Les membres des sociétés savantes de Brest
Nous l’avons vu, Brest était essentiellement tournée vers la Marine et la ville ne possédait pas de tradition universitaire. Malgré tout, différentes sociétés intellectuelles ou savantes s’y établirent, qui s’employaient soit à l’éducation du plus grand nombre, soit à la pure recherche littéraire, historique ou scientifique. La plus ancienne d’entre elle est l’Académie Royale de Marine, fondée en 1752, et disparue à la Révolution. Lui succédant, le Cercle des Vêpres(156) fut fondé en octobre 1792 par un commissaire de Marine et un négociant de la cité : ses sociétaires étaient issus de la bourgeoisie militaire ou civile de Brest. Vient ensuite, en 1832, la Société d’Émulation de Brest dont l’ambition était d’élever le niveau scolaire des Brestois en proposant des cours du soir. En 1882, la Société Républicaine d’Éducation Populaire, filiale de la Ligue Française de l’Enseignement, lui succéda, ajoutant aux cours pratiques des conférences à but culturel. La Société Académique de Brest fut créée en 1858 par l’historien Prosper-Jean Levot, conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal, et Guillaume Pilven, ancien garde du Génie. L’ambition de ses membres était toute autre : son bulletin annuel s’attachait à la publication de travaux effectués par des savants brestois et bretons, ainsi qu’à la publication de pièces littéraires en langues française ou bretonne(157). Son bulletin cessa de paraître lors de la première guerre mondiale.
Intéressons-nous à certains membres de ces sociétés savantes. Voyons d’abord le parcours de deux des membres de la Société d’Émulation de Brest.
René-Henry Cuzent est né à Lambézellec le 20 juillet 1794 et mort le 11 juin 1875 à Brest. Après une formation de tapissier, René-Henry s’investit très rapidement dans la loge maçonnique brestoise des Élus de Sully (loge créée en 1783 portant le nom d’un régiment d’artillerie(158)) et participe en 1838 à une commission chargée d’examiner la doctrine de Fourier(159) où il rencontrera, entre autre, Prosper Levot (bibliothécaire de la Marine, membre fondateur de la Société Académique de Brest). En 1844, il devient sociétaire de la Société d’Émulation de Brest, tout comme beaucoup de membres des Élus de Sully et participe à la diffusion des idées fouriéristes à Brest par le biais de conférences mais aussi par l’intermédiaire de son épouse, gérante d’une librairie. Il fonde un an plus tard l’Association de Bienfaisance Mutuelle, première association mutualiste brestoise qui regroupera en 1848 plus de 360 ouvriers civils à qui elle alloue une indemnité journalière de 0,75 francs en cas de maladie. Toutefois, l’association regroupe uniquement des membres issus de l’artisanat, les risques à assurer pour les manoeuvres du bâtiment ou les manutentionnaires étant trop élevés. Membre influent des Élus de Sully, il dirige la commission administrative chargée de mener à bien la construction du nouveau temple maçonnique brestois en 1868.
François-Prosper-Marie Guiastrennec est un architecte né le 18 février 1791 à Landerneau et mort le 26 mai 1859 dans cette même ville. Il appartient à une riche famille d’armateur et de négociants de Landerneau. Il réside tout d’abord à Porstrein, village de la commune de Lambézellec située non loin de Brest, avant de s’installer en ville. Il fait partie intégrante de la bourgeoisie brestoise : il vivra dans l’un des quartiers les plus riches du Brest intra-muros, et épousera en premières noces Marie-Louise Gagny, fille d’un capitaine de frégate. Un an après le décès de cette dernière, en 1832, il se marie avec Aimée-Joséphine, la soeur cadette. Son gendre est ingénieur des Ponts et Chaussées et le fils du chirurgien major de la Marine. Il fonde en 1827 la Société des Amis de l’industrie de Brest dont le but est de constituer un fonds de revues sur l’industrie, déposé chez un libraire sociétaire et prêté aux membres, moyennant une contribution. En 1835, il s’intéresse à l’éducation populaire et adhère à la Société d’Émulation de Brest qui organise des cours industriels gratuits pour les ouvriers. Il sera un membre influent de diverses associations et un ami de Pompéry et de Foucault, proche des milieux libéraux brestois. En 1848, il est sur la liste des actionnaires de l’Union Agricole d’Afrique et vice-président de la Société d’Agriculture de Brest, dirigée par Louis Montjarret de Kerjégu, fondateur de la ferme-école de Trévarez et est aussi, avec Kerjégu, membre de l’Association Bretonne, créée en 1843 et ayant pour but de développer les progrès agricoles de la Bretagne. A nouveau veuf, Guistrennec se réinstalle à Porstrein et s’intéresse dans ses dernières année à l’apiculture. Il sera d’ailleurs membre de la Société Économique d’Apiculture de 1857 à son décès(160).
