4.1- Le profil des tuteurs et des apprenants : motivation, formation, expérience préalable, …
– Les professeurs (T1, T2 et T3) : âge, formation, expérience préalable, motivation.
Figure 4-1 : Profil des tuteurs
Les trois enseignants ont associé la figure du tuteur à un guide, comme le 68% des apprenants(47). Ils ont dit que, lorsqu’ils se retrouvent en tant qu’étudiants, ils aimeraient que le tuteur leur confirme s’ils vont bien dans le processus d’apprentissage. T2 (préférant les équipes) et T3 (qui est pour le travail en individuel), se disent plutôt autonomes. En revanche, T1 se déclare dépendant du tuteur et des collègues, et préfère travailler à deux. Les trois sont parvenus à des résultats rapprochés quant aux raisons qui pourraient pousser les apprenants à l’abandon du cours. Les rôles que les enseignants ont joués en tant que tuteurs, de même que les pratiques tutorales qu’ils ont mises en oeuvre tout au long de cette formation, ne sont pas identiques.
Figure 4-2 : Questionnaire 1-tuteurs, question 6
– Les apprenants : occupation, expérience préalable de NTICE et de FOAD, motivation
Le public d’apprenants inscrits à ce cours est hétérogène comme c’est habituel à l’AF, cependant dans ce cours, tous les inscrits sont soit des étudiants universitaires, soit des professionnels.
Figure 4-3 : Profil des apprenants
Leurs motivations sont aussi très variées.
Figure 4-4 : Questionnaire1-apprenants, Q1 : motivations
Figure 4-5 : Questionnaire1-apprenants, Q3 : habitudes d’apprentissage
Le recrutement des inscrits a été cette fois, comme pour l’édition précédente du cours, très exigeant avec certains pré- requis : une connaissance de l’outil informatique et de la navigation sur Internet, des possibilités réelles de connexion, l’accès habituel à un ordinateur, ainsi que la disponibilité pour assister aux 10 séances de regroupement prévues.
4.2- Les attentes des apprenants et des tuteurs : analyse du questionnaire initial.
Les apprenants inscrits, qui se veulent autonomes et qui voient la figure du tuteur comme un guide (68%), pensaient avancer dans leur apprentissage du français plus vite que par rapport à un cours traditionnel (46%), tout en apprenant autant (52%). D’autre part, ils estimaient qu’ils seraient plus indépendants (90%). La plupart d’entre eux pensait qu’il n’y aurait pas de différence par rapport à un cours traditionnel -quant à la motivation (63%)- et qu’ils n’éprouveraient pas de sentiment d’isolement (59%) à cause de la distance(48).
Les apprenants ont tous considéré, à priori, les séances présentielles utiles, fondamentalement pour : confirmer les connaissances acquises pendant le travail en autonomie et éclaircir les doutes, pour pratiquer la langue et travailler la communication, ainsi que pour préparer les évaluations et former les binômes(49). D’ailleurs, les tuteurs ont choisi la communication comme l’une des plus importantes compétences et sections du cours (parmi 6 options) sur laquelle ils comptaient travailler lors des séances de regroupement, suivie de Prononciation et de Tâches finales. Par contre, à l’exception de T1, ils ont pensé travailler davantage la langue sur la plateforme, au niveau des explications (T2) et au niveau des corrections (T2 et T3). D’autre part, les apprenants voulaient que le cours auquel ils se sont inscrits propose surtout des forums d’échange avec le tuteur(50), des documents audiovisuels et authentiques, des bibliographies supplémentaires et des échanges avec d’autres étudiants(51).
Du point de vue de l’accompagnement humain, les apprenants ont déclaré vouloir que le tuteur travaille fondamentalement la communication (autant en présentiel et qu’en distanciel), et qu’il soit régulièrement disponible en ligne(52). Les tuteurs de leur part, ont pensé qu’ils allaient pouvoir offrir des séances de regroupement supplémentaires, être disponibles en ligne régulièrement (T1 et T2), corriger les productions évaluatives, et corriger (envoyer des feedbacks) les interventions faites sur les espaces prévus pour les échanges avec les tuteurs (forums). Les enseignants tuteurs ont trouvé les espaces d’échanges nécessaires pour donner des réponses collectives, pour aider les apprenants à échanger entre eux (T1, T2), pour les aider à réaliser les tâches (T1), pour les motiver (T2) ainsi que pour vérifier les connaissances acquises (T3).
Touchant les compétences ou qualités des tuteurs, ceux-ci ont donné des réponses bien différentes les unes des autres sur le questionnaire. La compétence psychologique, étant la plus importante pour T1 et T2, n’a pas été sélectionnée par T3, qui a donné la priorité à la compétence méthodologique. Nous allons voir comment ces idées préalables se sont matérialisées dans la façon dont chaque tuteur a mis en oeuvre l’encadrement de ses apprenants (voir 4.3 et 4.4).
4.3- Les contributions des apprenants sur la plateforme et les modalités d’intervention tutorales observées : points de repères pour des stratégies d’un tutorat efficace.
Dans cette partie, nous allons nouer une relation entre le type d’activité proposée par le cours sur la plateforme, et les participations/ contributions faites par les apprenants de chaque groupe. Nous essayerons d’arriver à des conclusions cause effet. Notons tout d’abord que les trois enseignants- tuteurs éprouvent une certaine difficulté à cerner ce qui relève de l’interaction en ligne. Pour ce travail, nous allons retenir comme interaction en ligne dans le cadre de cette formation : -« tout type d’échange en ligne (par le biais de la plateforme) »,
-« le dépôt d’un travail des apprenants sur la plateforme »,
-« les corrections/commentaires faits par le tuteur au sujet de leurs travaux ».
Nous verrons dans ce chapitre le type d’activité s’avérant plus ou moins facile en termes de connaissances linguistique. Nous évaluerons les activités plus ou moins faisables en termes de logistique et de technologie nécessaires à leur accomplissement. Nous jugerons celles qui seraient plus ou moins interactives, en fonction des échanges qu’elles favorisent entre les tuteurs et les apprenants.
Sur l’enquête initiale, les apprenants avaient déclaré vouloir que le tuteur travaille la communication. Toutefois, ils ont manifesté leur désir de travailler principalement sur les sections Lexique et la Grammaire (40 %), plutôt que sur la Communication et la Prononciation (27%). L’enquête révèle que 16% des apprenants comptait travailler sur les « Tâches ». Sans doute, ce pourcentage a-t-il associé ce mot non à la « communication », mais à des activités de systématisation des contenus grammaticaux / lexicaux. Ils auraient eu l’intention de travailler ces aspects dans les deux sections sur lesquelles ils ont déclaré vouloir travailler davantage.
Figure 4-6 : Questionnaire1-apprenants, Q8 : rubriques préférées
L’information qui apparaît à continuation a été directement tirée des 4 premières leçons du cours hébergé sur la plateforme Moodle. Nous avons résumé et schématisé ces données dans 4 tableaux, afin d’observer et de montrer graphiquement la relation qui pourrait exister entre les contributions des apprenants et les types d’activités proposées de la Leçon 1 à la 4. L’information qui apparaît dans ce travail ne couvre pas les 8 leçons obligatoires (+ la leçon facultative) car nous considérons qu’à partir de la Leçon 3 le taux d’abandons le plus élevé a lieu. Ajoutons à ce problème le fait que le comportement des apprenants vis-à-vis du cours devient trop régulier, très répétitif : à partir de la Leçon 5 il n’y pratiquement pas d’interventions de la part des apprenants.
– Leçon 1
Voyons les chiffres concernant la Leçon 1
Figure 4-7 : Leçon 1. Relation type d’activité-contribution des apprenants
Le tableau, nous permet de constater que, pendant les éditions précédentes de cette FOAD, les apprenants ont eu une nette préférence pour les exercices structuraux, autocorrectifs et pour les activités/tâches écrites. L’expérience à démontré que 36 apprenants sur 59 ont fait au moins 1 des 22 exercices HotPot proposés dans cette première Leçon. Puisque les exercices structuraux sont autocorrectifs, ils créent chez les apprenants, avec un feedback immédiat, une atmosphère de confiance/sécurité. La plupart des exercices autocorrectifs abordent des contenus linguistiques. Ils sont compris dans les sections « Grammaire » et « Lexique » que les apprenants avaient déclarées vouloir travailler davantage. En plus, n’oublions pas que ce type d’exercice, on les retrouve un peu partout dans le site: dans toutes les leçons et à l’intérieur de toutes les sections, même dans « Communication » (sous forme d’exercice/ou activité de compréhension orale) et « Tâche » (sous forme d’activité préparatoire fournissant un modèle). Toujours sur le tableau décrivant le comportement des apprenants lors de la Leçon 1, un chiffre relevant une participation importante est celui qui correspond à la tâche écrite. Celle-ci résulte extrêmement facile en termes de compétences linguistiques requises: il ne faut que compléter, avec les salutations et la prise de congé, un message amical qui est proposé aux apprenants.
