Comme conditions socio-économiques pouvant limiter l’accès des femmes aux services financiers, l’étude a considéré : l’accès à la terre, la formation des membres, les conditions d’accès au crédit, l’accès à une épargne sécurisée, les raisons avancées pour le non accès au crédit, les motivations à être membre d’une EMF, le contrôle de l’argent dans le ménage et les raisons de la non adhésion à la caisse des non membres. Bien que ces conditions puissent aussi limiter l’accès des hommes, ces contraintes d’accès aux services financiers ont été analysées avec à l’esprit que la femme est un « être fragile » par rapport à l’homme.
4.4.1. Contrôle des ressources foncières
La terre est une ressource importante dans l’agriculture, son accès et son contrôle est un gage de sécurité socio-économique. La figure 6 présente les proportions de contrôle de cette ressource par les enquêtées.
Figure 6 : Le contrôle de la ressource foncière par les enquêtées
De cette figure 6, il ressort que quelque soit le groupe considéré, les terres destinées à l’agriculture sont la propriété de 8,40% des femmes. Or, la propriété foncière est cruciale pour rehausser le statut social des femmes et leur faciliter l’accès à des services et prestations comme le crédit et la vulgarisation (Sarr, 1999). En somme quelque soit le groupe considéré 35,20% de femmes disent contrôler les ressources foncières de leur ménage, ce qui rejoint les résultats de l’étude de Fon (2011) dans le Nord-Ouest Cameroun. Mais cette proportion serait encore moindre si l’on garde à l’esprit que bien que la terre appartienne à une femme mariée, son conjoint a un regard très pointu sur sa mise en valeur. Et pour celles dont la ressource appartient au conjoint, elles perdent généralement le droit d’usufruit dès qu’elles quittent le ménage ou le foyer (Essi, 2004). En effet, près de 60% des terres appartient aux hommes « qui sont beaucoup impliqués dans la production des cultures de rentes annuelles ou pérennes ; tandis que les femmes se contentent de pratiquer les cultures vivrières » (Aboubakar, 2012) sur des surfaces n’excédant pas 1 hectare.
4.4.2. Accès à la formation et aux conseils de gestion
Accéder à une formation technique et/ou aux conseils peut être une assurance de compréhension de ce que qu’on veut et de ce que l’on fait. En milieu rural l’accès à la connaissance permet souvent de faire adopter une idée, un produit, une manière de faire …etc.
Le tableau 16 présente cet accès à la formation et aux conseils de gestion.
Tableau 16 : Répartition des enquêtées selon l’accès à la formation et aux conseils de gestion des AGR
Parmi les 250 membres des EMF interrogés, 62,80% ont déjà reçu des formations et des conseils de gestion sur leurs activités et 32% n’ont reçu ni formation ni conseil de la part de leur caisse. Cette dernière catégorie explique l’incompréhension des offres et les conditions d’octroi des services financiers aux membres puisque, ne comprenant pas la logique d’intervention de la Caisse Villageoise, ces femmes se disent souvent marginalisées et se considèrent comme des laissées pour compte par leurs collègues. Les responsables des caisses se doivent donc de former leurs membres pour accroître l’adhésion de ces dernières à leurs offres financières et prévenir les recouvrements des crédits.
Cette proportion de formées (62,80%) dans la caisse peut s’expliquer par le fait que presque tous les EMF enquêtés n’ont pour la plupart qu’une seule femme contre 6 hommes dans leur Comité de Gestion(COGES) et aucune femme dans l’organe faitier. Or, la femme est la personne la mieux indiquée pour enrôler une autre femme dans l’accès aux services financiers. Par ailleurs presque tous les appuis de bailleurs cherchent toujours à professionnaliser la gestion en formant les membres des COGES ce qui reviendrait à dire à former une seule femme dans une caisse.
4.4.3. Conditions d’offre de services financiers dans les CVECA
Avant de solliciter un crédit, il faudrait tout d’abord avoir une épargne dans son compte telle est la condition principale sans distinction de sexe d’octroi de crédit dans le réseau d’EMF A3C. Les conditions d’offre de services financiers sont explicites et dépendent du statut du débiteur. Toutes ces conditions sont consignées dans le tableau 17.