Ces deux membres de la Société d’Émulation de Brest sont intéressants de par leurs origines et leur parcours : tous deux sont nés dans une commune rurale du Finistère au début du XIXe siècle et de ce fait, ont été en contact constant avec une population bretonnante pendant leur jeunesse. La langue bretonne ne pouvait leur être étrangère et nous pouvons supposer que ces bourgeois brestois n’avaient aucune difficulté à comprendre – et peut-être même à converser – avec une population bretonnante. Cela prouve, encore une fois, qu’il existait bien une bourgeoisie de souche bretonne à Brest au XIXe siècle. Toutefois, dans les différentes activités qu’ils ont réalisés, il n’y a pas de trace de travaux en breton, même si on peut supposer que la connaissance de ce langage devait être fort utile pour se faire comprendre des exploitants agricoles ou des ouvriers, public visé par les activités de la Société d’Émulation de Brest.
La Société Académique de Brest, quant à elle, a publiée des écrits en langue bretonne. Je me suis tout d’abord intéressé à ses membres fondateurs et ses tous premiers collaborateurs. Ainsi, j’ai relevé dans le premier bulletin de la Société(161) le nom des membres d’origine bretonne :
Riou-Kerhalet – Ingénieur des Pts et Chaussées
Allanic – Professeur de logique au lycée Impérial
Caradec – Peintre
Caradec (Louis) – Docteur-médecin
Clérec – Avocat et juge suppléant
Floch – Pharmacien
Gouzien – Ancien chef d’instruction
Kerneis – Professeur de mathématiques
Le Guillou de Penanros – Juge suppléant
Lescop – Greffier des tribunaux maritimes
Milin – Écrivain de comptabilité
Montjaret de Kerjégu – Négociant, membre de la Chambre de Commerce
Penquer – Docteur-médecin
Touboulic – Ingénieur mécanicien
Miorcec de Kerdanet – Docteur en droit, archéologue et historien
Nous retrouvons ici des noms que nous avons déjà cités, tels que Riou-Kerhalet, Montjaret de Kerjégu ou Miorcec de Kerdanet. Les membres de cette société savante ont très vite laissés une place importante à la langue bretonne dans leurs travaux de recherches, ainsi, toujours dans le premier bulletin de la Société, nous trouvons les procès-verbaux des comptes-rendus de réunions faites les années 1858 et 1859.
Procès-verbal du lundi 28 juin 1858
« Communication de deux pièces de vers en breton sur la tour d’Azenor et sur l’incendie de la tour de la cathédrale de Quimper, présentées par M. Milin(162) »
Procès-verbal du lundi 26 juillet 1858
« Hommage fait à la Société : Nouvelles conversations en breton et en français, par MM. Troude et Milin(163) »
Procès-verbal du lundi 28 novembre 1959
« Mathurin le barde aveugle, traduction d’une poésie en bas-breton, jointe au texte original, par M. Milin(164) »
Gabriel Milin, dont il est question ici, sera l’auteur le plus prolifique d’écrits en langue bretonne dans les bulletins de la Société Académique de Brest. Il est né le 3 septembre 1822 à Saint-Pol-de-Léon où ses parents étaient métayers au manoir de Kermoruz et y a été élevé dans la foi chrétienne. Il écrira dans l’un de ses poèmes autobiographiques, oeuvre posthume qui sera traduite et éditée par un de ses grands amis, Alfred Bourgeois, lui aussi Brestois et sociétaire de la Société Académique de Brest :
« Da bevar bloaz lenn ar brezounek ha karet ar paotr ezommek(165) »
Vers six ans, il s’installe à Santec où le curé de la paroisse était un frère de son père. Il grandit alors sous l’éducation de son oncle et vit une enfance heureuse :
« Eurusoc’h egedoun n’oa den,
Dindan an heol pa bar laouen,
Eurus meurbed gant va eontr koz,
Eus ar mintin beteg an noz,
Pep deiz er bed a c’houlaoue,
Me ‘lamme, ‘c’hoarie, a c’hoarze.(166) »
Son oncle lui fit l’instruction et lui appris le français, le latin et le grec. Le temps venu, Gabriel Milin fut envoyé au collège de Saint-Pol-de-Léon. Une fois ses études terminées, il choisit la vocation de son oncle et s’inscrit au grand séminaire de Quimper où il ne resta que dix-huit mois, entrer les dans Ordres et prendre la bure ne l’intéressant finalement que peu. Il se rendit à Brest où il fut employé comme commis au bureau de la Marine, chargé des écritures comptables et c’est dans cette ville qu’il se consacra à l’écriture en langue bretonne.
