L’intégration sociale du migrant est un processus lent d’adaptation aux réalités socioculturelles du milieu d’accueil car l’insertion dans un milieu social autre que le sien n’est pas toujours aisé. En effet, l’entrée, d’un élément nouveau dans un ensemble social peut constituer un facteur de déséquilibre ou de dynamisme de groupe.
4-1-1 Relation sociale
L’immigration dans la commune de Pobè rend la commune cosmopolite à travers un brassage culturel entre plusieurs ethnies. Elle ouvre davantage la commune sur la République Fédérale du Nigeria à travers l’intensification des échanges commerciaux.
Malgré leur installation dans les quartiers populaires, l’intégration des immigrants nigérians à la société de la commune reste superficielle. Les rapports avec les autochtones se limitent aux relations commerciales.
Ils préfèrent avoir des épouses d’origine nigérianne que béninoise. D’après les résultats de nos enquêtes seulement 5 % des immigrants mariés ont une femme originaire du Bénin comme l’indique la figure 8.
Figure 8 : Immigrants mariés
Source : Résultats d’enquête, Avril 2012
L’analyse de la figure montre que l’objectif de l’immigration des Nigérians est loin d’être une opportunité de création de ménage. La majorité des immigrants sont des célibataires (75%).
De même, tous les immigrants enquêtés n’ont que des apprentis originaires du Nigeria. Ceci justifie le fait que les immigrants n’ont pas assez confiance à la population autochtone pour leur confier la gestion de leurs boutiques.
Pour la majorité de la population, les Nigérians sont craints car ils sont connus pour leur nervosité et leur dangerosité. De plus, de nombreux réseaux de voleurs et de braqueurs démantelés par la police trouvent leur base au Nigeria. Ce qui renforce la méfiance des populations vis-à-vis des immigrants. Ce sont autant de facteurs qui limitent les relations entre les populations autochtones et les immigrants nigérians.
Par contre la totalité des immigrants estiment que la population locale est accueillante et qu’ils entretiennent de bonnes relations de voisinage notamment avec les colocataires de maisons et de boutiques. Néanmoins, ils sont quelques fois victimes de cambriolage dans leurs boutiques. Les coupables sont parfois arrêtés soit après enquêtes, soit en flagrant délit. L’implantation d’un commissariat de police en plus du dispositif sécuritaire qui existait dans la commune renforce leurs quiétudes.
4-1-2 Logement
Les logements habités par les immigrants dans la commune sont loin d’être les plus décents. Les célibataires habitent dans les entrées-couchées ou à la rigueur dans une chambre un salon et peuvent rester à 2 ou 3 dans la même chambre.
Par contre les mariés vivent en couple dans une chambre un salon.
Néanmoins pour certains immigrants, notamment les apprentis, les boutiques servent parfois de lieu de vente et de dortoirs. Il s’agit pour eux de maximiser leur profit mais également un moyen pour surveiller leurs produits. Cette catégorie d’immigrants est généralement constitué d’apprentis dont les patrons ne résident pas dans la commune et à qui il a été confié la gestion de la boutique.
Il faut mentionner que l’immigration des Nigérians dans la commune de Pobè participe à la flambée des prix des logements.
4-1-3 Religion
La croyance en Dieu fait partie des convictions humaines. Dans la commune de Pobè la religion constitue un facteur d’intégration pour les immigrants nigérians. L’étude de l’appartenance religieuse révèle qu’ils sont des monothéistes et sont majoritairement des chrétiens. Selon les résultats de nos enquêtes, 89 % des enquêtés sont des chrétiens contre 11% de musulmans.
Parmi les chrétiens on distingue les catholiques et les célestes comme l’indique la figure 9.
Figure 9 : Appartenance religieuse des immigrants chrétiens
Source : Résultats d’enquête, Avril 2012
L’analyse de la figure montre que 72 % des chrétiens sont des catholiques et fréquent les paroisses Saint Claire et Saint François d’Assise de Pobè. Les chrétiens célestes (28 %) vont également à l’église notamment celle du christianisme céleste. Les musulmans viennent à la mosquée centrale surtout les vendredis à 14 heures consacrés à la grande prière.
4-1-4 Prestation des immigrants
Pour de nombreux clients les immigrants leurs offrent des services de proximité et ils sont pour la plupart satisfaits de leurs prestations (figure 10).
