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3)La femme indépendante, sans homme

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Nous trouvons d’autres jeunes héroïnes indépendantes et fortes, dans des contextes plus proches du monde contemporain. Gina et Fio dans Porco Rosso sont des héroïnes de la vie quotidienne, porte-paroles de la liberté des femmes car leurs rôles s’éloignent également des rôles traditionnels de la femme japonaise. Gina est propriétaire d’un hôtel ; d’une grande beauté, elle attire l’admiration de tous les hommes. Indépendante, elle refuse de se marier. Certaines scènes du film la montrent se révoltant contre la façon dont le héros, Marco Pagot, traite les femmes. Elle défend la cause des femmes ; lorsque Marco/Porco Rosso lui demande de transmettre un message de défi à un autre pilote, cette dernière refuse de lui rendre service. Elle lui reproche de la croire à sa disposition et lui crie : « Vous les pilotes, vous êtes tous les mêmes : vous considérez les femmes comme des objets insignifiants ». Cette phrase montre que Gina refuse de se laisser traiter comme un simple objet de convoitise et d’être utilisée.

Fio Piccolo est également une jeune fille qui pourrait plaider en faveur de la cause féminine. Plus jeune que Gina, âgée de 17 ans seulement, elle est néanmoins déjà très indépendante et a des qualités qui pourraient être considérées comme « viriles » : travaillant dans un garage d’avions avec son grand-père, elle pratique un travail d’ « homme ». C’est elle qui s’occupe des réparations sur l’avion de Porco Rosso ; lorsqu’elle demande à s’occuper seule des réparations sur l’avion, elle dit : « Je ne peux pas arrêter d’être une femme, mais laissez-moi faire ce boulot ! ».

Elle a bien cerné le personnage de Porco, un homme machiste, séducteur, qui pense qu’une femme n’est pas capable de s’occuper de mécanique. Mais Fio va le surprendre en dessinant des plans d’avions et en faisant de son avion un véritable avion de chasse performant, qui lui permettra de gagner la course finale. De plus, Fio n’est pas la seule femme à savoir faire un travail traditionnellement masculin : le garage Piccolo ne fonctionne qu’avec des femmes. En effet le film se déroulant en Italie durant la Seconde Guerre Mondiale, les hommes sont au front et les femmes prennent le relais. Cette période de l’Histoire est donc propice à mettre l’indépendance et le travail des femmes en avant.

Lisa, dans Ponyo sur la falaise, est également une femme indépendante. Elle s’occupe seule de son enfant de quatre ans, le père travaillant en mer et étant souvent absent. Nous ne la voyons jamais accompagnée de son mari. C’est un personnage assez drôle, car totalement impulsif. Elle est également très jeune, donc vive et complice avec son enfant. Ce dernier l’appelle d’ailleurs par son prénom, Lisa, et non « maman ». Cela peut paraître assez étrange, comme si Miyazaki cherchait à souligner sa jeunesse. Mais cela montre aussi un nouveau type de mère, jeune, indépendante.

Lisa travaille, semble toujours très occupée, pressée. Lisa est une mère très jeune, très fine. Elle ne paraît pas avoir plus de vingt-cinq ans. Elle porte les cheveux courts, s’habille exclusivement en pantalon. Energique, elle est aussi très expressive : elle crie facilement. Cela se voit par exemple, lorsque Fujimoto se tenant au milieu de la route, gêne sa voiture. Lisa n’hésite pas à lui assener de nombreux reproches, puis part en manquant de l’écraser avec sa voiture.

Lorsque le père de Sôsuke les appelle pour informer Lisa de son absence prolongée, une fois de plus, celle-ci fait une véritable scène, partant « bouder » dans sa chambre, après avoir jeté la vaisselle. Miyazaki semble avoir mis l’accent sur sa jeunesse, notamment avec sa façon de faire des caprices, assez puériles. Lorsque Lisa se réfugie dans sa chambre, contrariée par son mari, son fils vient la consoler comme si elle était l’enfant, il lui caresse les cheveux ; les rôles sont inversés. Mais en dépit de ce caractère presque enfantin, Lisa est une femme forte, qui se passe sans problème de la présence d’un homme.

La façon dont Lisa conduit sa voiture est également un aspect « coloré » du personnage. En effet, celle-ci conduit très brusquement, excessivement vite, et semble n’avoir peur de rien. Lorsque le tsunami se déclenche, au lieu de rester à l’abri dans la maison de retraite où elle travaille, Lisa ramène Sôsuke en voiture, passe le barrage malgré les interdictions des hommes y travaillant, et mène une véritable course contre les vagues pour arriver chez elle. Lisa semble ainsi avoir un comportement de jeune fille, ne réfléchissant pas aux conséquences ; elle est d’une grande impulsivité.

Figure 32 L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI

Lisa est une jeune femme très loin de l’image de la mère japonaise, soumise et discrète. En rentrant chez elle, elle boit une bière, comme le ferait un homme. Elle a une attitude et un caractère « virils » : impulsivité, vivacité et audace étant l’inverse des qualités traditionnellement féminines (timidité, discrétion, douceur).

Figure 33 L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI

Plusieurs autres personnages féminins sont indépendants, vivent sans la présence d’un homme ou tout du moins, sans son influence. Kiki, par exemple, dans Kiki la petite sorcière, est un personnage intéressant car contrairement à la tradition japonaise qui veut qu’une jeune fille ne quitte pas le foyer de ses parents avant le mariage, cette héroïne quitte ses parents, mais qui plus est à un très jeune âge, à l’aube de son adolescence. A treize ans, Kiki part vivre loin de ses parents, sans les contacter, sans leur aide, pendant une année entière. La sorcellerie, histoire de fond du film, est en réalité un prétexte pour montrer l’évolution d’une jeune adolescente, sa quête d’identité, thème important chez Miyazaki. Kiki devient ainsi une jeune fille indépendante : elle travaille pour survivre, monte son entreprise. Les personnages qu’elle rencontre au fur et à mesure de son histoire sont surtout des femmes, aux maris absents ou effacés (par exemple, le mari d’Osono ne dit pas un mot durant le film ; Madame est veuve ; Ursula est célibataire), qui deviennent des exemples pour elle.