En effet, il trouva sur son lieu de travail des collaborateurs et des ouvriers bretonnants, venus comme lui gagner leur vie dans la première ville du Finistère en termes d’emplois en raison de son activité maritime militaire. Selon sa biographie parue dans Gwechall-goz e oa, « nep lec’h all ne c’helle kaout gwelloc’h e du da glevout, dre zigouez pe dre serr-klask, marvailhou koz hor Bro.(167) » Il fit donc à Brest un travail de collectage afin de rassembler un nombre conséquent de contes populaires, tous rédigés en langue bretonne et fut dès lors un auteur prolifique d’ouvrage en langue bretonne, bien souvent écrits en collaboration avec son ami le capitaine Amable Troude. C’est aussi pendant qu’il vivait à Brest qu’il a le plus travaillé sur la langue bretonne : sociétaire de la Société Académique de Brest, il rédigea beaucoup de poèmes, édités dans le bulletin annuel et, ami du libraireimprimeur Lefournier, lui-même directeur de la publication du journal l’Océan, il fit paraître dans le quotidien brestois des fables de la Fontaine traduites en breton.
A la fin de sa carrière d’écrivain de comptabilité en 1882, il se retira sur l’île de Batz – où il fut élu maire – après avoir été pendant deux années le directeur de Feiz ha Breiz à Quimper. Il mourut le 27 novembre 1895 en laissant derrière lui un grand nombre d’écrits non édités, qui sont aujourd’hui parvenus jusqu’à nous grâce au travail de François-Marie Vallé, à qui la veuve de Gabriel Milin avait confié les manuscrits.
De plus, une publication en particulier à retenue mon attention. Il s’agit d’un article en langue bretonne paru dans le bulletin de la Société Académique de Brest intitulé « Hirvoudou c’houero eur skrivanier euz a Vrest » ou « Lamentations amères d’un écrivain de Brest »(168) où il est question de la ville de Brest. Pour l’auteur, un breton se sentirait étranger, non pas parce qu’il vient à Brest, mais parce qu’il vient dans une ville : « Ia, enn eur gear, e Breiz, me grèd ‘hell eur Breizad/pa vez iac’h a spered, en em gaout divroad.(169) » Il écrit aussi que lorsqu’il quittera Brest, il ne gardera rien de cette ville :
« Nann, ne gasinn gan-en na koloenn na spillen
evit na zei d’in koun euz a Vrest birviken ;
neuze, enn noaz grisil, a druez Doue !
Ec’h ‘hellin, skanv, redek buhan, kerzet, bale ;
neze me lavaro : Kenavo Sodom
m’am gwelez te biken, ar skourn a vezo tomm,
menesiou Breiz-Izel, he reier, he c’herrek
pa zistroïn da vrest a vezo bouk ‘vel pek […](170) »
Au-delà du portrait peu flatteur de la ville de Brest par l’auteur, nous voyons ici quelles sont les représentations de ce dernier. En effet, pour lui, la pureté semble se trouver dans le monde rural, parmi la paysannerie, garante des traditions et par là même d’un ordre moral. De plus, l’auteur fait référence à Sodome, ce qui nous donne un indice sur son niveau d’instruction. Ce « breton », tel qu’il se définit luimême, a jouit d’une instruction importante et, même s’il est vraisemblablement originaire du monde rural, il fait partie d’une élite bourgeoise établie à Brest.
Ces différents exemples de parcours de notables brestois confirment que la vision binaire d’une élite française et francophone et d’un prolétariat breton et bretonnant doit être très nuancé. S’il est vrai qu’à cette époque la majorité des notables brestois sont d’origine française, notamment dans la bourgeoisie militaire, il existe tout de même des érudits bretons, faisant partie de la bourgeoisie civile ou militaire brestoise, connaissant et pratiquant la langue bretonne à la fois de manière académique et de manière sentimentale et familiale. Toutefois, on peut s’interroger sur l’utilisation de ce langage par cette société et notamment quelles pouvaient être les représentations que ces savants avaient du breton. Guiastrennec était un ami de Théophile de Pompery et ce dernier considérait que la connaissance du breton était un moyen de diffuser les techniques agricoles nouvelles auprès du monde rural.
Aussi, Gabriel Milin était directeur de Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne), une revue catholique en langue bretonne. Celle-ci, dont la pensée pourrait se résumer à l’expression « Ar brezhoneg hag ar feiz a zo breur ha c’hoar e Breiz(171) », considère que la langue bretonne représente la morale catholique, qu’elle est une langue pure, une langue avec laquelle on s’adresse à Dieu. Par conséquent, le breton ne représentait pas la même chose et n’avait pas la même valeur pour ces érudits que pour les populations rurales.
