Après plusieurs reports depuis 2005, l‘élection présidentielle, donnée comme la porte de sortie de la crise, avait pu, enfin, se tenir, le 31 octobre 2010 pour le 1er tour et le 28 novembre 2010 pour le second tour.
Les résultats proclamés par la commission électorale indépendante(CEI), confirmés par le ―certificateur‖, donnaient M. Alassane Ouattara vainqueur, avec 54,10 % des suffrages exprimés, face à M. Laurent Gbagbo, crédité de 45,90 % des voix.
Quant au conseil constitutionnel, après avoir, comme par hasard, annulé, sans discernement, le scrutin dans sept (7) départements du Centre et du Nord, sur requête du candidat Laurent Gbagbo, il avait proclamé celui-ci élu avec 51,45 % des voix contre 48,55 % au candidat Alassane Ouattara, inversant de son seul chef les résultats fournis par la CEI.
La Côte d‘Ivoire, déjà meurtrie, les ivoiriens, déjà épuisés et ruinés par une crise sans fin, se retrouvaient dès lors en présence « de deux chefs d‘Etat « investis » et ayant constitué leur gouvernement, donnant ce monstre de bicéphalisme qui était à l‘origine des affrontements sanglants qu‘avait connu le pays jusqu‘à la capture et l‘emprisonnement de l‘ex chef d‘Etat, Monsieur Laurent Gbagbo le 11 avril 2011.
Tout était parti de là : quels étaient les vrais résultats du scrutin et, par conséquent, qui en était le vainqueur ?L‘observation et l‘analyse des faits, à la lumière des textes régissant l‘élection présidentielle en Côte d‘Ivoire, amènent à constater, d‘une part, la validité des résultats proclamés par la commission électorale indépendante (CEI) et certifiés par le représentant spécial du Secrétaire général de l‘ONU et, d‘autre part, le caractère irrégulier et surréaliste de la décision du Conseil constitutionnel.
Il est constant qu‘au regard de la constitution ivoirienne (art. 38) et de l‘ordonnance portant ajustements au code électoral (art. 59), la CEI est compétente pour proclamer les résultats provisoires de l‘élection présidentielle. Ce point n‘était pas contesté. Ce qui, au contraire, faisait débat, se rapportait au moment et au lieu où la proclamation des résultats était intervenue.
D‘abord, la date : le délai dans lequel la CEI devait agir n‘apparaissait pas avec toute la clarté souhaitable. Toutefois, en interprétant les textes et en ne perdant pas de vue le précédent né du 1er tour de l‘élection présidentielle, on doit admettre que la CEI avait à (devait) proclamer les résultats dans un délai trois (3) jours. La commission n‘avait pu agir dans ce délai, ayant, comme chacun avait pu le constater à la télévision, été empêchée de le faire par Messieurs Damana Pickas et Tokpa Veï Etienne, membres de la CEI pour le compte du camp présidentiel. Au regard du droit et même du simple bon sens, le camp présidentiel était mal-fondé à invoquer la forclusion qu‘il avait provoquée intentionnellement. Car, nul ne peut se prévaloir de sa propre faute, pour en tirer un avantage quelconque.
Au surplus, existait le précédent né du 1er tour, lequel donnait à constater que les résultats avaient été proclamés au petit matin du 4ème jour suivant la clôture du scrutin, acceptés de tous, confirmés par le conseil constitutionnel (qui n‘avait guère parlé de forclusion) et certifiés par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies ; ce précédent autorisait à affirmer que les résultats du second tour, donnés également au quatrième jour, devaient être tenus pour réguliers.
Ensuite, le lieu : les résultats proclamés, non pas au siège de la CEI, mais plutôt au Golf Hôtel, seraient-ils frappés de nullité ? Pas du tout. Car, ayant l‘obligation de proclamer les résultats, et physiquement empêché par les mêmes de le faire au siège de la CEI, le président de ladite commission n‘avait pas le choix : à l‘impossible nul n‘est tenu.
Enfin, la vraie question, par-delà la diversion tenant à la date et au lieu de la proclamation des résultats, reste celle-ci : les résultats proclamés étaient- ils, oui ou non, conformes à ceux contenus dans les procès-verbaux collectés et validés par les différents niveaux des commissions électorales ? La réponse reste sans équivoque : il résulte des procès-verbaux dont copie avait été adressée à différentes autorités et au conseil constitutionnel que le candidat Alassane Ouattara était le vainqueur de l‘élection présidentielle. Et c‘était parce qu‘il en était ainsi que des problèmes avaient été artificiellement suscités et entretenus.
C‘est à dire que la commission électorale indépendante (CEI), qui n‘avait pas le pouvoir pour modifier les résultats issus des procès-verbaux mais plutôt l‘obligation de les proclamer tels quels, après vérification de la régularité formelle des procès-verbaux, avait fait son travail régulièrement, proprement, conformément aux exigences de la loi et de la démocratie et que, par la suite, les résultats proclamés par elle, étaient valides.
La certification était prévue par l‘accord de Pretoria de 2005, donc acceptée par les différentes parties engagées dans le processus de sortie de crise. Elle était confirmée et organisée par le conseil de sécurité des Nations Unies à travers la résolution 1765 adoptées en juillet 2007. Dans un contexte de suspicion généralisée et de déficit de confiance, la certification, voulue par les parties ivoiriennes, et donc par Laurent Gbagbo, avait pour but d‘éviter les contestations inutiles, en permettant d‘avoir des élections « ouvertes, libres, justes, et transparentes » avec des résultats reconnus et acceptés en toute confiance et sérénité. La mise en oeuvre de la certification avait été confiée au représentant spécial du Secrétaire Général de l‘Organisation des Nations Unies qui avait déjà certifié, entre autres, la liste électorale et les résultats du 1er tour de l‘élection présidentielle, à la satisfaction générale. Et c‘était la méthode utilisée au 1er tour qui avait servi pour la certification des résultats du second tour.
Il suit de ce qui précède que le camp Laurent Gbagbo n‘était pas fondé à parler d‘ingérence ou d‘immixtion dans les affaires intérieures de la Côte d‘Ivoire. L‘ingérence, à la supposer établie, cesse d‘en être, dès lors qu‘elle était consentie par les autorités ivoiriennes dont la plus haute était Laurent Gbagbo, tout comme pour l‘accord de Pretoria signé en 2005 donne l‘autorisation d‘user de l‘article 48 de la constitution ivoirienne. C‘est donc à la demande expresse des autorités ivoirienne que la communauté internationale s‘était impliquée financièrement, techniquement et matériellement autant que dans les domaines de l‘arbitrage et de la certification. La certification bien que contraignante pour la souveraineté nationale mais voulue et placée à la fin de la procédure, postérieurement à la décision du Conseil Constitutionnel, s‘offrait comme la décision finale ; ceux qui l‘avaient voulu devaient s‘y plier en toute bonne foi.
Pour toutes ces raisons, personne ne peut comprendre ni accepter la position et la décision du conseil constitutionnel et tout le brouhaha suscité par cette certification.
182 Nord-Sud Média – 23 /12/10: “ Pour la première fois, le professeur Francis Wodié, constitutionnaliste et président du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) prend sa part dans le débat lié à la crise postélectorale » .