Laurent Gbagbo, le président ivoirien déchu, semait la diversion afin de se maintenir encore pour un temps au pouvoir à Abidjan. Il voulait entreprendre des démarches au niveau de la justice pour faire valoir ses droits de « président élu ». De quoi narguer la communauté internationale, tout en gaspillant l‘argent du contribuable ivoirien.
Car, les négociations n‘avaient pas pris fin avec les trois chefs d‘Etat envoyés par la CEDEAO. Suivant la logique républicaine, le sieur Gbagbo aurait pu entériner sa défaite électorale au tout début, puis engager sa « contestation » des résultats conformément aux lois en vigueur. Il avait plutôt préféré choisir le forcing. Voyant qu‘il n‘obtenait pas de résultat, mais qu‘il s‘était mis à dos toute la communauté internationale, il tentait à nouveau de distraire l‘opinion. Il espérait ainsi faire oublier la vraie raison du problème car le peuple ivoirien avait définitivement choisi son camp.
Le peuple ivoirien avait préféré Alassane Dramane Ouattara à lui, Gbagbo, condamné irrémédiablement à vider les lieux. Il n‘y avait aucun doute là-dessus. Vouloir se venger en laissant massacrer doucereusement des innocents, n‘y changerait rien. Visiblement, le chef de l‘Etat autoproclamé cherchait à gagner du temps. Ainsi, Gbagbo et son clan soufflaient le chaud et le froid. D‘un côté, ils faisaient semblant de prôner la paix en négociant avec la CEDEAO. De l‘autre, ils cultivaient la guerre en servant à l‘opinion des discours pleins de haine. Avec les propos et les actes belliqueux qui se multipliaient, la situation en devenait de jour en jour plus explosive.
Parmi les grands agitateurs, vient en tête Charles Blé Goudé, « ministre de la Jeunesse et de l‟emploi ». Le « général des jeunes » s‘était, en effet, mis en tête de marcher très bientôt pour aller « déloger » les forces impartiales et les Houphouëtistes de l‘Hôtel du Golf, leur siège. Une audace qui relevait de la provocation pure et simple. Pendant ce temps, les miliciens et autres mercenaires étrangers, recrutés par un régime aux abois, continuaient d‘assassiner froidement d‘autres ivoiriens, sur commande. Une réalité qui tendait vers le « génocide », à en croire le nouveau représentant de la Côte d‘Ivoire aux Nations Unies.
Serviteur zélé de Gbagbo, Charles Blé Goudé n‘ignorait pas que, comme son maître, tôt ou tard, il devrait répondre devant la justice internationale. Ne serait-ce que pour avoir mis en danger les troupes des Nations Unies. Confirmation en avait été donnée par Alain Le Roy, le patron desdites forces. On ne s‘attaque pas aussi effrontément à la communauté internationale. Surtout lorsqu‘on a eu à bénéficier de sa protection et même de ses largesses, à un moment donné de son parcours de « patriote ». Plein de rancoeur au sein d‘un régime aux abois, Blé Goudé jouait au héros.
Il savait qu‘a l‘extérieur du pays, toutes les portes lui étaient à jamais fermées, l‘occident en particulier. Il ne pouvait donc que vociférer et exceller dans le soulèvement des foules électrisées à souhait. Partisan de la guerre à tout prix, il cherchait désespérément à piéger les forces impartiales, et à les entraîner dans un conflit dont seul lui et ses compères connaissaient les tenants et les aboutissants. Il était fort possible que lors des marches qu‘il projetait, « les mains nues », se tenaient prêts des miliciens armés jusqu‘aux dents. Au moment opportun, ceux-ci sèmeraient ainsi le trouble, puis allaient faire usage de balles réelles. On pourrait alors crier « au loup » !
Finalement, entre Laurent Gbagbo et Blé Goudé, qui contrôlait qui ? Et qui gérait la rue en réalité ? Ces questions en soulevaient d‘autres. Par exemple : la CEDEAO était-elle cohérente avec elle-même lorsqu‘elle envisageait de faire revenir les chefs d‘Etat aux bords de la lagune Ebrié ? Qu‘avait donc pu dire Gbagbo de si intéressant pour que les négociateurs et amis optent de poursuivre la discussion avec leur « ancien » homologue ? En tout cas, à moins de faire preuve de stratégie, la démarche de la CEDEAO semblait bien être surprenante. L‘organisation avait pourtant obtenu l‘aval de l‘Union Africaine (UA) et de toute la communauté internationale pour chasser l‘usurpateur.
Par contre, Gbagbo, lui, demeurait constant dans sa logique guerrière et dans son obsession à demeurer au pouvoir. Convaincu d‘être le maître de ce jeu sordide, il mettait à profit le temps que prend l‘organisation à se décider. A croire que ce fut une erreur d‘avoir envoyé négocier à Abidjan des chefs d‘Etat considérés comme proches de lui. Sans doute cela était-il conforme à l‘éthique africaine. Reste à savoir si l‘intéressé saurait vraiment mériter une telle marque d‘estime. En tout état de cause, la situation était devenue floue dans la capitale ivoirienne.
Les négociations avaient pris le dessus sur la confrontation armée, apparue inéluctable ces derniers temps. Mais pourrait-on vraiment éviter cette intervention militaire, à la fois redoutée et souhaitée ? La méthode Gbagbo, consistant à provoquer, pour ensuite tenter de faire diversion et retarder les échéances, marcherait-elle encore cette fois ? Il faudrait, pour cela, qu‘échouent toutes les initiatives déployées par les gens de bonne volonté. Mais Gbagbo et les siens ne perdaient rien pour attendre : on ne peut se jouer de tout le monde tout le temps et impunément. Toute manoeuvre destinée à diviser la communauté internationale et à se maintenir indéfiniment au pouvoir était vouée à l‘échec.
Encore une fois, le combat engagé par Gbagbo et ses partisans n‘avait rien à voir avec les intérêts du peuple ivoirien. Celui-ci aspirait à la paix, et attendait impatiemment que le palais ouvre ses portes au président légitime : celui désigné par les urnes, et affectueusement appelé ADO. La énième tentative de Gbagbo ne servirait donc à rien.
202 Le Pays – 03/01/11
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