4.A. L’incinération : un procédé obsolète ?
Dans le cadre de la loi de 1992, la valorisation énergétique était encore présentée comme un
procédé de traitement tout-à-fait acceptable mais cette méthode va être décriée dans les années 1990
car on s’aperçoit que les fumées chargées en dioxines sont très polluantes et ont des effets néfastes
sur la santé humaine et les milieux naturels. Le « mythe du feu purificateur » s’effondre lorsque
l’opinion public réalise que tous les éléments polluants contenus dans les déchets incinérés ne
disparaissent pas miraculeusement mais se dispersent dans les fumées ou se retrouvent dans les
mâchefers. La directive européenne 2000/76/CE du 4 décembre 2000 impose de nouvelles normes
aux unités d’incinération, notamment en ce qui concerne la filtration des fumées. Celles-ci s’avèrent
contraignantes et augmentent considérablement le coût du procédé incinérateur dans un modèle
français qui était plutôt laxiste quant à la réglementation de ses usines. Parallèlement, une nouvelle
catastrophe environnementale vient définitivement ternir l’image de l’incinération : l’unité de Gillysur-
Isère, en Savoie, est arrêté en 2001 après des analyses affichant des taux d’émission dépassant
jusqu’à 750 fois la nouvelle norme européenne. Avec une acceptabilité sociale qui se dégrade vis-àvis
de ce type d’installations et un coût de fonctionnement qui explose, l’incinération devient un
procédé obsolète.
4.B. La loi Grenelle I
4.B.a. Un déficit de solutions de traitement et une plus grande rentabilité économique du recyclage
Ainsi, en l’espace de dix ans, les deux procédés de traitement des déchets ménagers
jusqu’alors privilégiés que sont la mise en décharge et l’incinération, sont consécutivement
désavoués. Ce déficit de solutions techniques provoque un grand chamboulement dans la politique
de gestion des déchets ménagers qui va désormais s’orienter vers une réduction à la source du
gisement des déchets ménagers et un développement accru du recyclage. Le bon déchet n’est plus
celui qu’on brûle pour produire de l’énergie, ni celui qu’on recycle, mais plutôt celui qu’on ne
produit pas. A ce déficit de solutions techniques s’ajoute la hausse du cours des matières premières,
notamment le pétrole, depuis le début des années 2000 qui donne un nouveau souffle à l’industrie du
recyclage, désormais rentable.
4.B.b. De nouveaux objectifs, une nouvelle hiérarchisation des modes de traitement
Cette nouvelle orientation est concrétisée par l’article 46 de la loi Grenelle I(141), votée le 3
août 2009, qui pose les objectifs suivants :
– Réduire la production d’ordures ménagères de 7 % et diminuer de 15% les quantités de
déchets destinés à l’enfouissement ou à l’incinération sur cinq ans.
– Limiter le traitement des installations de stockage et d’incinération à 60 % des déchets
produits sur le territoire via l’augmentation de la TGAP(142) afin de favoriser la prévention, le
recyclage et la valorisation.
– Mettre en place des filières de récupération et de traitement spécifiques pour les déchets
dangereux des ménages, les pneus et les produits d’ameublement.
– Autoriser et inciter les collectivités territoriales compétentes à intégrer, au sein de la REOM
ou de la TEOM et dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en
compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre d’enlèvement des déchets.
La loi Grenelle I prévoit également, sans fixer d’objectifs concrets, de moduler les contributions
financières des industriels aux éco-organismes en fonction des critères d’écoconception,
d’harmoniser la signalétique et les consignes de tri sur le territoire national, ainsi que de limiter
l’emballage au respect d’exigences de sécurité des produits, d’hygiène et de logistique.
