Pendant que sur le plan militaire, la bataille semblait loin d‘être gagnée avec un Laurent Gbagbo des plus pugnaces, il affûtait, fourbissait lentement et sûrement ses armes. Une patience, une persévérance qui avait fini par mettre les Ivoiriens hors d‘eux. Mettre leurs nerfs à vif. A la suite de la population, des voix se sont élevées même au sein du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) pour réclamer plus d‘actions, plus de prises de risques.
Tandis que, les uns déploraient la lenteur des choses d‘autres exigeaient de lui qu‘il prenne rapidement ses responsabilités et qu‘il « en finisse une bonne fois pour toutes avec Laurent Gbagbo et les siens ». Car, nul ne comprenait sa stratégie, cette manoeuvre qui consistait à attendre alors que tous attendaient de lui la prise de décisions salutaires pour tout le pays. Les décisions qui sauvent. En effet, plus la situation perdurait plus les choses allaient en se délitant. Plus la bataille finale mettant du temps à se concrétiser plus les choses allaient en empirant.
Nul ne comprenait son silence alors que l‘ONUCI ne bougeait pas. Nul ne comprenait son silence alors que, la résolution 1975 qui autorisait l‘ONUCI à faire usage de la force pour détruire les armes lourdes des ex-FDS n‘était pas appliquée. Nul ne comprenait la raison pour laquelle, il continuait encore à tolérer la présence de Young Yin Choi, le patron de l‘ONUCI et Représentant de Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général des Nations Unies ; lequel se cachait toujours derrière le mandat impartial de l‘ONUCI pour ne pas appliquer la résolution 1975.
Une raison plus que valable pour demander sa tête mais rien n‘a été fait. Pendant ce temps, les Ivoiriens qui vivaient sous un déluge de feu et de plomb ne sachant plus à quel saint se vouer, vers qui crier, où crier leur désarroi avait commencé à en vouloir à ceux de l‘hôtel du Golf. Pour eux, nul doute que le pouvoir en place avec à sa tête, le nouveau président qu‘ils s‘étaient choisi les avaient purement et simplement abandonnés à leur sort.
Ils auraient voulu que, comme un chevalier sans peur et sans reproche, il se jette à corps perdu dans la bataille pour les délivrer de l‘enfer. Ne voyant rien venir à part la sempiternelle phrase « faites confiance au président Alassane Ouattara », ils étaient nombreux les Ivoiriens qui étaient allés jusqu‘à douter, à remettre en cause son aptitude à faire face à ce type d‘adversité. Ce type de combat qui nécessite culot, agressivité et parfois brutalité. Lui, l‘homme élevé à la manière occidentale, lui ; le cérébral en était-il seulement capable ?
Mais au moment où tout semblait perdu vue la combattivité des adversaires qui, dans un baroud d‘honneur avaient lancé toutes leurs forces, toutes leurs énergies dans ce qu‘ils considéraient comme la bataille ultime ; au moment où tout le monde s‘y attendait le moins ; ce fut l‘arrestation de Gbagbo Laurent. Et partant, la fin d‘une époque. D‘une ère. Néanmoins, le calvaire aura duré quatre mois.
Quatre…longs mois. Quatre mois qui furent une éternité. Quatre mois pendant lesquels, cet homme austère au verbe rare travaillait sans relâche, tissant avec minutie et persévérance sa toile comme seule une araignée sait si bien le faire. Construisant et travaillant avec acharnement et une patience infinie comme une fourmi à la chute de son adversaire. Prouvant ainsi que, non seulement “la patience est un chemin d‟or” mais aussi et avant tout une vertu que conseille et célèbre tous les livres saints et tous les sages.
A toute cette frange de la population qui réclamait des actions vigoureuses à cors et à cris, à tous ceux qui optaient pour une lutte fratricide, un combat sans merci, il avait eu la sagesse d‘opposer ces deux conseils du roi Salomon : « Celui qui est prompt à la colère fait des stupidités » Proverbes 14v17 et « Celui qui est lent à la colère vaut mieux qu‟un héros, et celui qui se domine (vaut mieux) que celui qui prend une ville ». Proverbes 16v32.
Et, pour avoir su appliquer cette tactique, su attendre son heure, su endurer pendant quatre mois les railleries, quolibets et autres humiliations, accepter l‘inacceptable, accepter de négocier encore et encore, permis que ses capacités à gouverner ce pays soient remises en cause, pour avoir su faire profil bas et accepter de se justifier encore et encore à la face du monde puis à la face de l‘Afrique, pour avoir accepté de se faire humble ; il avait su rallier le monde entier en commençant par ses pairs africains à sa cause. Démontrant ainsi à ses compatriotes qu‘il ne sert à rien de se précipiter et qu‘il faut savoir attendre. Attendre même quand tout semble perdu. Que la patience est l‘arme des forts et qu‘il faut toujours se méfier de l‘eau qui dort.