Y-avait-il eu crise de confiance entre le camp Ouattara et les médiateurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)? C’est ce que pensaient des observateurs avertis de la vie politique ivoirienne. Ils en voulaient pour preuve, qu’alors que cette médiation était en cours, Alassane Ouattara, par la voix de son Premier ministre, avait lancé à Laurent Gbagbo un ultimatum ferme, celui de quitter le palais, au Plateau, avant le 31 décembre 2010.
Le président du Rassemblement des républicains (RDR) doutait de ces médiateurs de la CEDEAO, notamment du président du Cap-Vert, Pedro Pires. Ce qui expliquait la levée de bouclier de la presse pro-Gbagbo contre cette personnalité, accusée d’être de mèche avec Laurent Gbagbo. « Le degré d’implication et de compromission du président cap-verdien vis-à-vis de M. Gbagbo est au-delà de ce que vous pouvez imaginer », avait laissé entendre le diplomate Aïdara Bourahima, rapporté par le quotidien « Le nouveau réveil ».
Quant à « Nord-Sud quotidien », ce journal avait carrément titré à sa Une, « Pedro Pires, ce président est dangereux »! Pour de nombreux Ivoiriens, « cette frilosité » cachait bien un malaise, une crise de confiance entre ce camp et les médiateurs de la CEDEAO. C’était que les partisans du président du RDR n’avaient pas imaginé qu’ils passeraient le réveillon de Saint Sylvestre, au golf hôtel, où Ouattara et ses proches étaient encore retranchés sous la protection de 600 soldats de l’ONU.
Et ceux-ci avaient de bonnes raisons. La CEDEAO avait, on s’en souvient, produit un communiqué musclé qui avait laissé croire qu’avant la fin de l’année 2010, le président Gbagbo aurait quitté de gré ou de force le palais du Plateau. Au terme d’un sommet, vendredi 23 décembre 2010, de ses chefs d’Etat à Abuja (Nigeria), la CEDEAO avait exigé une nouvelle fois, dans un communiqué, le retrait de Gbagbo et annoncé l’envoi d’émissaires dans le pays. « En cas de rejet de cette demande non négociable, la Communauté n’aura d’autre choix que de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force légitime, pour réaliser les aspirations du peuple ivoirien », avait très clairement indiqué ces chefs d’Etat.
Mais au terme de cette mission conduite par les présidents du Cap-Vert, Pedro Pires, de la Sierra Leone Ernest Koroma, et du Bénin Boni Yayi les espoirs du camp Ouattara avaient été « ruinés ». En effet, ces chefs d’Etat n’avaient pas pu arracher à Gbagbo de faire immédiatement ses valises. Et l’annonce de ces médiateurs de la CEDEAO à Abidjan n’était pas faite pour rassurer les pro-Ouattara qui voyaient en cela des manoeuvres de diversions de la part du chef de l’Etat pour gagner du temps et conforter son assise.
Ce qui expliquait le fait que Guillaume Soro était plus incisif quant à cette mission qu’il qualifiait « de la dernière chance pour Gbagbo ». « Le message me semble clair. C’est la dernière chance pour M. Gbagbo d’obtenir la possibilité d’une transmission pacifique de pouvoir et d’une garantie d’immunité », avait-il dit à des journalistes. Il fallait, selon lui, mener le combat légitime et utiliser la force légitime de la sous-région ouest-africaine. « Ni les sanctions, ni la pression de la communauté internationale n’ont convaincu M. Gbagbo de céder le pouvoir. Je ne pose plus de questions. J’appelle à l’usage de la force légitime. On n’a pas encore observé qu’un dictateur passe le pouvoir pacifiquement », avait soutenu le Premier ministre d’Alassane Ouattara.
Par ailleurs, les « défections » au sein de la communauté internationale ne contribuaient pas à rassurer ceux pour qui l’option militaire était indispensable. En effet, si la communauté internationale était quasi unanime pour condamner Laurent Gbagbo et faire pleuvoir sur son régime un « déluge » de sanctions, sa cohésion s’effritait, à mesure que s’égrainait le temps au sujet d’une option armée. En plus du soutien ouvert de l’Angola au chef de l’Etat ivoirien, on notait une position sans équivoque du Ghana qui faisait savoir qu’il n’enverrait pas de soldat pour faire la guerre à un pays ami.
A cela, il fallait ajouter le manque d’empressement du Cap vert à une intervention militaire en Côte d’Ivoire et son épanchement pour une solution négociée.
L’Union européenne également commençait à se laisser « ramollir » à ce sujet. « Gbagbo ne devrait pas sous-estimer la détermination de la communauté internationale à faire reconnaître la volonté du peuple ivoirien et à assurer un transfert de pouvoir démocratique », avait déclaré le chef de la diplomatie britannique, William Hague. Il avait, selon une dépêche de Reuters, annoncé que Londres appuierait le principe d’une intervention ouest-africaine mais il avait conseillé à la CEDEAO « d’obtenir l’aval des Nations unies pour cela ».
203 Soir Info – 03/01/11