Le tableau de la Leçon 1 reflète une pauvre consultation de la section « Civilisation », elle est donc évidemment négligée par les apprenants. Sans doute parce qu’elle ne contient qu’un seul exercice autocorrectif –ceux-ci étant les préférés des étudiants- et il en est de même pour la leçon 2. Cette rubrique a beaucoup de matériel mais ils sont majoritairement en espagnol et très peu exploités pédagogiquement. Les tuteurs déconseillent fortement alors, dès les premiers regroupements et à travers les échanges sur la plateforme, d’accorder la priorité au travail sur cette section, étant donné le manque de temps pour couvrir le programme qui a caractérisé ce cours pendant ses trois éditions.
En ce qui concerne l’expression orale, l’enregistrement et publipostage des phrases isolées est facultatif. Ces productions prononcées peuvent être enregistrées après avoir écouté un modèle hors contexte figurant sur le site. Les tuteurs ne sont pas obligés d’écouter ces enregistrements des apprenants postés sur le forum de la section Communication, ni de leur donner un feedback. Cette remarque est spécifiée aux apprenants dès la première séance présentielle. Ceci pourrait être un facteur nuisant à la production des apprenants dans les forums destinés à la publication de leurs enregistrements oraux. De plus, cette activité implique un investissement majeur de temps et de connaissances technologiques, ainsi qu’un temps de connexion important et le même problème se pose avec les tâches orales (à faire majoritairement en tandem), comme nous le verrons plus tard.
Il faut tout d’abord, compter sur le logiciel Audacity ; soit téléchargé d’Internet/ de la Leçon « Bienvenue » de la plateforme, soit fourni directement par l’informaticienne du projet. Ensuite, il faut s’y connaître à l’heure d’enregistrer sa voix (sur Audacity) et savoir ensuite poster les fichiers mp3 résultants sur le forum de la plateforme. Ceci est expliqué dans un mode d’emploi accessible dans la Leçon de Bienvenue, et est censé être expliqué et pratiqué au cours de la première séance de regroupement en présentiel. Un problème s’ajoute encore pour les tâches orales : les apprenants sont demandés de travailler en tandem, ce qui leur est également expliqué dès le début du cours (Leçon de Bienvenue et première séance présentielle). Mais sans doute, le tout début du cours serait-il trop tôt pour que les apprenants se mettent d’accord sur un travail en équipe, processus qui, comme nous l’avons déjà analysé, se déroule bien plus lentement au sein d’une situation d’enseignement- apprentissage à distance. (Veuillez vous rapporter à 1.2.4., page 17). D’autre part, selon les résultats de l’enquête, 61% d’entre eux se sont inscrits à cette formation à distance à cause du problème de temps et de leurs agendas – quotidiens surchargés. En outre, ils sont isolés, éloignés physiquement (dans la plupart des cas) les uns des autres et doivent faire face à une grande complexité technique et logistique ainsi qu’à l’appréhension de la distance et à la mauvaise connexion. Tout ceci pose des problèmes sérieux à l’apprenant à l’heure d’aller vers l’autre. Pour ces raisons mentionnées auparavant et celles figurant dans 1.3.2, le tuteur serait charger d’enseigner les apprenants à travailler en collaboration, et de leur faire voir les effets bénéfiques de la co-action entre pairs pour l’apprentissage.
– Leçon 2
Analysons quelques chiffres illustrant la situation de la Leçon 2 :
Figure 4-8 : Leçon 2. Relation type d’activité-contributions des apprenants
Huit apprenants sur 77 (soit environ e 6 %) ne sont jamais allés sur la 2e leçon. Voyons sur le tableau faisant référence à la Leçon 2, que le comportement des apprenants en termes du nombre de productions et des activités qu’ils choisissent davantage et plus au moins le même par rapport à la Leçon 1. De 56 apprenants sur 77 qui ont accédé à la leçon, certains l’ont « visitée » seulement d’un rapide coup d’oeil, ce qui ne veut pas dire qu’ils y aient travaillé (fait des exercices/ contribué).
Dans la Leçon 2 il y a plus de propositions d’activités de production orale (6) que dans la première leçon (5) ; nous y trouvons aussi une seule tâche écrite proposée. Le total de contributions des trois groupes montre que les apprenants qui sont entrés à la Leçon 2, et qui ne se sont pas contentés de la visiter passivement, ont continué à faire bien d’exercices autocorrectifs de type HotPot (cette leçon en propose 30). Alors, sur les 56 apprenants qui sont entrés à cette deuxième leçon, 32 en ont fait au moins un, mais la plupart d’entre eux en a fait plusieurs. Quant à la complexité des tâches, cette fois aussi la « tâche » écrite est très facile en termes de compétences linguistiques (compléter une fiche personnelle qui leur est donnée). Elle est plus simple que les tâches et activités orales en termes d’aisance requise avec l’outil informatique.
Parmi l’amas de raisons qui rendent encore plus difficiles les activités orales, nous rappellerons les propres compétences linguistiques et les connaissances technologiques qui persistent toujours. Mais en citons encore davantage : elles peuvent menacer la face des apprenants car ils se voient souvent confrontés à la prononciation de sons qui n’existent pas dans leur langue maternelle(53).
D’autre part, les exercices de prononciation apparaissent dans la section « Prononciation ». Elle se trouve en quatrième lieu, de haut en bas en faisant une navigation verticale du site, au-dessous des sections « Communication », « Grammaire », « Lexique ». Cette disposition induit, entraîne, déclenche, par conséquent une fausse interprétation de l’apprenant à l’heure de attaquer les rubriques, croyant que l’ordre d’apparition des rubriques doit impérativement être respecté. Dans le pire des cas, faute de temps et de connectivité, ils ignorent carrément la rubrique « Prononciation » puisqu’elle est la moins visible des quatre. Ces rubriques sont énormément chargées d’explications théoriques (contenus et exemples) et d’exercices autocorrectifs. Ceci compromet l’emploi du temps des apprenants, le temps de connexion dont ils disposent, leur disponibilité d’un ordinateur. Il en résulte que « l’énergie » décline chez eux pour arriver à faire les exercices de prononciation, ainsi que les tâches à la fin de cette leçon 2. Ce même phénomène se posera au cours des autres 8 Leçons de cette formation.
– Leçon 3
Voyons maintenant les chiffres se rapportant à la Leçon 3.
Figure 4-9 : Leçon 3. Relation type d’activité-contributions des apprenants
Le tableau portant sur la Leçon 3 (ci-dessus) montre, en premier lieu, que la quantité d’exercices autocorrectifs (HotPot.) a été multipliée par deux (désormais 62 exercices). Cependant le temps accordé à cette leçon dans le calendrier du cours (54) n’a pas été altéré. D’après les statistiques de Moodle, un apprenant passe environs 4’2 minutes à faire un exercice autocorrectif (HotPot.), cela veut dire qu’il aurait besoin de 4h30 approximativement pour réaliser les exercices. Cela sans compter le temps qu’il est censé consacrer préalablement à l’analyse des explications (grammaticales, de vocabulaire, etc.), lui permettant de répondre aux exercices.
C’est intéressant de remarquer que, d’après les réponses que les apprenants ont données sur l’enquête, 80% d’entre eux s’étaient inscrits à cette formation avec l’idée de lui accorder entre 1 et 10 heures par semaine.
Figure 4-10 : Qestionnaire1-apprenants, Q5 : temps à consacrer
Quelques exercices autocorrectifs ne se limitent pas seulement à des exercices structuraux de grammaire et de vocabulaire. Il y en a qui sont des composants de sous-tâches et d’activités préparatoires. Alors, ils assistent au travail de la compréhension orale de vidéos et d’enregistrements. Malgré la pertinence irréfutable d’une bonne partie d’entre eux, la quantité s’avère excessive. N’oublions pas que ces exercices ont été conçus pour être faits en solitaire, à distance et en ligne dans un pays où la connexion est plutôt rare et de mauvaise qualité. En plus des 62 exercices, les apprenants ont aussi affaire, au cours de cette leçon, à neuf activités de production (contrôlée et libre) encore Il faudrait demander à un professeur de l’Alliance, chargé d’un cours du système Accéléré 1, s’il a essayé de faire faire aux apprenants autant d’exercices (71), soit en cours, soit comme devoir. En tout cas, revenant à notre cours à distance, on y a vécu pendant trois ans une augmentation du taux d’abandons à partir de cette troisième Leçon. On pourrait se permettre de penser que l’augmentation de la charge de travail en constituerait l’une des causes. Comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous, 59% des apprenants inscrits ont répondu qu’une des raisons qui leur ferait abandonner cette formation serait le fait d’y trouver trop d’exercices/ contenus et disposer de très peu de temps.