L’idiome de l’Arsenal, parler prolétaire urbain
Nous avons vu que le mélange entre la population citadine et la population rurale est très présent à Brest et ceci était encore plus flagrant dans le quartier de Recouvrance. Nous allons aborder ici la physionomie sociale de ce quartier vivant à l’heure de l’arsenal et mettre en évidence les faits sociaux et langagiers qui ont abouti à la naissance du parler « Ti Zef », que j’appellerai volontairement l’ « idiome de l’arsenal ».
Tout d’abord, essayons d’avoir une photographie de la physionomie sociale de ce quartier. Afin d’avoir un début de comparaison avec la rive gauche, je me suis tourné vers l’analyse du taux théorique d’analphabétisme à Brest et à Recouvrance entre 1851 et 1871, à l’aide des registres d’actes de naissances. Le fait qu’ils soient signés ou non nous donne des renseignements sur l’alphabétisation théorique – j’insiste sur ce terme car signer ne veut pas dire pour autant que l’on est alphabétisé mais en effectuant une comparaison entre la rive droite et la rive gauche, nous verrons qu’il existe des différences. Lorsque la personne est incapable de signer, cet aspect est clairement indiqué dans ces actes de naissances.
Après avoir répertorié le nombre d’individus étant soit dans la capacité soit dans l’incapacité de signer les registres de l’année 1851, pour les mairies de Recouvrance et de Brest, la proportion d’individus signant ou ne signant pas les actes se décompose comme suit :
On constate ici que, sur une année, une petite proportion d’individus se trouvait dans l’incapacité de signer. Le taux théorique d’analphabétisme des parents à Recouvrance ne dépasse pas le quart, avec 22,04% de non-signature et même s’il est plus important, ce taux n’est pas si éloigné de celui de Brest (16,01% de nonsignature).
En comparaison, le taux d’analphabétisme national en 1851 est de 40-45%(174). Cela étant, il faut prendre en compte une donnée spécifique concernant ces statistiques pour la rive gauche : dans les 16,01% de personnes n’ayant pas signé, il existe une proportion d’enfants abandonnés, trouvés souvent à des heures tardives de la nuit, à l’hospice civil et une sage-femme signait alors l’acte de naissance.
C’était aussi elle qui signait l’acte de naissance en l’absence de l’officier d’état civil lorsque les parents se trouvaient dans l’incapacité de signer. C’est pour ces raisons que je n’ai pas créé de subdivision supplémentaire pour les enfants abandonnés et que ces chiffres font partie intégrante des non-signatures. Ces deux graphiques mettent tout de même en évidence un taux d’analphabétisme plus important à Recouvrance qu’à Brest.
Intéressons-nous maintenant aux données des années suivantes, 1861 et 1871, toujours pour les deux localités :
Ces graphiques montrent que la situation entre les deux rives ne change pas, le taux de non-signature restant, en termes de pourcentage, plus élevé à Recouvrance qu’à Brest (avec tout de même une augmentation en 1861 pour cette dernière, analysée ci-après). L’écart a tout de même tendance à se resserrer au fil du temps. En moyenne, sur vingt ans, le taux de non-signature est de 17,73% pour la rive droite et de 14,10% pour la rive gauche (3,63 points d’écart).
Analysons maintenant ces chiffres sur la durée à l’aide d’un récapitulatif du nombre d’actes de naissances et en changeant de type de graphique pour que la lecture soit plus claire :
On constate, grâce à ce graphique, que la natalité à Recouvrance diminue de façon linéaire entre 1851 et 1871, passant de 527 à 481 naissances. En ce qui concerne la rive gauche, on observe une très nette augmentation en 1861, avec plus de 1300 naissances, qui s’explique certainement par la prise en compte des naissances ayant lieu sur les terres de Lambezellec suite à l’annexion d’une partie de son territoire par la ville de Brest en 1861. L’ouverture du pont impérial, cette même année, permet aussi à la population de la rive droite (Recouvrance, le quartier des Quatre Moulins et la commune de Saint-Pierre Quilbignon) de profiter des hôpitaux, présents uniquement sur la rive gauche, pour accoucher. Cette dernière explication est une possibilité, même si Recouvrance ne connaît pas de baisse brutale de la natalité cette même année. La première théorie me semble donc plus plausible.
Intéressons-nous maintenant à l’évolution de la signature et de la nonsignature pour les deux localités de Brest centre et Recouvrance :
Alors que la non-signature reste stable entre 1851 et 1861, passant de 22,04% à 20,10% (baisse de 1,34 points), on constate une très forte baisse entre 1861 et 1871 : le taux passe de 20,70% à 10,43%, soit une baisse de 10,27 points, alors même que la moyenne des naissances diminue très peu sur ces deux tranches de dix ans (523 naissances en moyenne entre 1851 et 1861, 500 entre 1861 et 1971). Cette baisse significative de la non-signature s’explique certainement par la scolarisation de plus en plus fréquente de la population.
