La Commission reprend ainsi la définition classique de l’entreprise en difficulté : une firme est considérée en difficulté lorsque ses ressources ne lui permettent pas « d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme. (48) »
C’est le cas par exemple quand la firme en question remplit les critères de la procédure collective de liquidation (Northern Rock en septembre 2007), ou quand le total des fonds propres risque de franchir le seuil minimum requis par la régulation bancaire, ce qui donne lieu à une suspension de l’activité (Bradford & Bingley en septembre 2008), ou encore en cas de dégradation de la note de solidité financière (ce qui fut la situation de WestLB et Roskilde Bank).
Les lignes directrices distinguent entre les aides au sauvetage et les aides à la restructuration.
Les premières consistent à apporter une assistance temporaire et réversible à des entreprises en difficulté pour leur permettre de se maintenir pendant la période nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation et/ou pendant le délai nécessaire pour que la Commission ou les autorités nationales compétentes statuent sur ce plan (49).
Une aide au sauvetage pour être autorisée doit répondre à des conditions strictes : elle doit être accordée sous (1) forme de prêts ou de garanties de prêts au taux d’intérêt équivalent à celui du marché (comparables à ceux adoptés par la Commission); (2)le montant doit être limité à ce qui est nécessaire pour assurer l’exploitation de l’entreprise (principe de proportionnalité); (3)l’aide ne peut être versée que pour la période nécessaire (six mois au maximum) à la détermination du plan de redressement ; (4) la mesure doit se justifier par des raisons sociales et ne pas avoir pour effet de déséquilibrer la situation des firmes dans d’autres États membres ; (5)l’état membre accordant l’aide s’engage à transmettre à la Commission, dans un délai de six mois, soit un plan de restructuration, soit un plan de liquidation, soit la preuve que les prêts ont été remboursés ou qu’il a été mis fin à la garantie ; (6)l’aide doit rester une opération exceptionnelle (principe de la non-récurrence des aides).
En dépit d’une application classique de ces conditions, la Commission a fait preuve d’une certaine flexibilité en assimilant par exemple des mesures singulières à des prêts ou des garanties de prêt (première condition précitée), c’est le cas des garanties sur les dépôts (50), de l’acquisition des effets de commerce « toxiques » (51), ou encore des facilités de capital portant sur des fonds de roulement (52).
A l’inverse quand une aide n’est pas temporaire, et qu’elle est irréversible (ce qui inclue les sommes distribuées au titre d’aide au sauvetage mais qui n’ont pas été remboursée dans la période initiale de six mois), elle est considérée comme une aide à la restructuration. Celle-ci se fonde sur un plan cohérent et réaliste visant la viabilité de l’entreprise à long terme. Pour être autorisée, l’aide à la restructuration doit satisfaire un certain nombre de critères.
Un plan de restructuration permettant de rétablir la viabilité de la firme doit être notifié à la Commission. L’aide publique doit s’accompagner de mesures compensatoires prévenant toute distorsion excessive de concurrence. Le montant doit être strictement limité au nécessaire à l’exécution des mesures de restructuration. Les bénéficiaires doivent largement contribuer à la restructuration au moyen de leurs fonds propres. L’entreprise est tenue de suivre dans son intégralité le plan de redressement. L’aide à la restructuration ne peut être accordée qu’une fois.
Pendant la première phase, la Commission a pris une décision sur la base de l’aide à la restructuration (les autres étant basées sur l’aide aux entreprises en difficulté), en considérant comme telle, la vente immédiate de Sachsen LB combinée à la prolongation de la garantie fournie par le land de Saxe. La Commission a uniquement accepté cette mesure de soutien car le plan de restructuration prévoyait des mesures pour limiter le problème de l’aléa moral (le licenciement de l’équipe de management de l’établissement en question) et parce que la contribution de l’acheteur aux coûts de la restructuration était significative (51%) (53).
En outre, le plan incluait la vente d’un certain nombre d’actifs, la fermeture d’une succursale irlandaise de Sachsen impliqué dans des investissements financiers, ainsi que l’abandon d’opérations pour compte propre et d’opérations immobilières internationales. L’ensemble de ces mesures –touchant des activités génératrices de 25% des profits du groupe Sachsen- furent considérées comme suffisantes pour compenser l’aide accordée et limiter ses effets négatifs sur la concurrence.
Ainsi pendant la première phase, la Commission Européenne attribuait aux règles relatives aux aides d’état, une flexibilité suffisante pour faire face aux problèmes posés par la crise financière. A cette période elle voyait ces problèmes comme des difficultés essentiellement individuelles, requérant des solutions « sur mesure » pour chaque banque. La Commission n’avait pas encore reconnu les particularités du secteur financier et le risque d’instabilité lié au phénomène de contagion. En conséquence, les mesures d’aide autorisées se sont révélées insuffisantes pour régénérer la confiance dans les marchés financiers. A la suite du la chute de Lehman Brothers, le marché interbancaire se gela et la Commission n’eut pas d’autre choix que d’adapter sa politique de concurrence.
48 Communication de la Commission, lignes directrices communautaires concernant les aides d’état au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (2004/C 244/02), § 9.
49 Ibid. note 6, §15.
50 Affaire Northern Rock, §44, op. cit.
51 Affaire Sachsen LB, §99, op. cit.
52 Affaire Bradford & Bingley, §43-46, op. cit.
53 Affaire Sachsen LB, §110-119, op. cit.
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