Figure 4-11 : Questionnaire1-apprenants, Q6 : raisons pour abandonner le cours
Cette surcharge d’exercices impliquerait soit un travail plus approfondi de balisage, soit une planification plus performante des rôles des tuteurs, soit des interventions plus actives de leur part. Nous pourrions également accorder plus de semaines (à savoir, des séances présentielles) à cette Leçon numéro 3. Une autre restructuration de cette leçon du cours, faite à long terme, pourrait aussi être évaluée. Aussi, la réunion et application de toutes ces possibilités à l’unisson, amèneraient-t-elle à des résultats sans aucun doute favorables.
Dans cette leçon, le nombre d’activités de production orale (production contrôlée ou libre) est inférieur à celui de la Leçon 2. De plus, cette fois-ci, elles ont encore gagné en complexité linguistique (par exemple : il faut se décrire physiquement et psychologiquement). À la différence de la première édition du cours, cette fois-ci le manque d’exemples et de matériels servant de modèle ne constitue plus un prétexte acceptable pour l’apprenant à l’heure de s’attaquer aux productions. Néanmoins, les problèmes de manque de temps et de connexion ainsi que d’accès limité à un ordinateur persistent, empêchant les apprenants de profiter de nouvelles modifications faites (mentionnées auparavant). Les activités et tâches écrites sont plus nombreuses, et un peu plus complexes maintenant, en termes de connaissance linguistique, que dans les leçons précédentes. D’ailleurs, il y a deux tâches écrites exigeant de surcroît un savoir-faire qui est loin d’être habituel dans la réalité cubaine : il s’agit de rédiger une annonce pour un site de rencontres et surtout, et de choisir un correspondant à partir des annonces publiées tout en lui répondant. En dépit de toutes ces possibles difficultés, les contributions écrites faites par les apprenants continuent à être plus nombreuses (50) que les orales (26). Comme dans la leçon 1 et la 2, les productions écrites sont toujours privilégiées des apprenants.
– Leçon 4
Comme nous le verrons ci-dessous sur le tableau qui résume sommairement les contributions faites par les apprenants dans les différentes activités proposées, le nombre d’interventions qu’ils ont faites dans la Leçon 4 est considérablement inférieur à celui des autres 3 leçons précédentes (43). De plus, sur les 77 apprenants inscrits au cours, 30 ne se sont jamais connectés à cette 4e Leçon. En fait, comme nous l’avons déjà précisé, le fait d’entrer à la leçon ne veut pas dire que l’apprenant ait vraiment travaillé sur les contenus, ni fait les exercices ou activités et tâches proposés.
Figure 4-12 : Leçon 4. Relation type d’activité-contributions des apprenants
– En guise de conclusion
Quand la consigne est claire et que la tâche à accomplir est facile en termes de complexité linguistique, technologique, et de connaissances culturelles, les apprenants se montrent plus autonomes et contribuent davantage. Lorsqu’il s’agit d’une tâche écrite, ce phénomène s’accentue. Autrement, il faudrait que les tuteurs offrent un étayage ciblé pour pallier les difficultés mentionnées.
La comparaison entre les résultats chiffrés et recueillis sur les quatre tableaux s’avère très difficile, étant donné le nombre très faible de productions faites par les apprenants par rapport au nombre total d’inscrits. Nous ne pourrions pas nous appuyer uniquement sur ces chiffres à eux-mêmes pour émettre des hypothèses abordant le type de tutorat effectué ou les effets d’un tutorat proactif ou réactif sur les apprenants. Observons que le Groupe 2 a toujours eu ses séances en présentiel au laboratoire multimédia de l’Alliance, et que le Groupe 3 y a eu quelques séances. Cela a offert aux apprenants de ces deux groupes la possibilité réelle (matérielle) de s’enregistrer et de poster leurs productions orales (étant toujours le moins nombreuses). Les apprenants des groupes G2 et G3 ont ainsi pu travailler les activités et tâches écrites pendant les séances de regroupement avec leurs tuteurs, qui étaient sur place pour les aider. Lors de ces séances, les propres tuteurs (T 2 et T3) en ont pu tirer profit et corriger les travaux des apprenants ainsi que leur envoyer des feedbacks immédiats. Cela pourrait expliquer le rapprochement occasionnel entre le nombre de contributions des trois groupes (surtout entre G1 et G2 où l’écart est dérisoire), malgré un possible tutorat peu proactif. Ceci aurait aussi pu compenser un tutorat uniquement réactif ou « réactif à peine » (Groupe 3) de la part des tuteurs des groupes 2 et 3.
En outre, il faut signaler que certains apprenants ont déclaré plusieurs fois, avoir fait les tâches ou activités de production chez eux, notamment les orales, mais qu’ils « n’osaient pas les poster ». Il serait nécessaire donc que le tuteur fasse un travail de désacralisation des tâches, surtout s’il s’agit d’apprenants qui participent pendant les regroupements présentiels. D’autres apprenants ont dit que « c’était trop dur, voire fatigant, de se mettre à poster les travaux faits, notamment quand on a passé en plus beaucoup de temps à travailler sur la plateforme ». La possibilité d’établir des regroupements informels (hors des séances présentielles déjà conçues) pourrait être envisagée. Cela permettrait le publipostage des travaux réalisés et de clarifier les doutes technologiques de manipulation de la plateforme dans le laboratoire multimédia de l’Alliance française.
D’un autre côté, les tâches ou activités qui pourraient être difficiles à faire en tandem (notamment celles de la Leçon 3), devraient avoir un traitement spécial de la part des tuteurs. Pour ce qui est des apprenants qui ne se connaissent pas entre eux et qui n’ont eu que deux ou trois regroupements présentiels, ce procédé serait plus important à effectuer.
D’après l’enquête initiale, la difficulté majeure des apprenants n’est pas l’appréhension qui leur pose des problèmes, à l’heure de travailler en binômes. Bien au contraire, 52% a préféré cette modalité de travail. Encore une fois la figure du tuteur s’avère déterminante dans la gestion de ces interactions que les apprenants sont censés établir pendant l’accomplissement des tâches (notamment les écrites de la Leçon 3). En guise de solution, les productions des trois groupes se mêleraient afin que les apprenants puissent interagir avec ceux des autres groupes, comme le font les inconnus dans un site de rencontres (Leçon 3).
Figure 4-13 : Questionnaire1-apprenants, Q4 : configuration de la participation
D’autre part, constat est fait que les apprenants travaillent plus facilement sur la plateforme (en autonomie et à distance), les exercices autocorrectifs et les activités/ tâches impliquant une production écrite, ainsi qu’une production individuelle en général. Pourtant, d’après l’opinion donnée par les apprenants, le travail à deux ou en équipes ne constitue pas pour eux un problème : 80% l’ont préféré face au travail individuel. Les séances en présentiel devraient donc les aider à créer les binômes, à préparer et à réaliser fondamentalement les activités orales, notamment celles qui sont censées être faites en tandems. De la même manière, les regroupements présentiels devraient prévoir du temps à l’accomplissement concret des tâches orales conçues pour la réalisation à deux, car elles impliquent un déploiement technologique et logistique majeur, ainsi que plus de stabilité de connexion. Dans ce sens, d’autres regroupements en présentiel au laboratoire multimédia pourraient être ajoutés au dispositif, dans le but de les destiner à la réalisation de ces activités.
Quant à la création des binômes, le tuteur devrait d’ailleurs avoir un rôle plus déterminant : il ne suffirait plus d’« avertir » qu’il y a des activités évaluatives à faire obligatoirement à deux. Il faudrait aussi montrer les avantages de l’entraide pour pallier le manque de ressources matérielles, pour surmonter les contraintes de technologie et de connexion. Les membres des dyades pourraient, par exemple, mieux se partager les heures de connexion et les matériels/ documents/ sections du cours à télécharger de la plateforme, se prêter le micro, les casques, etc.
