Le bilan de l’ONU, communiqué jeudi 23 décembre 2010, faisait état de 200 personnes tuées et 471 arrêtées entre le 16 et le 21 décembre 2010. “Cette situation s’est caractérisée par l’usage excessive de la force par les partisans de Laurent Gbagbo”, avait expliqué la haute commissaire adjointe aux droits de l’homme de l’ONU, Kang Kyung-wha. Un précédent bilan de l’ONU faisait état de plus de cinquante morts et deux cents blessés. Les Nations unies se disaient “alarmées par les violences occasionnées” par l’élection présidentielle. Les Etats-Unis, se basant sur “des informations crédibles”, faisaient état d’un bilan plus élevé, affirmant que près de deux cents personnes avaient été tuées durant les violences postélectorales.
Des responsables des Nations unies en Côte d’Ivoire avaient affirmé que les forces loyales à Laurent Gbagbo les avaient empêchés d’enquêter sur l’existence éventuelle de charniers à Abidjan. “Nous avons été surpris de constater que quand nous sommes allés sur place, la mission de l’ONUCI, conduite par Choi Young-Jin, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, moi-même à ses côtés, avons été stoppés à un barrage et nous n’avons pas pu continuer sur les lieux supposés du charnier”, avait rassuré Simon Munzu, chef du département des droits de l’homme de l’ONUCI.
Il avait affirmé que le barrage était tenu par des soldats et des miliciens masqués et que de nombreux civils, dont des enfants, se trouvaient à proximité, pour empêcher l’ONUCI de le forcer. Le camp d’Alassane Ouattara avait affirmé la semaine dernière que soixante à quatre-vingts corps avaient été découverts dans un charnier à N’Dotré, trente sur un autre site, ce qui avait été formellement démenti par le ministre de l’intérieur du gouvernement Gbagbo, Emile Guiriéoulou. Si l’ONUCI n’avait pu confirmer l’existence de charniers, elle avait en revanche pu vérifier que des habitants de quartiers populaires d’Abidjan avaient été victimes pendant une semaine de “harcèlements, intimidations, exécutions sommaires, arrestations”, selon M. Munzu.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait adopté par consensus à l’issue d’une session spéciale sur la Côte d’Ivoire une résolution dénonçant les “atrocités” commises après les élections de novembre 2010. Le Conseil, “profondément préoccupé” en appelait à la “volonté du peuple”. La résolution, proposée par le Nigeria au nom du groupe africain, avait été adoptée à l’issue d’intenses négociations qui avaient duré toute la journée et qui avaient été marquées par des réticences des pays d’Afrique du Nord.
Sept ministres des finances de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avaient demandé à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) d’autoriser uniquement les représentants du président ivoirien “légitimement élu”, Alassane Ouattara, à gérer les comptes du pays. Le conseil avait décidé, premièrement, “que les représentants régulièrement désignés par le gouvernement légitime de Côte d’Ivoire sont les seuls habilités à prendre des mesures relatives au fonctionnement de l’UEMOA au nom de ce pays”.
Deuxièmement, les ministres des finances de l’UEMOA avaient décidé “d’instruire la BCEAO de permettre aux seuls représentants régulièrement désignés par le gouvernement légitime de Côte d’Ivoire d’effectuer les mouvements sur les comptes ouverts en son nom”, selon ce texte. Les ministres avaient également donné “instruction à la BCEAO et aux banques de l’UEMOA de prendre toutes mesures de sauvegarde pour l’application rigoureuse des mesures qui précèdent”.
Une semaine après la répression sanglante par les forces pro-Gbagbo d’une marche avortée des partisans d‘Alassane Ouattara sur la télévision d’Etat RTI, pilier du régime en place, le camp d’Alassane Ouattara avait exigé la présence de la CPI. Dans un entretien au quotidien français Libération, son premier ministre, Guillaume Soro, avait dit souhaiter que “tous ceux qui sont impliqués d’une manière ou d’une autre” dans les violences du 16 décembre 2010 et celles qui avaient suivi “soient transférés à La Haye”. De l’hôtel d’Abidjan où le camp Ouattara était toujours retranché, M. Soro avait exhorté le monde à employer “la force” pour déloger M. Gbagbo.
La présence de mercenaires libériens sur le territoire ivoirien inquiétait la présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf. “Nous avons des informations selon lesquelles certains Libériens se joignent à la ‘guerre’ en Côte d’Ivoire, comme mercenaires, a-t-elle avancé. Quiconque sera pris pour ce type d’action pourra être poursuivi en justice. Ils sont libériens et, selon la loi, ici, ils peuvent être arrêtés pour ce qu’ils font.” Cette information avait été confirmée par un porte-parole de l’ONUCI, qui avait évoqué “un groupe de personnes parlant anglais et disant être libériens” rencontré par une patrouille.
150 Le Monde – 24/12/10 : « Alors que l’impasse politique semble durable en Côte d’Ivoire, des discussions se sont ouvertes entre des pays africains membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les Etats-Unis sur un éventuel renforcement des effectifs de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI), qui compte actuellement près de 9 000 hommes), appuyés par les 900 soldats français de l’opération Licorne. Les pays de la CEDEAO doivent se réunir en sommet extraordinaire, vendredi 24 décembre à Abuja, capitale du Nigeria ».
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