Une stratégie centrale du Codeter est également d’appuyer l’ « éducation au champ », via les maisons familiales rurales. Ces institutions proposent un enseignement dans le primaire et le secondaire, adapté à la vie au champ et favorisant une compréhension systémique du monde rural, qui allie les dimensions techniques, mais aussi sociales, environnementales ou culturelles, tout en valorisant les connaissances traditionnelles. Cet enseignement doit permettre le maintien des habitants dans le monde rural. La pédagogie adoptée insiste sur la recherche des transformations sociales qui sont le support du développement durable et territorial et prend la forme de l’alternance. Les élèves reçoivent une semaine de formation générale et de cours plus spécifiquement consacrés aux techniques agronomiques qu’ils sont censés appliquer dans leur propriété, ou dans celle de leurs parents, pendant les deux semaines suivantes. Un accompagnement par des techniciens de la maison familiale rurale doit être assuré, à la suite duquel les résultats des expérimentations sont présentés et discutés en commun. De nombreuses visites en groupe sont également organisées.
Cet engouement pour l’éducation aux champs, a pour origine une réflexion engagée dans les années 90 par les différents mouvements sociaux organisés du territoire. Ils représentent aujourd’hui la majeure partie des institutions de la société civile participant au Codeter, et en particulier le Ceft-Bam. Il s’agit de promouvoir éducation et développement dans le monde rural.
Les Maisons familiales rurales (Casa Familial Rural – CFR), en activité dans le territoire, sont actuellement au nombre de trois (Santarém, Obidos et Juruti). Mais elles se trouvent en perpétuelles difficultés financières et manquent de matériels et d’infrastructures, ce qui rend la réalisation de leurs objectifs ambitieux difficile. Par exemple, aucune d’entre elles ne dispose de locaux propres et toutes sont dépendantes d’institutions telles que les syndicats ou les secrétariats de l’agriculture. Il faut cependant noter qu’une nouvelle maison familiale rurale est en train de s’implanter à Oriximiná, à travers l’action d’une association dédiée, qui réunit les conditions nécessaires à cette mise en place.
Ainsi, le Codeter a lancé des projets de construction de maisons familiales rurales à Oriximiná, Juruti et Santarém, d’achat de matériels pour réaliser des formations dans de bonnes conditions (matériels multimédias, ordinateurs-vidéo, projecteurs,…) et d’acquisition de moyens de transport (motos, …).
Cependant, des difficultés dans la construction des maisons familiales rurales (en particulier celle d’Oriximiná) bloquent le processus. En attendant, le Codeter met en place, en collaboration avec l’association régionale des maisons familiales rurales (Arcafar-PA), des formations pour les éducateurs.
Il faut souligner que ces institutions ne sont pas encore très solides: La mise à disposition des ressources en provenance des préfectures et de l’État du Pará, malgré une bonne volonté affichée pour soutenir ce mode d’enseignement alternatif, n’est pas assurée, ce qui crée des incertitudes chaque année. Cette situation ne permet pas d’avancer avec toute la sérénité voulue.
La consolidation de cet axe de travail est absolument indispensable pour la construction progressive d’un réel développement durable du territoire. Une formation, davantage tournée vers le développement territorial et organisée en liaison étroite avec le Codeter, constituerait un progrès déterminant. À cet égard, des expériences menées dans le Nordeste, ont consisté à mettre en place de telles formations pour les agriculteurs. Elles s’avèrent tout à fait concluantes et font aujourd’hui référence.
Sur l’initiation des forums territoriaux appuyé par le Cirad, les universités paysannes du Cariri et de l’Alto Sertão du Pernambuco/Piaui ont été créée, pour former des agents de développement local, agriculteurs et engagé socialement. Cette formation se base sur les expérimentations techniques comme support de réflexion sur l’adaptation des techniques aux conditions locales, sur les conditions d’appropriation par les exploitants et est accompagné d’une analyse des politiques publiques ainsi que du contexte et des perspectives de développement du monde rural. Ces agents assument ainsi le rôle de référents techniques locaux auprès du Forum et plus largement fournissent l’assistance technique nécessaire (Tonneau et al. 2009).
Pendant les assemblées plénières du Codeter, de nombreuses présentations, en particulier des antennes régionales des établissements publics (Emater, Incra, ICMbio…), sont réalisées pour expliquer les politiques publiques à l’oeuvre et les moyens mis à leur disposition. Elles permettent de vulgariser les mesures mises en place par les pouvoir publics fédéraux et des États et de clarifier ce cadre parfois compliqué. Le jeu des questions-réponses s’engage et des adaptations peuvent être trouvées pour une meilleure application à la réalité locale.
Des formations peuvent être véritablement portées par le Codeter. Ainsi, une série de formations concernant la pisciculture est prévue dans plusieurs municipalités. Il s’agit de la mise en place des tanque-rede et de leur gestion, devant permettre une production optimale. Des cours sur l’alimentation alternative des poissons devraient être dispensés.
Un ensemble de formations doit également être mis en place, en partenariat avec le service brésilien de l’appui aux petites entreprises, pour l’élaboration de projet et l’appui à la gestion.
Comme on l’a vu, les projets souffrent de gros problèmes dans leur élaboration. Cette formation veut répondre à la nécessité de disposer d’une méthode pour la construction des projets et de connaître les exigences des organismes financeurs, en particulier ceux du MDA qui concernent directement l’action du Codeter. Ainsi, des formations d’appui à la gestion administrative destinées à des organisations, membres du Codeter(5), sont prévues pour les aider à gérer leurs comptes et éviter la faillite des institutions partenaires, ce qui arrive fréquemment dans le territoire.
Le Codeter agit sous différentes formes et semble à présent être en mesure d’instruire de manière plus rapide et pertinente les projets. L’appui aux maisons familiales rurales et l’effort fait pour fournir les formations adéquates illustrent et préfigurent ce renforcement du Codeter actuellement et pour les prochaines années.
Ainsi, au terme de cette analyse du fonctionnement du Codeter, nous pouvons confirmer l’hypothèse que ce fonctionnement est rendu difficile par la faible légitimité et la fragilité des institutions de la société civile qui le composent. La communication n’est pas assurée par ces organismes avec leur base et les demandes sont généralement élaborées par leurs directions, sans validation par le terrain. Cette situation ne permet pas de construire des projets suffisamment adaptés. Ces organisations restent encore fragiles et ne constituent pas des sources de propositions sérieuses pour le Codeter. Ce sont plutôt les voies des fédérations qui se font entendre et qui, le plus souvent, ne font que reprendre les grands axes du projet déjà ancien de développement intégré Tucumã, qui ont largement besoin d’être actualisés. Ce sont, dans ces conditions, davantage les institutions publiques qui contribuent à structurer les débats et qui présentent d’éventuelles méthodologies d’action. Il existe bien ainsi un doute sérieux sur la capacité actuelle de la société civile d’intervenir dans les choix des pouvoirs publics du Codeter, de même que le risque existe d’une instrumentalisation du Codeter par ces mêmes services publics.
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