En ce qui concerne le territoire de Brest centre, on constate un nombre de non-signature croissant entre 1851 et 1861 et fortement décroissant après cette même année, alors que le nombre de signature augmente de façon relativement régulière. Ce phénomène est lui aussi expliqué par l’annexion des territoires de
Lambézellec à la ville de Brest en 1861.
Concernant l’évolution des données sur 20 ans, c’est Recouvrance qui connaît la plus forte chute de la non-signature entre 1851 et 1871 (-62,41%). La localité de Brest, quant à elle, subit une chute de -52,80% sur cette même période, alors que cette dernière affiche une hausse de la signature plus élevée que la rive gauche (voir tableau ci-dessous). Cela s’explique par la hausse significative des naissances suite à l’annexion de 1861.
L’ensemble de ces données montrent que Recouvrance a connu une avancée de l’alphabétisation différente de celle de Brest, la proportion d’individus dans l’incapacité de signer étant plus élevée sur la rive droite. Tout cela confirme qu’il existe des disparités entre les deux rives. Nous allons maintenant essayer de trouver les causes de ce phénomène.
Nous n’avons que peu de renseignements à notre disposition en ce qui concerne l’environnement sociologique spécifique de Recouvrance. Aussi, pour essayer d’avoir une photographie de la physionomie sociale du quartier, me suis-je appuyé sur les travaux que Fabienne Le Dez a effectués à partir du recensement de 1861(179). Je me suis tout particulièrement intéressé à trois points spécifiques de ses recherches : la structure de la population de Recouvrance, les taux de natalité et de mortalité (notamment la mortalité infantile) et les enseignements sur l’état sanitaire de la population.
A partir du recensement de 1861(180), il a été possible d’établir un schéma structurel de la population de Recouvrance suivant le genre, l’âge et l’état matrimonial. On constate alors qu’il existe un léger excédent de femmes par rapport aux hommes sauf dans certaines tranches d’âge (plus de représentants masculins dans les tranches de 0 à 14 ans, la tendance s’inversant ensuite). En moyenne, les hommes et les femmes sont célibataires jusqu’à 20-24 ans et la grande majorité de la population de la rive droite se marie après 25-30 ans. Le nombre de veuves dépasse celui des femmes mariées après 60 ans, en augmentation proportionnelle à la chute des effectifs masculins (sur une population de 14 003 individus à Recouvrance en 1861, on dénombre 905 veuves pour 204 veufs).
Le taux moyen de la mortalité est de 31 pour 1000, calculé sur une période de sept années. En comparaison, un taux de 36 pour 1000 n’était pas rare pour la France de la première moitié du XIXe siècle(181). Toutefois, Recouvrance connaissait une mortalité plus importante que la mortalité moyenne du Finistère à la même époque, qui était de 28,6 pour 1000(182). Les taux de mortalité affectant le quartier restent donc plus élevés que les moyennes départementales. Avec ces données, Fabienne Le Dez qualifie Recouvrance de quartier urbain prolétaire, s’appuyant sur les recherches de J. Beaujeu-Garnier :
« Les premiers temps des développements industriels se marquent presque toujours par un accroissement exceptionnel de la mortalité : il ne s’agit plus d’un brusque accident de la courbe, lié à un phénomène temporaire, comme une épidémie ou une famine, mais d’une reprise ayant une certaine constante et traduisant la profonde misère des prolétaires.(183) »
Le taux de mortalité infantile a été calculé pour la période 1858-1864. Sur ces sept années, 3 708 enfants avaient vu le jour et 623 d’entre eux sont décédés, le taux moyen de mortalité infantile s’élève donc à 168 pour 1000. En comparaison, pour la période 1856-1860, le taux départemental était de 150 pour 1000 en milieu urbain et 165 pour 1000 en milieu rural. En 1861, plus de 55% des décès ont touché des enfants de moins de cinq ans, 52% en 1863. Lorsque l’on regarde les chiffres de plus près pour l’année 1861, on observe que le taux de mortalité des enfants de moins d’un an s’élève à 194,6 pour 1000(184), soit l’amputation de près d’un cinquième des effectifs d’une génération dans sa première année. L’insalubrité du quartier était, sans aucun doute, l’une des principales causes de la mortalité infantile, le manque d’hygiène et l’inefficacité thérapeutique n’étant pas les facteurs appropriés pour soigner des maladies infantiles qui étaient souvent mortelles dans le passé.