Tableau 17 : Conditions d’offre de services financiers dans les CVECA
Il ressort clairement du tableau 17 que les conditions d’offre de services financiers dans le réseau A3C tendent à se conformer aux pratiques des banques classiques. Le taux d’intérêt créditeur gravite autour de 24%/an ce qui prête à discussion dans une stratégie de lutte contre la pauvreté. Le MINADER (2010) reconnait dans son document d’évaluation du secteur de la microfinance que les taux d’intérêt restent très élevés dans les EMF, malgré la grande concurrence.
Pour bénéficier d’un compte fut-il DAT ou DAV, le pauvre paysan est invité à payer entre 7 000 et 9 000 Fcfa sans distinction de sexe. Par contre, dans une étude pour le réseau d’EMF UCEC par la fondation ADAF (2012), il est mentionné que les hommes payent 9 600Fcfa contre 5 800 Fcfa pour les femmes pour ouvrir un compte ou être membre. L’étude continue en disant que les conditions spéciales pour les femmes sont aussi encourageantes et devraient contribuer à faciliter l’accès de cette couche de la population aux services financiers offerts.
Pour mieux illustrer les frais de tenue de compte sur l’épargne des membres du réseau A3C (1000Fcfa/Trimestre) du tableau 17, le tableau 18 présente les proportions de ces prélèvements dans l’épargne mobilisée.
Tableau 18(1): Répartition des épargnantes des CVECA selon les proportions de prélèvement
des frais de tenue de compte
Le tableau 18 présente clairement ce qui en est des prélèvements des frais de tenue de compte sur l’épargne des femmes, membres des CVECA; il en ressort que 49,43% des épargnantes se situant entre 10 000 et 50 000 Fcfa seront imputées de 12,10% de leurs épargnes en fin d’année et 10,34% se situant entre 0 et 10 000 et Fcfa seront quant à elles imputées de 44,30% de leurs dû. Cette situation vient sans doute justifier l’abondance des livrets dits « morts », car sans campagnes de sensibilisation sur les prélèvements pratiqués sur les comptes, les membres des CVECA se retirent le plus souvent ou alors deviennent des membres inactives (sans mouvement financier), se disant ainsi abusées par les dirigeants.
Notons cependant que, toutes ces commissions de prélèvement ne sont pas encore réglementées et les EMF sont libres de les fixer (MINADER, 2010).
4.4.4. Garanties
Parlant de garanties, l’enquête a révélé que sur les 104 femmes ayant demandé le crédit 38,46% ont été amenées à présenter des garanties matérielles avant l’accès au crédit à la caisse. Ces garanties sont entre autres : des exploitations agricoles, des télévisions, des motos, des ustensiles de cuisine, des machines à coudre et des machines à écraser …etc. (voir Photo 4). Le FIPA (2010) ajoute à ces garanties, les contraintes institutionnelles lourdes telles que les procédures bureaucratiques avec exigence des titres de propriétés foncières ainsi que le problème d’analphabétisme et de connaissances en gestion, et l’auteur continu en disant que les femmes rurales ont de bonnes raisons de ne pas tenter l’accès à ces services financiers.
Bien sûr, les groupes de femmes tels que les AFAC ont plus de chance de voir aboutir leur demande mais cela nécessite une bonne organisation de leur part.
Photo 4 : Exemple de garanties saisies dans une CVECA
Vu la multitude des rôles qu’elles assument entant qu’agricultrices, chefs de ménage et de communauté, commerçantes et mères de famille, les femmes (Essi,2004) ploient de plus en plus sur les garanties qui leurs sont imposées. Cette situation est très inquiétante pour la femme rurale dont les revenus ne sont pas réguliers et consistants pour supporter de si grosses charges d’ouverture de compte et d’adhésion.
Dans les discours, les dirigeants déclarent que leurs caisses sont guidées par les principes de facilité au crédit, d’adaptation au milieu et d’outil de développement. Mais au regard de tout ce qui précède, le paysan est loin d’imaginer que ces principes guident réellement l’action de ces EMF.
Pour ce qui est des tontines/GIC/Associations, les conditions d’accès aux services financiers sont relativement plus souples. Pour être membre d’un de ces groupes, il suffit juste de déclarer sa volonté d’adhésion, pour un crédit ; les frais de demande sont estimés à 100 Fcfa. Cependant, le seul avantage des CVECA reste la sécurité des fonds pour ces membres.
En effet, l’épargne est sécurisée dans un coffre-fort et gérée avec plus ou moins de professionnalisme par des villageois formés par des structures techniques reconnues, tel n’est pas le cas dans les tontines/GIC et associations.