En outre, la quantité de matériel proposé et le rythme qui a été donné à ce cours et à sa progression pédagogique(55) vont à l’encontre des besoins du public, qui a préféré (réponse 2 du 1er questionnaire) cette formation aux cours traditionnels de l’AF.
Figure 4-14 : Raisons justifiant le choix de la modalité de formation
Le pourcentage des réponses que nous pouvons voir ci-dessus, indiquent que les inscrits imaginaient au départ que ce cours serait beaucoup plus flexible qu’il ne l’était en réalité. Cette « flexibilité » comprenait la progression pédagogique, le calendrier du cours et le temps dont les apprenants devaient disposer. Néanmoins, ni l’annonce du lancement de cette FOAD ni le processus d’inscription n’ont prévenu les apprenants sur le temps dont ils allaient avoir besoin par semaine, afin de travailler en autonomie le matériel proposé sur la plateforme. Alors, il serait pertinent que les apprenants soient mieux informés à ce sujet avant de commencer le cours. Dans ce sens, il faudrait également qu’ils soient mieux guidés tout au long du cours par leurs tuteurs. De même, il serait judicieux que la Direction de l’AF accepte d’une fois pour toutes que ce cours est, en termes de temps et de progression pédagogique, un cours de type normal et non pas un cours accéléré ou intensif comme c’était le cas de la plupart des cours traditionnels à l’Alliance (jusqu’à 2012). Les différences, les particularités entre cette FOAD et les cours traditionnels de l’AF, résideraient dans la distance, la médiatisation, les rôles du tuteur, la nature des interactions, pour en citer quelques uns. Avec ce cours l’AF offre la possibilité d’apprendre autrement et non d’apprendre davantage et plus vite.
4.4-Gestion des interactions à travers la plateforme: les enjeux d’un contexte contraignant
À continuation, nous réaliserons une analyse des interactions ayant eu lieu à travers la plateforme (en distanciel), tout au long du cours. Notre analyse comprendra également la gestion que les tuteurs ont faite de ces interactions. Pour ce faire, nous avons recueilli et tabulé des informations portant sur :
-la quantité de contributions faites par les apprenants de chaque groupe,
-la quantité de réponses que les tuteurs (T1, T2, T3) de chaque groupe (G1, G2, G3) leur ont donné,
-et finalement la quantité d’interventions spontanées (proactives) faites par les tuteurs.
Figure 4-15 : Attentes des apprenants envers le rôle du tuteur
Ces chiffres pourraient nous permettre d’observer les pratiques tutorales tout en faisant une comparaison entre les pratiques de suivi de chaque tuteur. Ainsi nous découvrirons-nous celui qui serait plus ou moins « présents à distance », ou bien, plus ou moins réactif.
Nous avons déjà traité auparavant des questions de cause-effet concernant :
– les consignes des exercices/ activités et tâches,
– le genre d’activités étant préféré ou négligé par les apprenants,
– le déploiement technique nécessaire pour la réalisation de certaines activités,
– les difficultés de connexion,
– les attentes des apprenants vis-à-vis du cours,
– l’attitude des tuteurs (réactive ou proactive).
Nous allons nous concentrer à présent sur les interactions et les espaces conçus pour les échanges à distance au sein de cette formation. C’est-à-dire qu’avec l’observation des Forums de discussion et des Forums prévus pour les « tâches finales », nous pourrons analyser des particularités de chacun. D’après l’enquête initiale, 68% des apprenants se croient autonomes, indépendants du professeur.
Les tableaux qui seront montrés à continuation et les recueils quantitatifs qu’ils révèlent nous permettront d’établir une relation (directe ou non) entre le nombre de contributions produites par les apprenants et la quantité d’interventions des tuteurs. La quantité de réponses que ces derniers ont données aux apprenants y est aussi représentée. De cette manière, nous essayerons d’arriver à des conclusions cause-effet à ce sujet, toujours cantonnées à ce dispositif, et à ce cours. La propre enquête initiale pourrait donner des pistes. Les apprenants se sont déclarés plutôt autonomes et indépendants du professeur, alors qu’ils préfèrent les explications du tuteur (sa présence) au moment de s’approcher d’un nouveau contenu, au lieu de le découvrir touts seuls. Mais les apprenants ont surtout besoin de la confirmation du tuteur (réponse, évaluation, feedback) pour savoir s’ils vont bien. Ils préfèrent l’opinion/intervention du tuteur (79%) à celle des camarades. Cela confirmerait que les apprenants inscrits à cette formation sont, eux aussi, demandeurs de la présence d’un tuteur, comme tant d’autres qui sont immergés dans des contextes/ dispositifs de FOAD de ce genre (voir 1.2.1). Néanmoins, les trois professeurs ont dit préférer que les apprenants échangent davantage entre eux.
Figure 4-16 : Idée des apprenants sur leur niveau d’autonomie
Voyons tout d’abord, le tableau correspondant à la Leçon 1.
Les groupes 1 et 2, ayant une quantité majeure de contributions des apprenants (colonnes G1, G2), montrent également un nombre plus élevé d’interventions faites par leurs tuteurs (colonnes T1, T2). C’est-à-dire qu’il y a eu plus d’interactions entre ces deux groupes et leurs tuteurs respectifs.
Figure 4-17 : Interactions Leçon 1
Ces comportements sont relativement stables pour le reste des leçons (voir en bas les tableaux correspondants aux leçons 2, 3 et 4).
Comme nous pouvons apprécier ci-dessous sur la colonne T3 du tableau portant sur la leçon 2, le tuteur 3 est même peu réactif car il n’a pas toujours répondu aux interventions des apprenants dont les corrections étaient obligatoires (5). Ce qui serait important de souligner c’est que le groupe 3, dont le tuteur intervient moins ou presque pas (voir colonnes G3-T3), présente quant à lui un nombre inférieur (par rapport aux deux autres groupes G1, G2) d’apprenants ayant fait les activités évaluatives. Les apprenants de ce groupe 3 ont été peu productifs même face aux exercices autocorrectifs alors que ces derniers étaient d’une préférence déjà évoquée (voir 4.3 page 48). En fait, le G3 présente également un nombre inférieur d’apprenants ayant fait les activités orales dont la correction ou l´envoie de feedbacks par le tuteur était facultatif.
Figure 4-18 : Interaction Leçon 2
On en déduit que dans le cadre de cette formation, le groupe qui interagit le moins avec son tuteur, a une tendance à être moins productif sur la plateforme (voir 1.1.4).
Cela concerne les espaces prévus pour les échanges, les espaces conçus pour les productions évaluatives (écrites/orales), ainsi que ceux où les apprenants savent préalablement qu’ils ne recevront aucun commentaire du tuteur. Les différentes manières dont les tuteurs de cette formation interviennent influence le déroulement de la formation et les résultats qui en découlent (voir 1.2.4).
Comme nous pouvons l’observer sur les tableaux (Leçons 1 et 2 en haut et Leçons 3 et 4 en bas), pour les professeurs aussi bien que pour les étudiants, les activités de production orale s’avèrent les plus difficiles. Les premiers sont aussi affectés que les apprenants par des contraintes techniques, mais notamment à l’heure de faire face aux corrections. Citons quelques exemples (56): difficultés de connexion, manque de micro et de casques, installation inapproprié de logiciels (dont Audacity), fonctionnement incorrect des ordinateurs du laboratoire multimédia de l´Alliance (sur lesquels ils travaillent), disfonctionnement de l’éditeur de textes de la plateforme (WYSIWYG). D’ailleurs, en raison de ces problèmes techniques, les propres tuteurs se sont retrouvés empêchés d´entrer sur la plateforme, de corriger les travaux des apprenants (surtout les productions orales) et de leur envoyer des messages réactifs/proactifs.
Analysons les interactions qui se sont produites dans le cadre de la Leçon 3. Comme nous avions déjà vu, les interventions des apprenants et des professeurs deviennent moins nombreuses à partir de la 3e leçon (voir tableau ci-dessous).
