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4-2) La formation des journalistes, une piste à creuser :

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Cette idée, selon laquelle les journalistes manquent cruellement d’éducation sur certains sujets comme la religion est évoquée par la journaliste Nathalie Dollé dans un article paru en mai 2007 sur le site Islamlaïcité.org. Selon elle « nous journalistes ne sommes […] pas assez formés sur le thème particulier de l’islam mais surtout sur les conséquences de nos productions.

« [Nous ne sommes pas vraiment] conscients des enjeux de société [que tout cela implique], de notre pouvoir » et au final, « nous restons peu soucieux de nos responsabilités. » Ainsi pour cette journaliste, il est vital « que chacun et que chacune, prenne ses responsabilités » car finalement, « la thèse du ” complot médiatique ” contre les musulmans est non pertinente » et ce sont plus les « faiblesses journalistiques […] généralisées et structurelles au métier » qui sont responsables.

Cette inculture religieuse, renforcée par un fonctionnement médiatique totalement inadapté à la religion, est également évoquée dans un article de mai 2011 paru sur Zaman.com et intitulé « 80% des journalistes sont religieusement incultes ». Reprenant les idées du journalistes et écrivain Bernard Lecomte, l’article explique que « le manque de culture religieuse [est malheureusement] visible aussi bien chez les journalistes que chez le grand public », et que la « rapidité du traitement de l’information et le culte du sensationnel, propres au fonctionnement même des médias » ne font qu’accentuer les préjugés qui collent à la peau des religions. Aussi, encore une fois, ce sont plus des idées reçues et la recherche d’audience qui guident les professionnels de l’information plutôt que leur connaissance réelle du sujet. Un phénomène qui se trouve être encouragé par le public lui-même, souvent bien plus attiré par le sensationnel, le minoritaire et le marginal (donc le remarquable) que par l’ordinaire, le majoritaire et le banal (pourtant le plus répandu).

Par conséquent, l’on obtient souvent pour représenter l’islam dans les médias des images sensationnelles, des clichés totalement coupés de leur contexte, qui ne s’appliquent en réalité qu’à une très faible minorité de musulmans, mais qui ont l’avantage d’être très « vendeurs ». Et comme, dans notre société hypermédiatisée, l’image « créée » le fait, les effets sont ravageurs. Les musulmans sont mis « à part », enfermés dans des cases dans laquelle eux-mêmes ne se retrouvent pas, puis finalement obligés d’adopter des comportements et des discours défensifs qui ne sont en fin de compte que des réactions à une image médiatique dont ils souffrent.

Pour Bernard Podvin, responsable du module religion à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, il serait possible de remédier au problème en apprenant certains rudiments aux jeunes journalistes en formation. En effet selon lui, il serait important d’apporter des réponses aux jeunes journalistes en mettant en place de « vraies » formations en religion dans les écoles de journalisme, au lieu des « simples sessions gadgets » proposées actuellement. Cela permettrait entre autres :

– d’« apprendre à bien remettre les évènements dans leur contexte et d’éviter l’absurdité des interprétations dénuées de sens ».
– d’« apprendre à traiter les sujets religieux avec des méthodes, pour éviter les comparaisons faussées [et d’] instaurer […] une certaine méthodologie pour éviter les erreurs grossières actuelles. »
– de former les jeunes journalistes à l’histoire des religions, au contexte de leur naissance, à leurs principaux préceptes, leur fonctionnement interne et leurs dirigeants.
– de « comprendre l’importance dans ce genre de sujets de la traduction, qui doit être parfaite car des termes différents des termes usuels, et empreints de sens, peuvent vite [être] déform[és] par une mauvaise traduction. »
– d’« apprendre à différencier les différentes façons de croire, les fois dans leurs divers degrés d’application, ce qui change tout quand on parle de religion. »

Cette question de la formation des journalistes, trop peu souvent évoquée, semble pourtant à ne pas négliger dans une optique de résolution de la problématique du traitement médiatique de l’islam. Aussi, peut être que le déploiement de certains efforts en ce sens contribuerait à l’adoption par nos futurs acteurs médiatiques d’un regard plus « juste » et plus proche de la réalité que celui propagé actuellement.

Les cent cinquante pages qui précèdent ont tenté de brosser le portrait le plus précis possible des tenants et aboutissants relatifs au traitement médiatique français de l’islam et des musulmans.

A la question initialement posée : les médias français contemporains sont-ils vecteurs d’une image négative et stéréotypée des musulmans ? une réponse affirmative mais nuancée est donc apportée.

En effet cette question, complexe car reliée à de nombreuses autres thématiques, ne peut décemment se satisfaire d’une réponse simpliste ou manichéenne.
Aussi, aux « vices médiatiques » que l’on pointe généralement du doigt comme les premiers « responsables » (influence politique ou idéologique, sensationnalisme, simplification et manque de temps) s’ajoutent beaucoup d’autres facteurs (certaines caractéristiques intrinsèques de l’islam, un contexte mondial anxiogène et une histoire coloniale française encore dans les mémoires). A tel point qu’il devient difficile de dire qui des premiers ou des seconds sont les plus « coupables ».

Comme l’explique Vincent Geisser, les médias sont loin de pouvoir être assimilés à une « deus ex machina qui détiendrait le monopole de la fabrication des clichés et des préjugés sur l’islam et les musulmans ».

Une fois analysées, les causes d’un « mauvais » traitement de l’islam par les médias français finissent par s’emboîter les unes dans les autres pour former un tableau complet, comme les pièces d’un grand puzzle où finalement chaque élément participe à la cohérence de l’ensemble. C’est ce qui rend le sujet à la fois passionnant et si difficile à aborder dans l’espace médiatique lui-même, souvent peu prompt aux grands déballages explicatifs et argumentés que nécessitent malheureusement certains sujets.

Pour toutes ces raisons, l’on peut donc répondre avec certitude que, oui, les « grands » médias français, dans leur majorité, ont actuellement tendance à présenter l’islam et les musulmans sous un jour assez négatif et stéréotypé ; mais que, non, ils ne le font pas forcément intentionnellement.
A la fois juge et partie, les journalistes, au vu de leur simple condition humaine, peuvent-ils se détacher complètement d’un contexte pour faire preuve d’une neutralité absolue ? Cette question, qui agite la profession depuis toujours, est finalement bien celle qui est au coeur de la problématique de ce mémoire : quel devrait être le rôle du journaliste ?

Celui de s’efforcer d’être le plus neutre possible au risque de se laisser influencer par des phénomènes qu’il maîtrise peu ? Ou celui de défendre un point de vue qu’il est capable d’argumenter et de défendre ?

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