Dans le registre de la PLF, la chef de famille est la mère. Deprez insiste en effet sur le rôle prépondérant des mères de famille à partir d’une étude qu’elle réalise en France auprès d’immigrants d’origines diverses (1996). Elle montre que les mères s’adressent principalement à leurs enfants dans la langue « d’origine »(45). Moore en explique les raisons :
« Pour beaucoup de familles migrantes qui sentent leur héritage linguistique menacé, le souhait des parents de protéger leurs langues les pousse à opter pour leur usage préférentiel comme contrepoids à celle en usage dans la société environnante. » (Moore, 2006 : 80)
Tout en remarquant l’attachement des mères à la transmission de la langue d’origine, Deprez note certaines contradictions dans leurs discours. Ainsi, ces mères défendent leur héritage linguistique en même temps qu’elle cherche à s’adapter au nouvel environnement social. « Ces deux attitudes sont compatibles chez une même personne, même si cela crée des tensions » (Deprez, 1996 : 42). Ce fléchissement d’une politique de défense de la langue d’origine vers une politique d’ouverture à la langue d’accueil se met en place par les mères elles-mêmes en faveur de leur propre émancipation, mais surtout pour l’éducation de leurs enfants dont nous allons parler dans le paragraphe 3.2.3 (Deprez, 1996 : 42).
Qu’en est-il à Montréal ? L’analyse de notre enquête qualitative va nous permettre d’éclairer quelque peu cette question. Nous pourrons en effet constater que sur 12 informateurs, 11 sont les mères de famille. Le seul père de famille concède par ailleurs que c’est sa femme qui a choisi l’école de son fils. Il semblerait donc que là aussi, ce sont les mères qui décident du parcours scolaire de leurs enfants. Mais il faudrait une enquête quantitative à ce sujet pour avoir des résultats plus convaincants. Tel n’était pas l’objectif de ce mémoire.
Concernant l’héritage linguistique, nous retrouvons chez les québécois anglophones la tension provoquée par les deux attitudes dont parle Deprez. En effet, tout en inscrivant leurs enfants en immersion, « beaucoup de parents anglophones craignent que l’apprentissage du français n’affecte l’identité culturelle des enfants » (Rebuffot, 1993 : 187). En s’appuyant sur les travaux de Genese, Rebuffot résume parfaitement la situation :
« Les parents des enfants désirent le maintien de leur langue maternelle et leur culture tout en accordant de la valeur à l’acquisition de la langue seconde par leurs enfants » (Traduction libre de Rebuffot in Genesee, 1987 : 19).
Ainsi, les parents anglophones veillent « à ce que l’apprentissage du français n’affecte en rien l’identité et la culture canado-anglaise de leurs enfants. » (Rebuffot, 1993 : 159).
Ajoutons finalement que dans le microcontexte du quartier NDG, la « société environnante » dont parle Moore (Moore, 2006 : 80) ne va pas toujours à l’encontre des pratiques langagières de la famille. En effet, alors que Montréal est considérée comme une ville francophone, ce quartier possède un caractère très anglophone (paragraphe 1.2.2) et les familles n’ont pas besoin d’y parler français.
45 La langue première