Les capacités d’adaptation et de prolifération des maladies sont dues à des circonstances particulières, notamment en matière d’hygiène. Si nous en connaissons les conséquences, les causes des maladies sont diverses et la physionomie urbaine du quartier de Recouvrance nous renseigne sur certaines d’entre elles :
« Les égouts sont rares à Recouvrance. Les eaux ménagères s’écoulent des divers étages des maisons par des tuyaux qui les déversent dans les ruisseaux qui traversent le quartier. Les eaux de lavage du linge des ménages s’écoulent, également, à ciel ouvert dans les ruisseaux. Le service d’arrosage est très imparfait et ce sont, le plus souvent, les grandes pluies qui se chargent du nettoyage des rues.(185) »
Le manque d’hygiène n’explique pas, à lui seul, un fort taux de mortalité et celui-ci est aussi lié au climat de Brest, la pluie provoquant une humidité permanente de l’air ambiant, pouvant expliquer le grand nombre de maladies pulmonaires. Des maladies en voie de recul dans la seconde partie du XIXe siècle affectaient toujours la population de Recouvrance. Ainsi, la variole, la dysenterie, le choléra, la typhoïde, la tuberculose faisaient des ravages dans la population, touchant plus particulièrement les enfants de moins de dix ans. La présence des casernes est un autre facteur à prendre en compte : elles ont pu permettre l’extension des épidémies. En 1832, 1849 et 1854, une épidémie de choléra a affecté le quartier, et « à chaque fois, il semble bien que le vecteur de maladie ait été un marin récemment arrivé à Brest.(186) »
Les habitants de Recouvrance vivaient dans un quartier comportant une part importante de risque pour leur santé. La promiscuité, avec souvent plusieurs familles entassées dans les maisons et plusieurs personnes par couchage, le sous-équipement sanitaire, la population militaire sédentaire en contact avec les colonies françaises et l’absence d’hôpitaux faisaient de ce quartier un endroit peu accueillant.
Tous ces facteurs étaient les causes de la mortalité grandissante dans un quartier en décalage avec le quartier voisin de la rive gauche. Recouvrance ne jouissait d’aucune institution publique, contrairement au côté brestois qui s’enorgueillissait d’être siège judiciaire, militaire et administratif. Les autorités de l’époque ont fait le même constat, le maire Barchou déplorant déjà cet état de fait en 1828, lors d’une argumentation pour le rattachement des deux rives(187).
Nous avons vu que la rive droite connaissait un brassage de population et était le lieu d’installation privilégié des ouvriers de l’arsenal. Voyons qui composait cette population ouvrière.
Comme le souligne J. Léonard, « Brest est plutôt un port qu’une ville, plutôt un arsenal qu’un port.(188) » Cette affirmation est encore plus vraie pour Recouvrance qui vit par, pour et autour de l’arsenal qui est une immense usine et une grande entreprise d’État. Il ne compte pas moins de 38 ateliers, auxquels il faut associer les magasins et dépôts correspondants, installés dans de grands bâtiments dont le plus impressionnant est la corderie avec ses 400 mètres de long. En 1848, l’Assemblée Nationale diligente une enquête sur le travail agricole et industriel(189). Cette enquête fournit une répartition précise des ouvriers :
Nous voyons ici que le poste le plus important en termes de moyens humain est la construction navale, regroupant 72 % des ouvriers. Les ouvriers des nouveaux métiers (serruriers, forgerons, chaudronniers, fondeurs, tôliers, mécaniciens et ajusteurs) représentent eux près de 27 % du personnel de l’arsenal de Brest. L’industrie maritime militaire se trouve devant un besoin croissant d’ouvriers qualifiés. La Marine doit dès lors faire de plus en plus appel à des « ouvriers libres(193) ». L’analyse des matricules faite par Marie-Thérèse Cloître- Quéré pour le besoin de son étude nous renseigne sur l’origine de ces ouvriers. La répartition des ouvriers selon leur origine géographique, suite à l’étude des matricules d’admission entre 1827 et 1850 du service subsistances et du magasin général montre qu’ils proviennent de Brest et des alentours :
Nous constatons que les proportions sont équivalentes pour les deux services observés : environ 40 % des ouvriers sont originaires de Brest ou des communes voisines, 40 % pour le reste du Finistère dont près des deux-tiers des cantons littoraux du Léon, 10 % des autres départements bretons et 10 % seulement hors de Bretagne. Grâce à l’analyse des registres de mariages de Recouvrance entre 1846 et 1850(194), nous pouvons également observer ces chiffres pour les professions nouvelles :
