Le système de culture le plus répandu dans la région comprend deux cultures de manioc successives après abattis brûlis de 5-6 ans. Certains agriculteurs tendent à diminuer le temps de jachère, utiliser des engrais et même parfois, labourer de manière mécanisée. La monoculture de riz, en général destinée à l’autoconsommation, est encore assez commune, mais tend à diminuer. Le haricot est parfois planté en association avec le maïs et se sème en fin de saison des pluies pour pouvoir être récolté pendant la période sèche (figure 12).
L’ananas est planté en ligne simple, avec un espacement de 0,4*0,8 cm, au début de la période des pluies et peut-être associé, la première année, à du maïs ou du riz planté un à deux mois après l’ananas. Durant la deuxième année pendant laquelle il fructifie, l’ananas n’est pas associé, de façon à ne pas être concurrencé par les autres plantes cultivées. Une induction florale est parfois appliquée de façon à synchroniser la maturation du fruit. Si celle-ci se déroule pendant la période des pluies (entre janvier et juin) la fusariose se développe sur le fruit. Aussi, les producteurs organisent le cycle de l’ananas de telle manière qu’ils puissent le récolter avant ou après cette période. La période de récolte la plus commune se situe entre juillet et septembre (après la période des pluies), mais l’arrivée de grandes quantités d’ananas en même temps sur le marché entraîne une diminution des prix. La récolte avant la pleine période des pluies est possible en plantant plus tôt dans la saison sèche (mais cette pratique peut nécessiter une irrigation) et en raccourcissant la période végétative (engrais et induction florale précoce).
Il est possible de distinguer trois types d’exploitation différents chez les producteurs d’ananas (figure 13), mettant en place des systèmes de production différents et répondant à des logiques différentes: L’exploitation traditionnelle, l’exploitation spécialisée et l’exploitation diversifiée. La taille moyenne des exploitations est d’environ 18 ha. Pour toutes ces exploitations, l’ananas représente la source de revenus principale et le mode d’exploitation de la terre est le plus souvent encore l’abattis brûlis.
Le type traditionnel se caractérise pas une forte autoconsommation, en particulier de riz. L’ananas est le plus souvent associé à une autre culture que ce soit le maïs, le riz ou le manioc. L’utilisation d’inducteurs floraux pour synchroniser la production n’est pas systématique et l’induction naturelle est parfois préférée. Cette dernière pratique entraîne une période de production relativement étalée, avec une vente « à l’avancement » et ne nécessite que de peu de main-d’oeuvre.
L’effort porte sur la recherche d’un coût de production faible. Ainsi, l’utilisation des intrants est en général très limitée. Le système comprend 2 ha de cultures temporaires (le maïs ou le riz, mais plus souvent le manioc), 1 ha d’ananas en association avec des cultures annuelles plantées l’année n et une autre plantée l’année n-1 non associée (la culture associée pourrait porter préjudice à l’ananas). La rotation sur la forêt secondaire s’effectue sur 5-6 ans et une partie de forêt, la moins exploitable (éloignement, reliefs…) est laissée hors culture. Elle constitue une réserve. Ce type est en général moins étendu que les deux autres et a des besoins plus réduits.
Figure 11: Localisation du pôle Ananas (source : bingmap et auteur)
Figure 12: Arrangement institutionnel de l’APL fruiticulture de plateau de Santarém (source : auteur)
Figure 13: Typologie des petites producteurs d’ananas (source : auteur)
Figure 14: Cultures principales dans le pôle Ananas (source : auteur)
Figure 15: Schéma de la filière ananas (source : auteur)
Le type « spécialisé » est plutôt développé sur petits espaces. En effet, ces exploitations sont souvent réparties entre les différents membres d’une grande famille. Une famille nucléaire doit alors se contenter d’un espace réduit pour assurer son revenu. Ainsi, la solution communément adoptée par ce groupe est une intensification de la production d’ananas avec une rotation de l’abattis brûlis sur une friche arborée (3 ans) et une utilisation d’engrais importante pour compenser la baisse de fertilité induite. L’effort est porté sur l’augmentation de la taille des ananas tout en raccourcissant son cycle (phase végétative) et sur l’adoption de la monoculture d’ananas pour éviter la compétition d’une plante associée. Le suivi de la fertilité n’est pas réalisé et les doses ne sont pas respectées, ce qui peut entraîner une optimisation faible des engrais. L’association culturale pour l’autoconsommation se limite au strict nécessaire. La logique est de dégager un revenu suffisant grâce à la culture d’ananas pour subvenir aux besoins de la famille.
Le type « diversifié » est caractérisé par l’adoption de cultures pérennes et une augmentation des surfaces cultivées. Des cultures pérennes comme des agrumes, des goyaviers, le palmier pêche ou le roucouyer(4), avec même parfois des arbres de plus grande taille comme le Cumaru, le Muruci castanha do Para ou d’autres arbres de bois de construction, sont introduites. La première année, ces cultures sont souvent installées en association avec les cultures temporaires. Cependant, il semble que l’ananas, en dehors des projets menés en partenariat avec l’Emater (Pronaf), ne soit pas planté en association avec des arbres, les producteurs considérant qu’ils lui portent trop préjudice.
Aussi, une partie de l’exploitation est consacrée à la culture de l’ananas, souvent planté en association avec des cultures annuelles, tandis qu’une autre est consacrée aux plantations/systèmes agro forestiers ou à la culture temporaire par exemple de manioc. Aussi, peu de place reste disponible pour réaliser les rotations nécessaires au renouvellement de la fertilité. Les rotations courtes sont effectuées et une « correction du sol » est réalisée à l’aide d’un épandage de calcaire et d’engrais de manière optimisée, appliquée en plusieurs fois dans le cycle, et parfois après une analyse de sol préliminaire. Ces exploitations disposent en général des conseils et du soutien de l’Emater et adoptent certaines techniques promues par l’Emater.
Une loi brésilienne oblige les agriculteurs d’Amazonie à préserver une réserve légale de 50 à 80% la taille de l’exploitation. Dans ce contexte, la plupart du temps, les techniques d’abattis brûlis ne sont plus adaptés. Ainsi les systèmes de cultures promus par l’Emater, suivant les modèles agronomiques de l’Embrapa, s’orientent vers l’arrêt de l’abattis brûlis, le développement de la mécanisation, en particulier pour le labour, et l’utilisation raisonnée des intrants, pour corriger le sol avec une fertilisation organique et chimique (en plusieurs fois). Un effort est également fait sur la diffusion de modèles agro forestiers.
Cependant les modèles promus demandent un investissement et présentent des coûts de production élevés qui ne peuvent être supportés que dans certains cas, par exemple dans les exploitations de type diversifié. Ils ne sont pas adaptés aux agriculteurs qui ont une logique de limitation des coûts de production, comme dans le type traditionnel. Pourtant l’assistance technique doit s’adapter aux différentes situations et aux différents types d’exploitation. Ainsi, elle pourrait pousser plus nettement l’agroécologie qui, à travers l’utilisation de ressources internes au système de production, peut augmenter la production tout en limitant ses coûts.
Ainsi, la démarche d’APL, par son aspect horizontal, doit permettre de prendre en compte l’ensemble des catégories d’agriculteurs et d’adapter l’appui technique aux différents types d’exploitations existantes.
4 Le roucouyer (bixa oreliana), appelé urucum en Amazonie brésilienne, est un arbuste de 4 à 5 m de haut de la famille des Bixacées dont les graines sont revêtus d’une pulpe jaune ou rouge renfermant une matière colorante utilisée dans l’alimentation et la teinture.