Cette mise en scène impacte la mémoire individuelle de l’internaute. Le procédé cité précédemment n’est pas propre au web-documentaire historique. Ce qui l’est toutefois, ce sont la structure tabulaire du contenu et donc des images d’archives ainsi que la pensée associative. L’intérêt du web historique est de présenter une telle richesse de contenus et témoignages que l’internaute vit ou revit l’évènement depuis une multiplicité de subjectivités et points de vue. En cela l’évènement est en perpétuelle régénérescence. La mémoire individuelle d’un événement est alors fondée, refondée ou revisitée par le web-documentaire. Dans chacun de ces trois cas, l’oubli revêt une importance essentielle. « Pour pouvoir vraiment se souvenir, il faut avoir oublié. Parce que se souvenir ne veut pas dire seulement recopier un événement du passé mais le revivre à nouveau »(124). Mais pour vivre un événement du passé, il faut pouvoir se souvenir ou avoir su. Tel est le précaire équilibre qui se joue dans le webdoc historique. Cet équilibre réside dans la différence entre découvrir et se souvenir. Alice, dans son parcours de lecture, préfère se diriger vers les archives : « C’est intéressant d’avoir des avis différents mais comme je connais pas trop l’événement, je préfère avoir plus d’objectivité ». Cette absence de connaissance initiale peut perturber le processus de mémorisation.
En effet, si les connaissances de l’individu sont faibles, la structure et la quantité de contenus du web-documentaire peuvent s’avérer être des obstacles à la compréhension. Dans le web-documentaire historique, la logique et le fil conducteur doivent être pensés par l’internaute (même si il est aidé). Dans le web-documentaire, il y a coexistence d’images, de témoignages, de cartes qui sont autant d’informations. Or Alain Lieury évoque et paraphrase la théorie de McGeogh en affirmant que « l’oubli est aggravé par les apprentissages ultérieurs et d’autant plus que ce qu’on apprend ressemble à ce qu’on a appris »(125). L’absence de véritable fil conducteur peut perturber l’internaute si ce dernier ne fait l’effort de développer une pensée associative. D’autant plus que la surabondance d’information, caractéristique des webdocs historiques, est la principale cause de l’oubli. Les réactions des personnes observées recoupent un tel constat. Alice l’affirme même explicitement :
« J’ai tendance à balayer les documents tandis que dans un documentaire classique c’est fait pour retenir l’essentiel. J’ai beaucoup d’info avec le webdoc mais finalement c’est mélangé, c’est pas clair. Tout se mélange. J’arrive pas à avoir la ligne directive ».
Le web-documentaire historique joue un rôle essentiel dans la démarche de mémorisation et de commémoration. Toutefois, ces deux processus nécessitent des connaissances préalables. Dès lors, nous pouvons interroger la capacité du web-documentaire à enseigner l’Histoire.
124 ATLAN, Henri et MORIN, Edgar, Sélection, réjection op cit.
125 LIEURY, Alain, Oubli et traitement de l’information en mémoire,in Communication, 49, 1989, pp. 113-123
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