Si ces chiffres ne représentent qu’un sondage portant sur un nombre limité de cas, il paraît correspondre à la répartition générale des ouvriers de l’arsenal. Le recrutement se faisait en majorité sur place et les délégués du canton de Crozon signalent que de « 200 à 300 ouvriers sont occupés au port de Brest.(195) »
Nous voyons donc que la population de l’arsenal était, dans sa grande majorité, originaire de Bretagne. Cette population ouvrière, notamment les membres issus de la ruralité, arrivait avec son bagage culturel, de la même manière que les domestiques. Ainsi, le jeune ouvrier prenant son poste à l’arsenal et venant des communes rurales avoisinantes ou des presqu’îles de la rade utilisait certainement la langue bretonne comme moyen de communication et trouvait des locuteurs parmi ses pairs. Rappelons que l’auteur de la biographie de Gabriel Milin nous signale le fait que ce dernier a effectué ses travaux de collectage une fois arrivé à Brest car il a trouvé sur son lieu de travail – qui était l’arsenal – un vivier de locuteurs bretonnants(196). Le langage utilisé dans le registre paritaire de cette population était donc, dans sa grande majorité, le breton. Celui-ci n’était pas reclus dans l’arsenal et était utilisé en ville. Ces bretonnants ont assimilé le français à la fois sur le tas et sur le tard. En effet, ils ont probablement appris le français avec leurs contremaîtres et leurs supérieurs qui l’on eux-mêmes possiblement acquis de manière approximative. Cantonnés sur la rive droite et enfermés dans leur travail tout dédié à la mer, leur français était fortement influencé par ce qu’ils connaissaient, c’est-à-dire, d’une part, des termes en rapport avec leur métier à vocation maritime et passés dans le langage courant et, d’autre part, quelques mots et expressions d’origine bretonne qui ont été francisés petit à petit. L’hebdomadaire Côté Brest, suite à une nouvelle publication sur le sujet, nous fourni une définition de ce parler :
« Gérard Cabon est l’un de ces Ti zef, Bressôa d’Brest mêm’ (rive gauche), qui entretient ce fameux parler brestois, mélange de français, breton, parler
de marin, argot ouvrier…(197) »
Ces différentes influences ont nourri un parler français local. Celui-ci a certainement été utilisé hors des murs de l’arsenal. Les ouvriers l’utilisaient à la foi sur leur lieu de travail et dans leur famille et, par conséquent, nous pouvons supposer que cet idiome a progressivement supplanté le breton dans le registre paritaire.
Nous sommes ici à l’aube de ce qu’on appelle aujourd’hui le « Ti Zef » ou le « parler Brestois(198) ». Ce langage est né à l’intérieur et autour de l’arsenal, c’est pourquoi je l’appelle l’idiome de l’arsenal. Cet idiome est actuellement considéré comme un marqueur identitaire, un signe d’appartenance à la ville de Brest. Le vrai Ti Zef parle le Ti Zef. Toutefois, avant de devenir le symbole du « vrai brestois », c’était un parler français local utilisé par les ouvriers et leurs familles, une marque d’appartenance à une communauté modeste et prolétaire, utilisé dans un registre paritaire.
156 Appelée ainsi car ses membres se réunissaient à l’heure des vêpres
157 Dès le premier numéro est édité « Matulin ar barz dall » de G. Milin (Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1861, Ibid. p. 103). « Hirvoudou c’houero eur skrivanier euz a Vrest », signé « un breton » ( Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1902, p. 152. Sources : Université du Michigan, via OpenLibrary : http://archive.org/stream/bulletindelasoc12bresgoog#page/n177/mode/2up/search/ breton
158 Sur le sujet, voir La franc-maçonnerie à Brest, Bibliothèque d’études de Brest, lettre n°7, printemps 2009
159 Le Fouriérisme est un système de morale et d’organisation sociale imaginé par le philosophe français Charles Fourier, une des figures de ce que Marx et Engels ont appelés le socialisme critico-utopique. Ce système repose sur l’attraction personnelle, c’est-à-dire l’entraînement de la passion sur les penchants
naturels des humains. Pour lui, l’être humain trouvera le bonheur dans la satisfaction de ses passions : « Le bonheur ne consiste qu’à satisfaire ses passions […] Le bonheur, sur lequel on a tant raisonné ou plutôt tant déraisonné, consiste à avoir beaucoup de passions et beaucoup de moyens de les satisfaire. » Il
élaborera quelques exemples de sociétés utopiques.
