Marc Ferro souligne dans son article, Les oublis de l’Histoire(113), que le XV ème siècle est un siècle charnière de l’évolution des représentations de l’Histoire. Elle devient une passion commune et commence « à exercer des fonctions qu’elle a souvent gardées, la glorification de la patrie, la légitimation des institutions et de l’Etat. Là encore, l’objet est certes le passé, mais l’objet est l’avenir ». Parler en ces termes de l’Histoire, c’est lui accorder une certaine fonction sociale. Bien qu’érigée en science sociale au cours du XIX ème siècle, l’Histoire a toujours suscité débats et polémiques. Nous pouvons même avancer qu’il s’agit d’une des caractéristiques de cette discipline : elle suscite un certain engouement qui parfois la dépasse. Ce n’est pas la littérature qui va prêcher le contraire tant les exemples de romans ou poèmes historiques sont légions. Alexandre Dumas, Flaubert, Victor Hugo ont tracé un sillage dans lequel se sont inscrits de nombreux auteurs à succès.
Anatole France décrit dans Les dieux ont soif en 1912 la Terreur à Paris. Mais nous pouvons surtout citer des auteurs comme Jacques Laurent ainsi que le couple Anne et Serge Golon qui on respectivement signé les deux premiers grands succès de la littérature historique au milieu des années 50 avec Caroline chérie et Angélique, marquise des Anges. Ce dernier connaîtra un succès fantastique avec près de cent millions de lecteurs. L’œuvre de Maurice Druon, Les Rois maudits, fait partie également de cette époque glorieuse pour le roman historique. Cet attrait pour l’Histoire est encore prégnant au XXI ème siècle. Ce sont notamment les médias qui portent cet engouement.
Des émissions telles que ”La marche de l’histoire” (France Inter) ou ”Les secrets de l’Histoire” (France 2) sont des succès très importants en terme d’audience. L’émission de Stéphane Berne a réalisé de très bons résultats au cours du mois de juillet(114). Le 21 jui 2012 Delphine Le Goff(115) estime même, au regard des résultats, que l’Histoire est un secteur porteur pour les titres du magazine papier. Elle souligne notamment l’émergence de nouveaux titres tels que Figaro Histoire ou Géo Historie. Quelque soit le média, l’Histoire connaît un succès conséquent bien qu’il soit porté par seulement quelques titres ou émissions.
Cet attrait est donc le signe que l’Histoire est doté d’une fonction sociale propre. Dans cette optique les différents médias jouent un rôle décisif. Ils font le lien entre la population et l’Histoire. Isabelle Veyrat-Masson affirme que « la télévision historique constitue un instrument plus amples, plus fondamental, un mode de communication fonctionnant en rituel social permettant aux individus de se situer au-delà de leur individualité, comme être collectif »(116). Elle cite également la notion proposée par John Hartley et John Fiske de « fonction bardique » de la télévision dont le programme historique serait un symbole. « Le barde, comme la télévision est un ”médiateur de langage”, il compose, à partir des mots communs, des images structurées destinées à communiquer et à renforcer auprès des membres de sa communauté culturelle une version forte d’elle même »(117).
Le succès de l’Histoire médiatisée s’inscrit donc dans une optique sociale extrêmement intéressante. Il participe de la formation d’une communauté ou plutôt d’une représentation de communauté. Dès lors, le passé est un source d’avenir pour la communauté qui se reconnaît des visées communes à travers certains rituels comme celui de la médiatisation de l’Histoire.
113 FERRO, Marc, Les oublis de l’Histoire, dans Communications n°49, La mémoire et l’oubli, Seuil, 1989
114 Le mardi 03 juillet : l’émission réalise un record d’audience ( 4,9 millions de téléspectateurs et 21% de part de marché alors que TF1 (Spiderman 2) comptabilise 23,2% de part de marché) Le mardi 17 juillet : l’émission est devancée de peu par TF1 (Le placard) et réalise 18,4% de part de marché)
115 Article publié sur stratégies.fr le 21 juin 2012 [Disponible en ligne : http://www.strategies.fr/actualites/medias/190002W/l-histoire-et-la-science-au-mieux-des-ventes.html]
116 VEYRAT-MASSON, Isabelle, Quant la télévision explore le temps, l’histoire au petit écran, Ed. Fayard, 2000
117 Ibid
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