Figure 4-19 : Interactions Leçon 3
Le forum est l’outil de communication qui a été privilégié par les concepteurs du cours, ainsi que, durant le déroulement de la formation, par le tuteur du groupe 1. D’ailleurs, les trois tuteurs ont déclaré, lors du questionnaire initial, que le Forum d’échanges « professeur – étudiant » leur semblait l’espace le plus nécessaire pour les interactions sur la plateforme. Cependant, nous pouvons constater sur les 3 tableaux (ci-dessus) portant sur les interactions que très peu d’échanges se sont effectués au moyen de cet outil de communication, notamment à partir de la Leçon 3. Les Tuteurs 2 et 3 n’ont pas répondu aux messages postés par leurs apprenants, sans doute parce que ces messages portaient-ils sur des difficultés techniques Dans le meilleur des cas, ils ont transféré le message/le doute à l’informaticienne du projet. Les résultats montrés par ces tableaux feraient penser que, au fur et à mesure que le cours avançait et que les apprenants se sentaient de plus en plus à l’aise sur la plateforme (manipulation et navigation). Nous avons remarqué qu’ils devenaient plus autonomes et avaient de moins en moins besoin de poser des questions au tuteur, à propos du fonctionnement du cours, de la plateforme, de la progression pédagogique ou touchant le contenu.
Le tableau de la Leçon 3 (en haut) et celui faisant référence à la Leçon 4 (à continuation) montrent que même un tutorat proactif remarquable ne garantirait pas toujours que les échanges aient lieu soit dans les forums, soit sur le système de messagerie la plateforme. Dans le cas de figure de cette formation, notons qu’une fois que les apprenants ont gagné en autonomie, et qu’ils arrivent à communiquer plus simplement avec leurs tuteurs/camarades via le courriel ou le téléphone, le forum ne leur résulte plus nécessaire.
Figure 4-20 : Interactions Leçon 4
Après l’analyse quantitative des échanges qui ont eu lieu sur la plateforme, nous faisons constat que c’est essentiellement via le courriel (une autre fonctionnalité accessible depuis la plateforme) et par le biais d’autres systèmes de messagerie hors la plateforme que les étudiants de cette FOAD ont collaboré entre eux, ont communiqué avec leurs tuteurs et avec l’informaticienne. D’autre part, d’après des entretiens avec les tuteurs, c’est fondamentalement à travers le courriel que les tuteurs (surtout celui du groupe 3, T3) ont assuré une partie du suivi de leurs apprenants, à savoir : ce qui concernait l’organisation et la logistique, la progression pédagogique, le côté socio-affectif, ainsi que des questions relatives au contenu (Tuteur 3, groupe3). Malheureusement, il n’y a pas de traces / preuves de ces échanges.
4.4.1 Les interactions qui ont eu lieu hors la plateforme : gestion et particularités.
Les apprenants et les tuteurs 2 et 3, avaient leurs usagers de Moodle configurés, par défaut, de façon à ce qu’ils recevaient les messages générés à l’intérieur de la plateforme dans les boîtes aux lettres de leurs systèmes de messageries habituels (Internet ou Intranet). Il n’était pas indispensable de se connecter à la plateforme pour lire les messages et y répondre. Surtout dans le cas des étudiants qui n’avaient pas d’accès facile à Internet, ce système leur économisait du temps et leur permettait d’être au courant de dernières nouvelles. Mais comme nous avons déjà vu, ils n’avaient pas besoin d’entrer à la plateforme pour se rendre sur un forum de discussion.
Voyons les messages envoyés pendant les 5 mois de formation :
. Messages envoyés à travers le système de messagerie de la plateforme Moodle :
Tuteur 1 :
24 collectifs mais personnalisés(57) (4,8 messages par mois) et 21 individuels/ personnalisés. En fait, certains messages-réponses n’ont pas été envoyés individuellement au destinataire mais de façon collective, en incluant d’autres informations. T1 n’a pas affiché d’adresse personnelle sur son profil d’usager de la plateforme. Ses apprenants devaient donc se connecter sur Moodle pour communiquer avec lui.
T2 :
10 dont 1 collectif et 9 personnalisés. T2 n’a pas montré d’appréhension préalable à l’envoi de messages par le biais de la plateforme (questionnaire initial), il se peut qu’il n’ait pas su qu’il pouvait supprimer son adresse personnelle de son profil de la plateforme, pour qu’elle n’était plus disponible.
T3 :
8 dont 1 personnalisé. Les messages étaient des rendez-vous pour les séances présentielles.
Informaticienne :
8 réponses individuelles
. Messages envoyés utilisant un autre système de messagerie :
Tuteur 1:
Le Tuteur 1 a utilisé un système autre que Moodle pour envoyer des messages aux apprenants seulement au moment où les apprenants n’avaient pas encore leurs codes pour accéder à la plateforme. Éventuellement, si un apprenant lui écrivait sur sa boîte personnelle (18), T1 lui répondait brièvement et lui demandait de le faire à travers le forum ou le système de messagerie de Moodle.
T2 :
37 messages-réponses, dont 5 collectifs, aux 71 messages qui lui avaient envoyés les apprenants.
T3 :
Ce tuteur, qui avait déclaré avoir utilisé le système de messagerie de l’Alliance « Word Client » pour communiquer avec ses apprenants, n’a pas fourni d’information concernant les quantités ou les types de message. T3 n’a pratiquement jamais utilisé le forum de discussion de la plateforme « échanges professeur-étudiants ».
Informaticienne :
260 messages envoyés (276 messages reçus et). Cette information inclut les messages échangés avec les tuteurs.
D’après la réponse à la question 12 du premier questionnaire, mené auprès des apprenants avant le commencement du cours, 92% préférait interagir (avec le professeur comme nous l’avons déjà vu) via un système de messagerie. Comme les chiffres le montrent, les apprenants se sont servis plutôt d’un système de messagerie, soit de la plateforme soit d’un système extérieur (Yahoo, gmail, Outlook), que des forums de Moodle.
L’espace d’échanges de la plateforme le plus « important » pour eux (95%) était le forum destiné aux « tâches » et aux évaluations. Cette réponse donnée à priori par les apprenants, pourrait indiquer qu’ils conféraient aux interactions sur la plateforme Moodle un caractère principalement didactico-pédagogique, plutôt que relationnel ou socio-affectif. D’après l’expérience pratique, leurs doutes figurant dans les messages (messagerie ou forums) ne touchaient fondamentalement ni le contenu (la langue), ni les évaluations/ tâches. Toutefois, leurs messages concernaient surtout la manipulation de la plateforme et des sujets organisationnels. Signalons d’autre part, que la plupart des messages (notamment les initiaux) ont été envoyés par les apprenants à l’informaticienne via le courriel (de la plateforme ou externe). Cela indiquerait que les échanges, bilatéraux pour la plupart, ont cherché principalement à couvrir un manque d’information technique. Alors, il se peut que ces apprenants aient préféré en principe, recevoir de l’appui socio-affectif via le courriel (au lieu des forums), à travers des échanges plus personnalisés et individuels avec le tuteur et l’informaticienne.
Un autre outil qui a été utilisé par les apprenants, les professeurs et l’informaticienne pour interagir entre eux, au cours de cette formation est le téléphone. À Cuba, il reste un moyen pas négligeable car le téléphone fixe est très économique, il est beaucoup plus habituel d’en avoir un chez soi que de posséder un ordi ou d’accéder à Internet. D’ailleurs, les Cubains sont en général à l’aise au téléphone, et presque 80% des apprenants ont estimé qu’ils le voyaient comme l’un des moyens les plus importants pour les échanges durant le cours. Cet appareil permet d’une part d’établir des échanges hors plateforme et d’alterner avec l’écrit (sur d’autres forums et des systèmes de messageries externes). Il favorise, de plus, le développement d’autres compétences, et viendrait s’ajouter aux espaces pour les échanges personnalisés (qui sont en principe non évaluatifs) dans la langue cible ou dans la langue maternelle.
Figure 4-21 : Questionnaire1-apprenants, Q13 : préférences pour les échanges
En fait, c’est au téléphone que le deuxième questionnaire de l’enquête a finalement abouti. Environ 12 messages collectifs avaient été envoyés aux apprenants (des trois groupes) durant deux mois et depuis des adresses différentes (gmail, Yahoo, intranet cubaine, intranet de l’Alliance) sans obtenir les résultats escomptés. Ces messages cherchaient à les sensibiliser à l’importance que cette enquête (2e questionnaire) avait pour l’Alliance, pour l’amélioration du cours, des pratiques des tuteurs, ainsi que pour ce travail de mémoire. Les réponses n’ont été nombreuses qu’à partir du moment où les apprenants ont été contactés par téléphone, et ont reçu oralement les explications concernant « l’importance » de leurs opinions, de leurs vécus pour les futures éditions de cette formation. Cet outil n’a pas été officiellement intégré au dispositif. C’est sans doute pour ceci qu’il n’a pas été utilisé davantage par les tuteurs. Il pourrait tout de même être incorporé d’une façon ou d’une autre dans une nouvelle édition de cette FOAD. Le téléphone a constitué un arrangement « artisanal » qu’a permis aux tuteurs d’assurer une partie du suivi, même aux moments où il n’y pas eu de connexion possible. Les objectifs de l’enseignant ont alors été atteints, au détriment de ceux de l’observateur qui s’est trouvé sans traces de ces interactions.