De cette législation découle une nouvelle hiérarchie des modes de traitement qui consacre le
principe des 3R : prévention (réduction), préparation en vue du réemploi, valorisation matière
(recyclage), valorisation énergétique (incinération avec récupération d’énergie), élimination (mise
en décharge). Une deuxième hiérarchisation apparaît même pour le traitement des déchets résiduels
qui doivent être traités prioritairement par incinération ou, à défaut, mis en décharge. Enfin, une
troisième hiérarchisation concerne le traitement des déchets organiques : compostage de proximité
(domestique ou collectif), méthanisation et compostage industriel.
Afin de réaliser quelles sont les tendances qui caractérisent le gisement d’ordures ménagères
français depuis 2000, voici deux graphiques (ci-après), issus du premier bilan à mi-2009 de la
politique des déchets du Grenelle de l’Environnement, qui dressent l’évolution des flux de déchets
ménagers au niveau de la collecte (graphique 1) et au niveau du traitement (graphique 2). Le
premier graphique montre une légère baisse de la quantité d’ordures collectées depuis 2007 ainsi
qu’une augmentation légère mais continue des tonnages de la collecte sélective. Le second, quant à
lui, dessine une baisse notable de la quantité d’ordures ménagères orientées vers la mise en décharge
qui est symétrique à l’augmentation des tonnages orientées vers le recyclage, alors qu’on observe
une stabilité de la part relative des déchets incinérés(143).
Graphique 1 : Évolution de la production des ordures ménagères et assimilées.
Source : MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU
LOGEMENT, La politique des déchets 2009-2012. Premier bilan à mi-2011., 2011, p. 5.
Graphique 2 : Évolution des traitements des déchets ménagers et assimilés.
Source : MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU
LOGEMENT, La politique des déchets 2009-2012. Premier bilan à mi-2011., 2011, p. 9.
4.B.c. Recherche de nouveaux leviers pour la participation des ménages
Les orientations fortes données à la politique nationale de gestion des déchets ménagers avec
le Grenelle de l’Environnement doivent entrainer une modification profonde des flux de déchets. Or,
le comportement des ménages reste le facteur déterminant sans lequel une modification de ces flux
n’est pas envisageable. Il s’agit donc de trouver de nouvelles stratégies pour accroitre la participation
de la population à une collecte sélective qui devient de plus en plus complexe (matières recyclables,
matières organiques, encombrants, déchets diffus spécifiques). Pour cela, il est prévu d’accentuer la
politique d’information du public dans le prolongement des actions menées depuis la mise en place
des premières collectes sélectives et de favoriser la mise en place de tarifications incitatives au
niveau des ménages. L’activation du levier économique pour inciter les ménages à mieux trier
participe à la rationalisation des comportements des ménages : l’information distillée par les
collectivités publiques et autres acteurs locaux montrant ses limites, il faut trouver un nouvel angle
d’attaque, celui de la rationalité économique qui semble plus persuasif.
Avant de nous intéresser au système de la redevance incitative qui s’inscrit dans cette
démarche d’activation de la rationalité économique, nous devons rendre compte de notre
méthodologie d’investigation afin de mieux saisir la démarche qui nous a animée lors de notre
enquête de terrain. Nous verrons ensuite comment s’est structuré et développé le modèle bisontin de
gestion des déchets ménagers jusqu’à l’instauration d’une redevance incitative au volume du bac
(1999), puis avec pesée embarquée (2012). Enfin, nous nous pencherons sur la question du
compostage collectif à Besançon à partir des matériaux que nous avons recueillis sur le terrain.
141 Source : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020949548 (page consultée le 5
mai 2012)
142 Taxe Générale sur les Activités Polluantes
143 « En dépit des protestations véhémentes de ses détracteurs, l’incinération restera probablement un mode de
traitement des déchets, complémentaire des autres procédés. En effet, même avec une démarche volontariste de
prévention, de recyclage, de méthanisation et de compostage, il sera difficile de s’en affranchir totalement pour les
fractions résiduelles inévitables, d’autant plus que l’urbanisation des territoires limite les possibilités de sites de
décharge. ». DE SILGUY Catherine, op. cit., p. 172.
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