160 Sources : Travaux de l’association d’études fouriéristes et des cahiers de Charles Fourier (www.charlesfourier.fr)
161 Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1861. Sources Bibliothèque Nationale de France, via Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/ bpt6k207508w.image.langFR.r=soci%C3%A9t%C3%A9%20acad%C3%A9mique%20de%20Brest.swf
162 Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1861, Idib. p.17
163 Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1861, Idib. p.17
164 Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1861, Idib. p.29
165 «Lire le breton à quatre ans et aimer celui qui est dans le besoin» G.Milin, Gwechall-goz e oa…(Il était une fois…), Le Goaziou, Quimper, 1924, p. 5
166 « Il n’y avait personne de plus heureux que moi/sous le soleil brillant joyeusement/immensément joyeux avec mon vieil oncle/du matin jusqu’au soir/chaque jour du monde qui s’allumait/je sautais, dansais et riais ». Op.cit, p. 5
167 « Nulle part ailleurs il n’aurait pu avoir une si bonne occasion d’entendre, par hasard ou en s’enquérant, les vieux contes de notre pays. » Op. cit. p. 6
168 « Hirvoudou c’houero eur skrivanier euz a Vrest », signé « un breton » (Bulletin de la Société Académique de Brest, Anner, Brest, 1902, p. 152. Sources : Université du Michigan, via OpenLibrary : http://archive.org/stream/bulletindelasoc12bresgoog#p age/n177/mode/2up/ search/ breton
169 « Oui, dans une ville, en Bretagne, je crois qu’un breton/sain d’esprit peut se considérer comme étranger. » Traduction de l’auteur.
170 « Non, je n’emporterai avec moi, ni paille ni épingle/pour qu’il ne me vienne jamais souvenir de la ville de Brest/Alors, à moitié nu, grâce à Dieu/je pourrai, légèrement courir, marcher, me promener/alors je dirai : Adieu Sodome/si tu me revois jamais, la glace sera chaude/les montagnes de la Basse-Bretagne, ses rochers, ses écueils/quand je retournerai à Brest, seront comme de la poix […] »
171 « Le breton et la foi sont frère et soeur en Bretagne »
172 Gr1, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cote 5E58
173 Gr2, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cotes 1E122 et 1E123
174 A. Petitat, Production de l’école, production de la société, analyse socio-historique de quelques moments décisifs de l’évolution scolaire en Occident, Droz, Genève-Paris, 1999, p. 233
175 Gr3, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cote 5E68
176 Gr4, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cotes 1E142 et 1E143
177 Gr5, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cote 5E78
178 Gr1, sources : archives municipales et communautaires de Brest, cotes 1E165 et 1E166
179 F. Le Dez, De l’insularité à la jonction, Recouvrance vers 1861, enseignements socio-démographiques d’un recensement, sous la direction de M. Geslin, professeur d’histoire contemporaine, UBO, Brest, 1993 (mémoire de recherche à la bibliothèque du Centre de Recherche Bretonne et Celtique)
180 Cote 6M141, recensement de 1861, 3ème canton : Recouvrance, Archives Départementales du Finistère
181 G. Coat, Démographie de Recouvrance, 1965, p. 94
182 Y. Le Gallo (sous la direction de), Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, Saint-jean-d’Angely, éditions Bordessoules,1991, P. 148
183 J. Beaujeu-Garnier, Trois milliards d’hommes, 1965, p. 95
184 F. Le Dez, op. cit. p. 41
185 A. Borius, Le climat de Brest : ses rapports avec l’état sanitaire, J.-B Baillière, Paris, 1879, p. 89
186 G. Coat, Démographie de Recouvrance, 1965, p. 39
187 Se félicitant de l’essor de Brest, il signale que « Il est vrai de dire que Recouvrance a peu participé à ce mouvement général. Déserté par ses notables habitants et privé d’établissements publics, il tendrait à devenir un vaste dépôt d’ouvriers, de marins, de militaires. Il faut combattre cette tendance en continuant le système d’amélioration pour les rues et ses quais en mettant en communication facile le quartier de Pontaniou. » Y. Le Gallo, Recouvrance, Les amis de Recouvrance, 1988, p. 29
188 J. Léonard, Les officiers de santé de la marine française de 1815 à 1835, Klingksieck, Paris, 1967, p. 86
189 Enquête sur le travail agricole et industriel décidée par le décret du 25 mai 1848. Réponses du département du Finistère, cote C 952, pièce 102, via M.-T. Cloître-Quéré, Brest et la mer, 1848 – 1874, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Brest, 1992, pp. 28-29
190 La gargousse est la charge de poudre d’une bouche à feu contenue dans une enveloppe de tissu ou de papier.
191 Pièce d’artillerie non portative (canon fixe).
192 Atelier de fabrication de la chaux.
193 Jusqu’à 1808, les ouvriers des arsenaux étaient soumis à l’inscription maritime. A partir de cette date, l’admission volontaire et l’apprentissage sont mis en place pour faciliter le recrutement.
194 M.-T. Cloître-Quéré, op. cit. p. 31
195 M.-T. Cloître-Quéré, Op. cit. p. 31
196 Voir p. 88
197 Côté Brest du 07/11/2012. http://www.cotebrest.fr/2012/11/07/vous-avez-dit-bressoa/
198 Sur le sujet, voir A. Le Berre, Joli… comme à Brest, Le Télégramme, Brest, 2001