La mise en œuvre du programme de privatisation au Cameroun s’est effectuée conformément aux objectifs qui lui ont été assignés par l’ordonnance N° 90-004 du 22 juin 1990. Ces objectifs sont d’ordre macroéconomique et microéconomique.
Au plan macroéconomique, quatre objectifs ont été mis en avant : l’assainissement des finances publiques ; la stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements ; la restauration des mécanismes de marché et la mobilisation et l’orientation de l’épargne nationale vers les investissements productifs.
• L’assainissement des finances publiques
Il doit contribuer à l’allègement du déficit budgétaire par une réduction des subventions. En effet, au cours de l’exercice 1986/1987, le déficit budgétaire a atteint le montant de 508 milliards de francs CFA contre 150 milliards en 1984 ; le déficit global toutes activités non financières confondues s’est chiffré à 80,6 milliards de francs CFA et l’endettement total des entreprises publiques a atteint le montant record de 732 milliards de francs CFA. (Tamba, 1996). D’où la nécessité de réduire le fardeau des entreprises publiques sur l’économie nationale par la mise en œuvre des mesures de revitalisation appropriées.
• La stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements
Entre 1982/1983 et 1985/1986, les investissements cumulés des entreprises publiques non financières se sont élevés à 433.052 millions de francs CFA (Tamba, 1996), ce qui était insuffisant pour combler les déficits enregistrés. La persistance des déséquilibres économiques a conduit l’Etat, soucieux d’améliorer le rapport coût/efficacité de ses prestations, à chercher à mettre à contribution l’initiative privée pour accroître les investissements. Le transfert au secteur privé d’entreprises ou d’activités permet donc de mobiliser des ressources additionnelles pour le financement des investissements ou des besoins en fonds de roulement.
• La restauration des mécanismes du marché
L’accaparement par l’Etat de l’économie nationale a conduit à des rentes de monopoles préjudiciables à la recherche de l’efficacité. Il est question ici, de supprimer les distorsions commerciales et institutionnelles qui entravent les compétitions entre firmes publiques et privées en instaurant la concurrence, et donc le marché. Les repreneurs privés peuvent avoir recours soit aux fonds propres, soit au marché auprès duquel ils pourront lever les capitaux nécessaires à travers des mécanismes qui ne sont pas toujours accessibles à l’Etat.
• La mobilisation et l’orientation de l’épargne nationale vers les investissements productifs
Une part significative des actions des entreprises à privatiser (jusqu’à 30% dans certains cas) est réservée aux nationaux. L’acquisition effective par les nationaux de ces actions permet de mobiliser l’épargne nationale et de l’orienter vers les investissements productifs. Elle accroît ainsi le rôle participatif des populations, stimule leur esprit d’entreprise et leur permet d’acquérir une culture financière favorable au développement des marchés de capitaux et à l’épanouissement de l’entreprise.
Au plan microéconomique, les quatre objectifs illustrés par le cas de la SONEL sont :
• L’amélioration à bref délai de l’efficacité des systèmes et de la qualité de services
En effet, la caractéristique principale des entreprises d’Etat était l’inefficacité des moyens de production, ce qui ne garantissait pas la qualité des biens produits, surtout dans les entreprises de services publics. C’est ainsi que l’un des objectifs de l’Etat lors de la privatisation de la SONEL était d’améliorer la qualité de service fourni, c’est-à-dire l’électricité produite, transportée et distribuée.
• La promotion de la prise de participation par le secteur privé national y compris les salariés de l’entreprise
Il s’agit ici d’une participation représentative de tous les acteurs. En effet, lors de la privatisation de la SONEL, 56% du capital ont été cédés : 5% de ce capital devait être redistribué aux salariés de l’entreprise et les 51% restant sont entièrement détenus par l’AES. L’Etat camerounais quant à lui, est censé redistribuer aux acheteurs privés nationaux une partie des 44% du capital qu’il détient. L’accroissement rapide des taux de desserte de la population sur l’ensemble du territoire national en matière de services publics de base (télécommunications, électricité, eau, transport, etc.) avec un accent sur le milieu rural. L’Etat a mis l’accent sur la réalisation de cet objectif lors de la cession de la SONEL. Il est question pour la société de passer d’un taux de desserte de la population, de 31% en 1999 à 49% en 2019 et 55% en 2026.
En milieu rural, des efforts ont déjà été faits dans ce sens avec la création de l’Agence d’électrification rurale, qui accorde aux opérateurs et aux usagers l’assistance technique et éventuellement financière nécessaire au développement de l’électrification rurale. La réalisation de gains de productivité significatifs qui permettent d’assurer une structure tarifaire optimale pour les services publics concédés. Cet objectif montre l’importance de la tarification dans les services publics de base. En général, les subventions dont bénéficiaient les entreprises de ce type les contraignaient à fixer des prix de vente ne pouvant leur permettre de couvrir l’ensemble des coûts de production. Dans ce sens, il a été recommandé à l’AES-SONEL de fournir l’électricité à un prix compétitif aux industries et à la population camerounaise de manière à réaliser des gains de productivité.
Selon la Commission Technique de Privatisation et des Liquidations (CTPL, 2003), l’on peut considérer que la mise en œuvre du programme de privatisation au Cameroun s’est effectuée en trois phases :
– La première phase du programme
Le démarrage du programme a lieu avec la publication de la première liste des entreprises à privatiser par le décret N° 90/1423 du 03 Octobre 1990 portant privatisation de certaines entreprises du secteur public et parapublic. Il s’agit d’une quinzaine d’entreprises évoluant dans des secteurs divers tels l’agro-industrie (OCB et CAMSUCO), l’industrie du bois (COCAM et SOFIBEL), l’imprimerie (CEPER et Imprimerie Nationale), l’élevage (ONDAPB). A ce jour, l’Etat s’est désengagé de la quasi-totalité des entreprises à privatiser de la première liste à l’exception de l’Imprimerie Nationale qui a été retirée du programme de privatisation en Juin 1994, à cause de son caractère particulier d’entreprise de service public.
– La deuxième phase du programme
La liste qui illustre la deuxième vague d’entreprises à privatiser est publiée par le décret N° 94/125 du 14 Juillet 1994. Cette deuxième phase marque l’entrée en scène des grandes entreprises de l’économie camerounaises dont la CDC, la SOCAPALM, la SODECOTON, la REGIFERCAM et la CAMAIR. A ce jour, seule la SODECOTON, la CAMTEL et dans une moindre mesure la CAMAIR (dont la décision finale n’a pas encore été prise malgré des avancées considérables du processus de privatisation) parmi ces entreprises n’ont pas encore été privatisées.
– La troisième phase du programme
Celle-ci intervient avec le discours du chef de l’Etat le 1er Juin 1995 et connaît l’introduction des grandes entreprises pourvoyeuses de services publics dans la liste des sociétés à privatiser. On peut citer la SONEL, INTELCAM et la SNEC. Finalement, le décret 99/012 du 22 Septembre 1999 précisera formellement la liste des autres entreprises à intégrer dans le processus. Outre les entreprises productrices de services publics, on y retrouve la CIMENCAM et la SCDP.
Ainsi, les secteurs concernés et qui étaient jusque là monopolistiques ont connu de profondes réformes avec notamment la création d’organes de régulation (ART pour les télécommunications ou ARSEL pour l’électricité). Une recension des entreprises privatisées (8) à ce jour peut donc être faite et ce en s’inspirant de Tsafack Nanfosso (2004), Nzomo et Nzongang, 2007 mais aussi des informations reçues de la CTPL.
8 Voir annexe D
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