Ursula, jeune femme de dix-huit ans, est un modèle pour Kiki. Artiste, elle vit seule dans les bois et semble autonome, libre d’esprit. Il s’agit d’une jeune femme vivant pour ses rêves et ses passions, loin des idéaux de mariage et de la recherche de l’amour. Elle est une véritable amie pour Kiki, la conseillant lorsque cette dernière est en proie au doute concernant ses capacités. Forcée de devenir autonome, Kiki apprend ainsi à vivre seule, à se détacher de ses parents. Il s’agit d’un apprentissage de l’indépendance. La perte de ses pouvoirs de sorcière, au milieu du film, est symbolique : comme toute jeune fille durant l’adolescence, Kiki apprend à retrouver le don qu’elle possède, sa voie, et à devenir pleinement autonome.

Autre femme indépendante dans Kiki la petite sorcière, Osono, qui recueille Kiki et l’héberge, la boulangère. Elle dirige son propre commerce. Nous avons même l’impression qu’elle le dirige seule car son mari, bien qu’aux fourneaux, n’est presque jamais en contact avec la clientèle. En effet, nous n’entendons pas le son de sa voix, c’est sa femme qui est contact avec les clients et surtout, qui décide seule, sans le concerter, d’héberger Kiki et de l’embaucher comme livreuse. C’est donc une femme indépendante, qui n’a pas besoin de son mari pour prendre des décisions, ni même le consulte en ce qui concerne les affaires. On pourrait penser que son mari s’occuperait des embauches, mais en réalité, Osono prend ce type de décisions.

Sophie, héroïne du Château ambulant, est un personnage qui vit également un apprentissage : celui de la confiance en soi. Cet apprentissage de la confiance lui permettra d’atteindre une vraie indépendance. Sophie est une jeune femme créative, autonome : elle fabrique des chapeaux et tient la boutique de sa mère, souvent absente. Le sortilège qui la transforme en vieille femme fait ressortir son défaut : le manque de confiance en elle. Lorsque Sophie reprend confiance en elle, son visage reprend ses traits de jeune fille ; mais dès qu’elle doute de ses capacités, elle reprend son aspect de vieille femme. Ici la magie est à nouveau une métaphore pour l’apprentissage d’une jeune fille. Son indépendance s’acquiert grâce à son instinct de survie : devenue une vieille femme, elle ne peut compter sur personne d’autre qu’elle-même. Elle devient donc femme de ménage pour Hauru et trouve ainsi refuge chez lui, en se créant une nouvelle famille.

Une autre figure de femme indépendante émerge, dans Le Voyage de Chihiro. Le personnage de Lin est une femme indépendante, qui ne dépend d’aucun homme, mais elle montre plusieurs facettes. De façon générale, nous voyons qu’elle est âgée d’environ vingt ans, est célibataire et a un travail. Elle travaille aux Bains -épicentre du monde surnaturel dans lequel Chihiro a pénétré- et s’occupe de servir les plats aux autres employés, ou de faire le ménage des bains.

Bien qu’ayant un travail de servante, Lin semble avoir un fort caractère et l’esprit indépendant. Dans la première scène où nous la voyons, Lin apporte à Kamaji, l’un des employés des Bains, son repas. Mais elle n’est pas un personnage effacé, bien au contraire, elle parle à Kamaji en lui donnant toute une série d’ordres : « arrêtez ça ! », parlant du vacarme que Kamaji fait avec ses boules de suie, qui alimentent la chaudière des bains. Puis elle lui lance : « Où est ton bol ? Je t’ai déjà dit de le préparer ! ».

Lin fait des reproches, donne des ordres, soupire, se fait entendre. Lorsqu’elle aperçoit Chihiro, sa première réaction est de la pointer du doigt, stupéfaite et paniquée. En effet, les humains sont interdits dans les Bains. Kamaji lui demaned d’amener Chihiro voir la sorcière dirigeant les lieux, Yûbaba, prétextant qu’elle est sa petite-fille. Lin accepte, clairement à contre-cœur. Sa façon de parler à Chihiro est brusque. Elle la traite d’idiote, la pousse. Lin paraît alors être un personnage négatif, une femme forte et indépendante, qui semble savoir se faire respecter, mais dénuée de gentillesse ou d’instinct protecteur.

Figure 34 L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI

Son dégoût pour la petite fille semble s’accroître : lorsque Chihiro, enfin embauchée par Yûbaba, lui est attribuée en tant qu’apprentie, Lin fait savoir que ce devoir ne l’enchante pas. Lin est assez vulgaire, parle avec un langage familier de fille simple. L’image ci-dessus montre que la réaction de Lin est de dire : « On va encore me la fourguer ? » en parlant de Chihiro.

Figure 35 L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI

Mais Lin montre alors une nouvelle facette. Une fois seules, elle la félicite, souriante ; elle se montre aimable et charmante. Elle deviendra bientôt pour Chihiro une grande sœur protectrice. En réalité, Lin est obligée de montrer un visage dur sur son lieu de travail, pour être respectée. Mais lorsqu’elle sait que Chihiro va faire partie de son quotidien, elle est fière et montre son vrai jour. Lin joue un rôle de femme forte et râleuse, dure, devant les autres employés, masque qu’elle fait tomber une fois que sa confiance a été gagnée.

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