Figure 10 : Satisfaction des clients
Source : Résultats d’enquête, Avril 2012
L’analyse de la figure montre que sur les 160 des clients interrogés 101 sont très satisfaits des services que leur offrent les immigrants. Selon eux, le rapport qualité prix s’y trouve. Pour les clients peu satisfaits (44), ils déplorent la qualité des produits vendus ainsi que la mauvaise foi des immigrants dans la vente des produits en ce qui concerne le prix des articles. Enfin, les clients pas du tout satisfaits (15) trouvent les articles coûteux par rapport aux prix de l’article à Cotonou ou au Nigeria et estiment que les vendeurs s’enrichissent au détriment de la population locale.
4-1-5 Qualité et prix des produits
Selon les observations faites sur le terrain, les vendeurs de pièces détachées et de pneumatiques de motos détiennent à la fois les produits originaux, contrefaits et parfois usagés. En effet, pour un article, l’immigrant en fonction de votre portefeuille peut vous proposer les trois séries avec une différence de prix parfois significative pour certains articles.
Pour les clients enquêtés, l’original coûte plus cher que le contrefait ou l’usagé. Certains clients ne maitrisent pas la qualité des produits ; ainsi, le vendeur peut faire passer le contrefait pour l’original. C’est d’ailleurs le mécanisme utilisé pour réaliser d’importants bénéfices. Certains mécaniciens abusent de la confiance des clients en leur achetant des produits contrefaits au lieu des originaux quand on leurs confient la réparation des engins.
Les vendeurs des produits électroniques, électroménagers, portables et accessoires mettent sur le marché des produits originaux et contrefaits. A la différence des vendeurs de pièces détachées et de pneumatiques, ils ne vendent pas de produits usagers.
Pour les clients qui achètent les cures dents la qualité du produit est vérifiable sur place. Il suffit de couper un petit bout et mettre sous la dent. Parfois certains sont amères, d’autres s’effritent et salissent les lèvres. En fonction du défaut constaté, le client peut décider d’acheter ou de laisser partir le vendeur en lui suggérant un prix qu’il ne peut pas accepter.
Pour les clients auprès desquels l’enquête a été menée, les prix des articles chez les immigrants sont plus abordables que chez les autochtones qui exercent la même activité. La figure 11 montre l’appréciation des prix par les clients.
Figure 11 : Appréciation des prix des articles par les clients
Source : Résultats d’enquête, Avril 2012
L’analyse de la figure montre que 65 % des clients enquêtés estiment que le prix des articles Nigérians est moins cher contre 6 % qui le trouvent très chers.
Cette dernière catégorie concerne les clients qui ont l’habitude d’effectuer des séjours au Nigeria soit pour travailler soit pour une quelconque cause. Ils comparent ainsi le prix des articles sur le marché nigérian à celui du Bénin sans prendre en compte le paramètre coût du transport et les taxes douanières.
Le tableau V présente le prix de quelques articles qu’on retrouve chez les commerçants nigérians.
Tableau V : Prix de quelques articles vendus par les immigrants
Source : Résultats d’enquête, Avril 2012
De l’examen du tableau V, il ressort que le prix des articles varie en fonction de la qualité et de la marque. Il faut mentionner qu’il existe une disparité entre ces prix et ceux pratiqués par les établissements agréés.
4-1-6 Langues
L’un des plus puissants facteurs d’intégration est la langue parlée. La langue est un vecteur de communication qui brise le repli sur soi même et permet une adaptation rapide au micro modèle local. La langue est un facteur déterminant dans les échanges commerciaux. Dans la commune de Pobè, le dialogue entre les immigrants et les clients se font en français, en anglais ou en langue locale (yorouba, nagot, fon). La compréhension de la langue locale et du français se fait pendant la formation. La maitrise de la langue varie en fonction de la durée sur le territoire d’accueil.
La langue que les immigrants arrivent à parler et à comprendre plus facilement est le Yorouba et le Nagot avec une maîtrise relative en cinq ans. Par contre les immigrants éprouvent des difficultés à maitriser le Français et le Fon même au fil des années. Ainsi, l’immigration des Nigérians participe à la vulgarisation des langues locales.
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