– En guise de conclusions
Tel que les apprenants ont déclaré dans la question 13 du premier questionnaire, la grande majorité préfère échanger directement avec le tuteur au lieu de le faire avec leurs collègues. Les interactions entre les apprenants (via le courriel, le forum d’échanges/ de tâches) aussi régulières soient-elles, ne suffiraient pas pour compenser l’absence du tuteur sur la plateforme, ou son manque d’interventions (un tuteur non proactif et même peu réactif). Les apprenants ont par conséquent besoin d’un tutorat proactif et d’un tuteur habituellement présent.
Tout au long de cette formation, la plupart des apprenants ont tendance à considérer l’enseignant comme le destinataire final de leurs actes communicatifs, ce qui est récurrent en situation d’enseignement/apprentissage (Mangenot, 2004). L’enseignant est finalement et assez souvent, le seul lecteur et l’évaluateur de ce que les apprenants écrivent. Ces écrits poursuivent sur tout la pratique de la langue qu’ils prétendent apprendre.
La majorité des apprenants, enquêtés avant le commencement du cours, ont dit que les espaces d’échanges proposés sur la plateforme allaient être utiles fondamentalement pour être en contacte avec le tuteur(58). Alors, les échanges directes entre les étudiants ont été rares (seulement 5% des apprenants a déclaré le préférer). Les échanges spontanés, à savoir en dehors des tâches évaluatives, n’ont presque pas eu lieu par le biais de la plateforme. De la même manière, les échanges à travers les forums de discussion ont aussi été très peu nombreux. S’il y en avait eu, cela aurait impliqué l’acceptation des collègues en tant que destinataires (eux aussi) du discours communicatif. Mangenot signale en outre que les échanges directes entre les étudiants dans une formation à distance, voient le jour un peu plus tard que dans une situation d’enseignement-apprentissage en présentiel, même si cela est explicitement encouragé dans la situation d’enseignement-apprentissage étudiée (T1) dès le début de la formation. D’autre part, Mangenot (2004) souligne la difficulté pour l’enseignant de créer un groupe (une « communauté d’apprentissage »), en jouant à la fois sur les aspects cognitif et socio-affectif. Cela semble avoir fonctionné de la même manière dans le cas de la FOAD étudiée dans ce mémoire. Ce sont donc le rôle joué par le tuteur, ses pratiques d’encadrement ainsi que les stratégies mises en place pour gérer les interactions, ce faciliterait la cohésion entre les membres du groupe, et ce qui pourrait rendre les discours des acteurs à de moins en moins distants et de plus en plus personnels (voir 1.2.4). Ces stratégies de gestion des interactions s’avèrent forcement différentes de l’enseignement en présentiel car, en distanciel, l’évolution du groupe et des interactions est indiscutablement plus lente (et là-dessus nous rejoignons Mangenot). Mais ces stratégies de gestions des interactions doivent être encore plus différenciées dans un contexte où les interactions à travers le cyberespace, et la participation à des forums virtuels ne constituent pas une habitude. Comme nous l’avons vu dans le chapitre consacré aux notions théoriques servant de référence à ce travail, communiquer c’est co-agir en adéquation avec une interaction sociale donnée.
Quand on propose des tâches ressemblant à la vie réelle de l’apprenant mais non y ancrées, on peut le faire réagir, communiquer avec ses pairs sous la contrainte relationnelle qui les unit les uns aux autres. Au final, l’apprenant peut aller jusqu’à faire semblant de communiquer avec un pair ou avec un personnage fictif (proposé dans la consigne). Néanmoins, il s’adressera en réalité à son évaluateur, son enseignant (voir 1.3.3). Parfois, comme dans cet exemple, ils ne suivent pas les suggestions des consignes (Faire une fiche personnelle avec ses coordonnés et la poster sur le forum pour que les camarades aient les informations personnelles des membres du groupe et puissent entrer en contact facilement), et ils adressent leurs productions directement aux tuteurs.
Figure 4-22 : Exemple d’intervention d’un apprenant
Ce mémoire a pour but de montrer que les interactions langagières en ligne, qui ont eu lieu dans le cadre de cette formation à distance, diffèrent par rapport à l’enseignement traditionnel présentiel car il s’agit d’un cadre didactique dans lequel l’enseignant est l’un des destinataires puisqu’évaluateur (voir 1.3.3). Mais aussi, les interactions langagières à distance diffèrent-elles par rapport à l’enseignement traditionnel présentiel selon les stratégies mises en place par les tuteurs dans la gestion des interactions (voir 1.3). La gestion des interactions par le tuteur peut aider à pallier ou transformer les effets que la distance elle-même et d’autres facteurs produisent sur les interactions en ligne.
Il est convenable de tenir compte de la spécificité du contexte de la FOAD que ce travail analyse. Ce contexte touche les voies/ outils de communication préférés/utilisés étant les plus accessibles, les modes d’expression, les implications de l’éloignement géographique, l’impossibilité d’une connexion fréquente et de qualité, le manque de temps des inscrits et des facteurs culturels (c’est-à-dire, une certaine appréhension à la technologie ainsi qu’une culture d’apprentissage très paternaliste). Les situations techniques qui ont orbité autour de cette FOAD, constituent une contrainte supplémentaire face aux questions culturelles déjà mentionnées par les apprenants dans les enquêtes, en les empêchant d’utiliser davantage les forums. Entrer dans les forums (après avoir fait et posté leurs travaux), puis se mettre à faire des commentaires sur les travaux des camarades, répondre ensuite aux questions que quelques collègues auraient posées au tuteur (sur le fonctionnement de la plateforme, la progression pédagogique, le contenu de la leçon, etc.) n’est pas toujours possible techniquement. Le temps qu’ils ont pour poster un travail/ commentaire sur un forum et y revenir, afin de lire le feedback du tuteur ou d’un autre apprenant, est déjà trop restreint technologiquement parlant. Ils ne peuvent pas se permettre à tout moment de se délecter en créant une communauté virtuelle, ou en étant un membre actif de la communauté virtuelle qu’un tuteur (même le plus proactif) essaye de créer pour eux. Ces mêmes situations, ainsi que l’absence d’une culture d’appartenance à une communauté virtuelle, auraient pu provoquer chez certains tuteurs une appréhension leur obstruant encore plus la manipulation de cet outil. Il en a été de même à l’heure de favoriser chez les apprenants l’utilisation des forums.
Alors, si les questions posées par les apprenants (de type : organisationnelles, didactiques, évaluatives et/ou concernant le contenu du cours) passent par un système de messagerie, car les professeurs l’utilisent davantage, les apprenants risquent de ne pas voir la vraie utilité des forums. N’oublions pas qu’ils n’ont pas l’habitude d’interagir à travers des forums de discussion, et que lors du questionnaire initial ils les ont négligés comme une voie pour les interactions avec le professeur.
Figure 4-23 : Questionnaire-apprenants, Q12 : espaces d’échanges les plus importants
Si la plupart des messages échangés ont portés sur les difficultés techniques rencontrées, et ont été envoyés et reçus par l’informaticienne, il serait peut-être convenable d’évaluer (à nouveau) la place de cette dernière dans ce dispositif, de manière à accentuer et rendre plus évident ou public son rôle dans le suivi des apprenants. Une participation plus active de la part de la technicienne dans les forums de la plateforme lui éviterait de répondre autant de fois la même chose dans des centaines de messages individuels. De plus, la présence de l’informaticienne sur les forums et la possibilité réelle pour les apprenants d’y trouver, dans ses interventions, la réponse aux questions qu’ils se posent servirait à les appâter. Cela favoriserait à la fois la formation de la communauté virtuelle que les apprenants inscrits à cette FOAD sont censés créer sur la plateforme.
Par ailleurs, le fait d’accepter ou dédramatiser l’emploi de la langue maternelle (pour le moins) dans les forums d’échanges « professeur-étudiants », où les contributions ne sont pas évaluatives, offrirait aux apprenants inscrits à cette formation, un espace de liberté. L’objectif ne serait donc pas forcément le fait de communiquer en français mais de communiquer tout simplement, d’interagir, de faire naître le groupe, de faire émerger une communauté virtuelle. Le but de leur apprentissage en collaboration ne serait pas seulement celui de développer une compétence langagière mais aussi sociale, à travers la « co-élaboration » de réponses communes (voir 1.3.2). Dans ce sens, il faudrait également mettre en cause la pertinence des corrections publiques sur les forums d’échanges, qui peuvent être utiles pour l’apprentissage de la langue cible, mais contreproductives pour la face des apprenants, pour créer un climat de confiance, ainsi que pour favoriser les interactions via les forums.
