective ? Censé agir pour
le compte de l’assureur, il sera l’interlocuteur naturel des adhérents : quid d’instructions
d’arbitrage effectuées directement à son adresse ? Quid d’un adhérent lui exprimant le souhait
de changer de profil d’arbitrage ? Le souscripteur est, en principe, tenu d’en informer
l’assureur, dont la propre responsabilité sera engagée faute d’exécution. Ce n’est qu’en
formalisant des exceptions contractuelles qu’il se dégagera de sa propre responsabilité à
l’égard de l’assureur. Un contrat d’assurance bien rédigé énoncera également qui doit être
récipiendaire des instructions, et qui est tenu de déclarer les événements susceptibles de
mettre en échec les arbitrages (changements de supports, décès de l’assuré).

3 – La nécessaire information de l’arbitre relativement aux conditions contractuelles
La matière première de l’arbitrage, ce sont bien entendu les unités de compte, désignées au
contrat, et telles qu’elles auront été modifiées par l’assureur : c’est l’objet même de la
délégation qui doit être porté à la connaissance du mandataire.
Par ailleurs, comment l’arbitre délégué pourrait-il arbitrer s’il ne connaît pas les conditions
contractuelles ? Ses choix seront nécessairement éclairés par les conditions tarifaires des
arbitrages, il désignera les supports en opportunité en fonction des marchés, du profil
d’investissement éventuellement désigné avec l’assureur et des conditions contractuelles.
Quel sort subiront les contrats si le contrat d’assurance ou les fenêtres de souscription de telle
unité de compte n’arrive à son terme sans que l’arbitre le sache ? En cas de décès de l’assuré,
le droit du bénéficiaire est censé être figé, définitivement acquis. Aussi, qui supporte le risque
d’actes d’arbitrage commis avant l’information de l’assureur et de l’arbitre mandataire ?
Ce bref inventaire à la Prévert n’aura pu que souligner, s’il en était encore besoin, la nécessité
pratique si ce n’est juridique, de formaliser des relations contractuelles précises.

B/ Solutions contractuelles

Il semble en pratique qu’à la lecture des documents d’information délivrés aux clients, la
formule “tout en un” – laissant à l’assureur le soin de désigner le délégataire – générait une
confusion fâcheuse235. Le risque est d’autant plus important quand les documents contractuels
souffrent d’imprécision : il conviendrait de dissocier le contrat d’assurance du mandat afin de
définir clairement les garanties, que l’existence du mandat ne doit pas altérer, et dissocier les
frais de l’une et l’autre fonction.

1 – La transparence relative aux frais

La précision dans la détermination des frais sert de moyen, pour le souscripteur, d’identifier
les différents intervenants à l’arbitrage. C’est ainsi que le Code des assurances a énoncé avec
précision l’obligation de désigner ces frais, à la fois les frais directs de l’assureur et les frais
grevant les unités de compte.
Les prestations peuvent toutefois encore être trop imprécises si on les lit au seul prisme des
frais induits :
– quand le dépositaire et le gestionnaire des fonds internes font porter leurs frais à
l’assureur, c’est à son égard qu’ils s’engagent ;
– quand l’assureur facture des frais d’arbitrage au souscripteur, il convient de distinguer
s’il facture pour s’être engagé à enregistrer ces réallocations et exécuter
consécutivement les modifications d’allocation des actifs sous-jacents ; ou encore s’il
réclame des frais de délégation d’arbitrage, assumant donc la qualité de mandataire ;
– quand le délégataire tiers au contrat facture des frais, il convient de savoir si c’est au
titre de simples conseils ou en tant que mandataire.
2 – Convention de preuve
En pratique, les parties conviennent par avance de procédures formelles permettant de
séquencer les différentes étapes du processus d’arbitrage, et de distinguer précisément les
engagements de chacun, la transparence étant le maître mot afin d’assurer une juste
compréhension et une exacte application des facultés et engagements de tous les intervenants.
Document-clé, l’avenant formalisant l’arbitrage peut être régi par une convention de preuve236,
un tiers archiveur étant désigné pour recueillir et retransmettre les instructions et informations,
et les conserver afin de s’assurer la preuve de l’opération. Ce procédé, illustré dans le schéma
ci-dessous, fait intervenir un nouveau prestataire (ou à défaut d’être tiers, une nouvelle
fonction) qui devra lui aussi respecter les conventions qui l’auront établie.
in L’Agefi Actifs n° 432

C/ Solutions techniques

1 – Prévenir plutôt que guérir

A titre préventif, certains professionnels font agréer leur montage par l’administration fiscale
avant sa mise en oeuvre, de telle sorte qu’elles sécurisent leurs offres. Le reproche ne peut leur
être fait d’avoir mal conseillé une solution que l’administration même n’aura pas invalidée,
elles auront fait preuve à cet égard de la plus grande diligence.

2 – Les solutions d’alertes entre professionnel et assureur

Les outils informatiques permettent l’envoi automatique de messages d’alertes, auxquels les
assureurs et gestionnaires ne manquent de recourir.

3 – Les solutions d’ordre commercial

Enfin, et à titre anecdotique, le quotidien “Les Echos”238 a également relayé l’information
selon laquelle certaine société de gestion s’est substituée à ses clients pour les sortir d’une
longue bataille judiciaire induite par l’arbitrage sur des unités de compte (partiellement)
représentées par les fonds Madoff. La société aura liquidé ces OPCVM et se substituant à ses
clients après avoir remboursé, en deux temps, les primes versées par les victimes.
Ceci peut être regardé comme une solution à des problématiques de responsabilité
ponctuelles, au risque toutefois que cela ” crée un précédent dangereux. Si d’autres fonds ont
des difficultés, les clients attendront réparation alors qu’aucune faute n’aura été commise “.
Un tel précédent ne pourrait avoir de réalité que commerciale et non juridique, les principes
habituels de la responsabilité civile continuant à présider en la matière. Une solution
commerciale au lieu d’une solution juridique, gageons que cela n’interviendra pas pour des
fruits d’arbitrage trop élevés.

234 Cass. 2èCiv, 14 janvier 2010, n° 09-10220
235 F. LUCET et D. CORON, Les délégations d’arbitrage dans le cadre des contrats d’assurance-vie mutisupports,
la pratique des mandats croisés, RGDA 1998, p. 657
236 “Le régime ambigu du mandat d’arbitrage” L’AGEFI ACTIFS n°220 du 23 septembre 2005, p 16 ; voir
également N. DUCROS, “Assurance vie/Gestion sous mandat – une pratique non exempte de risques pour les
assureurs”, L’Agefi Actifs N° 423, 04/12/2009
237 “Le régime ambigu du mandat d’arbitrage” L’AGEFI ACTIFS n°220 du 23 septembre 2005 p 16
238 S. L. P , “Affaire Madoff : la question de l’indemnisation divise les sociétés de gestion”, lesechos.fr,
09/02/09 – 08H50

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