4.4.2- Analyse commentée des messages, des interventions, des productions.
Pour continuer à étudier les interactions qui ont eu lieu tout au long de cette formation, et la gestion qu’en ont fait les tuteurs, nous analyserons de plus près les échanges qui ont eu lieu en ligne, principalement entre les étudiants inscrits à ce cours et leurs professeurs (T1, T2 et T3) et, moins profondément, entre les propres étudiants. Nous nous appuierons maintenant sur un petit corpus de contributions des apprenants(59) (40 : productions écrites et messages postés sur les forums), ainsi que des messages de suivi rédigés par les trois tuteurs (50, dont quelques-uns figurent dans les annexes en guise d’exemples). Tous ces textes on été tirés du cours hébergé sur la plateforme, de la leçon 1 à la 4e. Pour observer les contenus, les objectifs, les marques socio-affectives, les destinataires, les émetteurs des messages et des interventions en général, nous ne nous sommes pas livrés à un codage spécifique d’analyse des textes ou du discours. Ceci nous ferait peut-être tirer des conclusions parfois ambigües, qui se cantonneraient exclusivement aux résultats de cette expérience de formation à distance. Mais les éléments que nous avons cherchés à répertorier se rapprochent à d’autres analyses de contenu consultées (De Lièvre et al., 2006, 2009 ; Jeanneau et Ollivier, 2009 ; Quintin 2007, 2008). Afin d’effectuer maintenant une analyse fondamentalement qualitative des interactions, nous avons procédé à une observation des contenus des messages (du texte lui-même) et aussi à l’analyse d’autres (méta) données. Nous y avons puisé des messages (principalement des tuteurs) pour émettre en retour des hypothèses et arriver ainsi à des conclusions sur les pratiques tutorales, mises en oeuvre dans le cadre de cette formation et aussi leurs possibles effets sur les apprenants qui ont suivi le cours sur lequel ce travail porte:
-l’émetteur des messages (tuteurs : T1, T2, T3 ; apprenants : Groupe1, G2, G3)
-le nombre de lignes du message,
-le numéro de Leçon et des tâches concernées, ainsi que leurs consignes respectives
-le type de forum et le fil de discussion en question,
-le nombre d’émoticônes utilisés,
-la mise en forme ou non des messages,
-le nombre de messages proactifs et réactifs,
-l’emploi du vouvoiement et du tutoiement,
-le nombre de phrases visant à motiver les apprenants,
-le nombre de phrases portant sur la technique, la méthodologie,
-le nombre de phrases visant à créer et entretenir le lien social,
-le nombre de phrases portant sur l’organisation (création de binômes, séances présentielles),
-le nombre de phrases portant sur la tâche,
-le nombre de phrases portant sur la langue elle-même,
D’après l’observation des éléments relevés, nous pouvons tout d’abord percevoir une différence assez nette entre les pratiques tutorales des tuteurs des groupes 1, 2 et 3, lorsque nous regardons la fréquence avec laquelle la consigne d’interagir sur la plateforme est présente, à savoir : la demande de communiquer avec le tuteur ou revenir vers lui, de contacter un collègue du groupe, de publier sur un forum, d’écrire/envoyer un message, de poster un travail sur la plateforme, d’aller sur la plateforme pour lire les interventions des tuteurs/ d’autres apprenants du cours, d’actualiser le profil d’usager, de poster leurs photos sur leurs profils, etc.
D’après les traces sur la plateforme, le tuteur du groupe 1, qui a été très proactif (voir 1.2.3), incite constamment les apprenants à entrer en contact avec le tuteur par le biais de la plateforme, soit via le forum, soit via le courriel, mais principalement à travers le forum(60). T1, encourage également les apprenants à consulter d’autres matériels/ sites Web(61), et à interagir avec leurs camarades. Les messages de T1 sont plutôt longs (à l’une ou l’autre exception près) en langue cible. Dans la plupart de cas, les messages de T1 sont accompagnés d’une petite traduction en langue 1, toujours faite avec une police plus petite, et sans expressions de sentiment(62), afin de faire perdre aux apprenants l’habitude/envie de lire la traduction. Dans les messages de T1 destinés à de faux débutants, la présence de l’espagnol est peu fréquente dès le début du cours. L’usage de l’espagnol est encore plus rare dans les messages s’adressant à des apprenants qui se servent du français pour dialoguer avec le tuteur. Il s’agit dans ces cas de ceux qui sont assidus sur la plateforme, et qui font preuve d’une bonne maîtrise de l’outil informatique. Pour eux, une connexion régulière et un accès facile à un poste63 seraient fréquemment disponibles. Pour le tuteur 1, le contact humain en ligne est considéré comme le garant du bon déroulement de la formation et du processus d’apprentissage(64) « Cela leur permet de s’approprier de la plateforme, d’interagir de façon réelle, et de communiquer au-delà des objectifs langagiers »(65). La grande majorité de ses interventions, soit proactives, soit réactives, constituent un appui psychoaffectif. Elles portent sur l’établissement du lien social, la cohésion du groupe, même si la plupart des questions des apprenants (postées sur les forums d’échanges) visent l’obtention d’une aide technique. Même si la demande de T1 aux apprenants d’interagir avec les autres étudiants du groupe et avec lui-même -principalement via le forum- est systématique, le résultat de cette demande est pour autant moins certain. En dépit de l’intention de T1, il est irréfutable que les apprenants de son groupe (G1) ont interagi très peu sur les forums d’échanges destinés aux contributions non évaluatives, ou sur ceux qui ne concernaient pas le contenu du cours.
Ensuite, le Tuteur 2 a été plutôt motivé et proactif : il a été disponible en ligne avec régularité, et il a offert (tout comme T1) des séances présentielles supplémentaires. Il a envoyé quelques feedbacks des activités dont la correction par le tuteur était facultative, ainsi que des messages sollicitant les contributions de ses apprenants. Il a articulé ses séances de regroupement en présentiel autour des leçons proposées par le cours à travers la plateforme, et il les a centrées sur l’accomplissement des tâches finales. De façon générale, il a encouragé fréquemment ses apprenants et leur a demandé d’aller plus loin, de s’efforcer davantage. Il a donc travaillé sur l’amélioration de l’auto-estime et a beaucoup valorisé le travail accompli (voir 1.2.1C-). D’autre part, il n’a pas toujours incité explicitement les apprenants à entrer en contact avec lui par le biais de la plateforme, mais il a systématiquement transmis l’idée qu’il serait là pour corriger leurs productions66. T2 a donné forme à ses messages : il a modifié la police (couleur, taille, type) qui était donnée par défaut dans logiciel chargé de l’édition des textes (WYSIWYG) et a utilisé des émoticônes67. Il a donc rendu claires ses corrections à ses apprenants: ce qu’ils devaient ajouter ou remplacer par ce qu’il proposait ; ce qu’il fallait supprimer ou dire autrement, pour citer deux exemples. Ce qui n’est pas fréquent chez T2 (comme ne l’est pas chez T3) c’est le nombre de messages/ phrases visant à créer et à entretenir le lien social entre les apprenants68 (voir 1.3.3). Cette absence de soutien communicationnel (voir 1.2.1D-) pourrait être due à son manque d’expérience / formation en tant que tuteur. En fait, T2 avait déclaré dans du questionnaire final que
« les échanges entre les apprenants leur permettaient d’agir en situation de communication réelle, ils peuvent s’autocorriger et corriger les autres, cela leur fera avancer sans doute» (voir 1.3.2).
Quant au contenu de ses messages, ils visent à motiver les apprenants : la technique, la langue, la tâche à accomplir, la méthodologie et l’organisation ont tous le même degré d’importance. La formation de T2 (voir 4.1) lui a permis d’assister considérablement les apprenants du point de vue de l’informatique, principalement pendant les séances présentielles (toujours au laboratoire) mais aussi de temps à autre sur la plateforme (par le biais des forums ou de messages). D’après la réponse (4) de T2 au questionnaire final, le tutorat idéal pour ce cours, tel qu’il s’est développé, serait 0,5% de type socio-affectif et 60% technologique. Pourtant, selon le même questionnaire, T2 considère que ses propres interventions ont été surtout « des encouragements, des offres de soutien et des sollicitations de participation ».
Par conséquent, ses pratiques tutorales ont eu un caractère plutôt socio-affectif et ensuite pédagogico-intellectuel que technologique. Cependant, T2 (tout comme T1 et T3) avait repéré le besoin d’appui et d’information des apprenants dans ce sens technologique (rappelons la quantité de courriels que l’informaticienne responsable du projet avait reçus et envoyés à propos du fonctionnement de la plateforme et de certains logiciels (voir 4.4.1). De toute façon, il serait difficile de réduire le soutien de T2 (ses pratiques tutorales) à une seule catégorie d’intervention tutorale (Bernatchez, 2003 ; voir 1.2.1).
Le tuteur du groupe 3 (T3), quant à lui, ne s’est pas montré très motivé, et il a été peut-être dépassé par la nouveauté de cette modalité d’enseignement et les fonctionnalités de la plateforme, ainsi que par la surcharge de travail que le tutorat a représenté. Il n’a pas incité les apprenants à interagir(69). La seule preuve d’interaction entre pairs (les apprenants de son groupe) -faite par le biais de la plateforme- est visible dans le nombre très réduit de contributions faites en binôme au cours des leçons 1 et 2.
À ce sujet, Il pense que les apprenants de cette formation «ne se sont pas détachés de la dynamique traditionnelle et classique où l’élève fait plus de confiance à l’avis d’un professeur qu’à celui de ses camarades »(70). Cependant, comme nous l’avons déjà remarqué (voir 1.3), le tuteur ne doit pas se contenter d’attendre que les interactions se produisent, bien au contraire, il doit les provoquer. T3 ne stimule guère les apprenants à entrer en contact avec lui-même(71). Ses messages, des feedbacks, étant très peu nombreux et assez brefs, sont surtout centrés sur la tâche que l’apprenant doit faire, et sur la langue elle-même(72). En fait, sur le questionnaire mené auprès des tuteurs à la fin de la formation, T3 a coché la compétence disciplinaire (maitrise de contenus) comme la plus importante dont il avait fait preuve en tant que tuteur. Rappelons que tous les apprenants n’ont ni la capacité ni l’aptitude pour le travail autonome et que l’autonomie n’est pas innée.
C’est donc le tuteur qui peut la leur apprendre (voir 1.1.4). En même temps, l’isolement qu’un apprenant ressent à distance, dû au fait qu’il doit prendre en charge sa formation, est une cause d’abandon dans ce dispositif hybride comme dans la plupart des FOAD qui ont été mises en oeuvre (1.2). À l’instar de Quintin (voir 1.2), il reviendrait au tuteur de compenser ce déficit socio-affectif. D’ailleurs, quant à l’accompagnement qu’il avait mis en oeuvre, il a déclaré sur le questionnaire avoir été « plutôt réactif, avoir travaillé davantage la langue sur la plateforme et ne pas avoir été disponible en ligne régulièrement ».
D’autre part, ce tuteur ne s’est même pas soucié d’éditer ses textes 73 : il n’a changé ni le type de police, ni la couleur, ni la taille qui apparaissent par défaut, il n’a pratiquement pas utilisé d’émoticônes(74), ni de symboles, ou d’autres marques socio-affectives (points d’exclamation, voir 1.3.3). Cela n’a pas trop motivé les apprenants (voir 1.2.4) et priori, cela leur aurait rendu difficile la compréhension des corrections/ feedbacks envoyés: ses apprenants ont dû relire leurs productions, lire les messages-corrections complets que T3 leur avait envoyés et comparer minutieusement les deux textes pour distinguer ce qui a été ajouté, remplacé par T3. À propos de la question portant sur le tutorat idéal pour cette formation, en termes de temps et d’énergie, il a considéré que seulement 20% du tutorat devrait être socio-affectif (il a de surcroît accordé le pourcentage le plus élevé au côté organisationnel-méthodologique du tutorat).
Néanmoins, T3 –qui est très peu réactif- a l’habitude d’encourager les apprenants (« bonne continuation », « bon travail »), surtout quand ils ont bien travaillé (« bon travail ! », « en général c’est bien prononcé », « c’est un bon travail », etc.) à chaque fois qu’il corrige/ commente un des travaux faits par ses apprenants (en surbrillance(75)). Pour T3, les interactions en ligne sont à peine un complément des interactions qui ont lieu pendant les séances présentielles et pas un objectif en soi. La plateforme constituerait pour lui une espèce de banque de données pour travailler en autonomie (à distance), un espace numérique pour héberger une sorte de livre électronique. Il a privilégié les interventions cognitives aux dépens des actions tutorales socio-affectives et motivationnelles.
– En guise de conclusions
Les évolutions dont les indices ont été évoqués sont motivées par les résultats des observations des échanges en ligne (principalement à travers la plateforme), ainsi que par les résultats des enquêtes menées auprès des tuteurs, à la fin de la formation. Nous nous sommes aperçus qu’aucun sentiment communautaire(76) n’a véritablement éclot au sein de chaque groupe d’étudiants interagissant exclusivement à distance. Un premier indice de cette hypothèse se situe autour de l’appréciation des échanges presque nuls qui ont eu lieu entres les étudiants de chaque groupe, sur les espaces publiques d’échanges non évaluatifs (forums d’échanges professeur-étudiants).
Ensuite, un deuxième indice est inscrit dans l’analyse du volume très réduit d’échanges qui ont eu lieu entre les étudiants, sur les forums destinés aux travaux évaluatifs à faire en binôme. Puis, un autre indice se situe autour des contenus des messages postés sur les forums : ils ont toujours été linaires, adressés au tuteur, la plupart concernait des problèmes techniques ou le contenu du cours, et il n’y a pas eu de questions-réponses entre les propres apprenants(77). D’ailleurs, les interactions tuteurs-apprenants qui ont eu lieu en ligne ont été mises à profit par les tuteurs de façon à ce que les apprenants pratiquent la langue ciblée, (même si pour des raisons ergonomiques et pédagogiques, ils recourent à la Langue 1) plutôt que pour « communiquer », pour co-agir.
47 Voir Annexe 11
48 Voir les graphiques sur l’Annexe 11
49 Voir Annexe 12
50 Voir sur le point 4.4 l’utilisation réelle qu’ils feraient de ces forums et de ces espaces d’échanges.
51 Voir graphique sur l’Annexe 14
52 Voir Annexe 15
53 le son [z] et les sons nasaux
54 Voir l’Annexe 4 : Calendrier du cours
55 Voir Annexe 4 : Calendrier
56 Voir Annexe 20
57 Voir l’Annexe 16.7. Traces sur la plateforme, interventions/ feedbacks du tuteur 1.
58 Voir Annexe 13
59 Comme nous avons dit, le nombre de contributions des apprenants sur la plateforme n’a pas été très élevé et la grand majorité des textes postés par les apprenants constituent des réponses à des consignes (productions écrites ou orales), plutôt que des messages à leurs tuteurs ou leurs autres collègues.
60 Voir Annexe 16. Messages : 16.1, 16.2, 16.3, 16.4 et 16.5 61 Voir Annexe 16. Message 16.6
62 Voir Annexe 16. Messages : 16.1, 16.2, 16.3 et 16.7
63 Voir Annexe 16. Messages : 16.4, 16.2, 16.5 et 16.6
64 Voir Annexe 16. Message 16.7
65 Tiré du questionnaire mené auprès des tuteurs à la fin de la formation, question 5.
66 Voir Annexe 17. Message 17.1
67 Voir Annexe 17. Message 17.1
68 Même si la consigne de l’activité demande aux apprenants de la réaliser à deux, la note n’a pas été affectée pour le fait de ne pas avoir travaillé à deux, et aucun commentaire à ce sujet n’a pas été fait aux apprenants. Voir l’Annexe 17. Message 17.2
69 Voir Annexe 18. Messages 18.2
70 Réponse à la question 9 du questionnaire final.
71 Voir Annexe 18. Messages : 18.1 et 18.2
72 Voir Annexe 18. Messages : 18.1 et 18.2
73 Voir Annexe 18. Messages 18.1 et 18.2
74 Dans la première Leçon, 2 messages : un collectif et un autre individuel en réponse à une étudiante qui avait réagit à la marque socio-affective faite par son tuteur.
75 Voir Annexe 18. Message 18.1
76 Ce que Develotte & Mangenot (2004) préfèrent nommer, « constitution du lien social ».
77 Sauf quelques très peu de cas dans la leçon 3, tâche écrite 2 « Choisir un correspondant sur un site »
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