4.4.5. Auto-exclusion des membres
La question d’accès des femmes au crédit continue à se poser avec beaucoup d’acuité malgré les conditions d’accès qui se veulent « adaptées au milieu » par les CVECA.
Le tableau 19 qui suit présente les enquêtées membres des CVECA ayant une épargne, condition principale d’octroi de crédit et celles qui ont eu à demander effectivement un crédit.
Tableau 19 : Relation entre épargnantes et celles ayant demandé un crédit à la caisse
Bien qu’ayant rempli la condition principale pour l’obtention d’un crédit (l’épargne préalable), les femmes ne sollicitent pas de crédit. Sur les 174 épargnantes interrogées, seulement 50% d’elles ont contracté un crédit. Cette auto-exclusion des femmes qui ne veulent pas de l’argent laisse perplexe parce que la précarité dans laquelle ces dernières vivent au quotidien en milieu rural n’est plus à démontrer (FIDA, 2010). Par contre dans une étude similaire faite par Essi (2004) dans la région du Centre-Cameroun, les femmes constituent le groupe qui prend le plus de crédit dans les caisses de base d’EMF. En effet, dans cette proportion de femmes qui s’auto excluent du crédit, se trouve celles dont la caisse a bloqué les avoirs pour des raisons de non remboursement de crédits antérieurs. Par ailleurs, 59 femmes sur les 250 enquêtées soit 23,60% n’ont ni épargné et ni demandé un crédit à la caisse ; on appelle ces membres dans le jargon de la microfinance « des livrets morts(2) ». Par ailleurs, 22,37% n’ont pas d’épargne mais ont sollicité un crédit, cette « souplesse » dans les conditions d’octroi est une preuve à brandir que les CVECA « adaptent » leurs offres aux conditions socio-économiques de ces membres.
Pour ce qui est des non membres inscrites dans les Associations/GIC/Réunions, 52% de femmes interrogées ont déjà eu à demander du crédit dans leur caisse, cette proportion rejoint les résultats d’Essi (2004). Ce pourcentage parait plus important dans cette catégorie d’enquêtées et se justifient par le fait que : les regroupements en milieu rural ont des conditions d’octroi de crédits plus souples et les montants demandés sont très petits. En effet, ils varient généralement entre 5 000 à 20 000 FCFA et il existe moins de saisie de matériels.
Malgré cet engouement observé chez les non-membres à prendre les crédits, le problème d’auto exclusion des membres des CVECA demeure et ces dernières ont avancé quelques raisons consignées dans le tableau 20 qui pourraient les conduire à ne pas prendre de l’argent à la caisse.
Tableau 20 : Raisons avancées par les femmes sur leur abstention aux demandes de crédit
Sur les 146 femmes qui n’ont pas demandé de crédit à la caisse, 53,42% ont peur de s’endetter. Cette peur de s’endetter provient d’un manque de confiance en elles comme l’estime Cheston et Kuhn (2006), les femmes perçoivent moins leurs capacités et leur niveau réel de compétences à rembourser les crédits que les hommes. Les mêmes auteurs continuent en disant que les femmes «courent des risques lorsqu’elles prennent un crédit, car cela devient une dette avec tout le stress et les responsabilités qui l’accompagnent ». Une autre inquiétude peut être que les maris des clientes des IMF ou d’autres membres du foyer prennent le contrôle du crédit de la femme, alors que cette dernière a toujours la responsabilité de rembourser l’emprunt, augmentant ainsi son niveau de stress et de dépendance (Goetz and Gupta, 1999). Le constat qui peut être fait de ces proportions d’abstention au crédit, est que les femmes ont beaucoup peur de s’endetter pour la simple raison que dépourvues de ressources productives et de forces physiques pour s’opposer aux équipes de recouvrement des crédits, elles préfèrent ne pas prendre « l’argent de la caisse ».
4.4.6. Motivation à être membre
Les motivations des membres à adhérer à la caisse peuvent être aussi analysées comme condition pouvant limiter l’accès des femmes aux services financiers dans la mesure où si elles ne voient pas transparaitre ce qu’elles cherchent, elles ne viendront jamais souscrire à un produit.
Figure 7 : Répartition des membres selon leurs motivations à adhérer à la CVECA
De cette figure 7, il ressort que les femmes viennent à la caisse pour bien garder leur argent ; pour garder leur argent ensuite prendre les crédits et pour bien gérer leur argent, ces motivations ont été déclarées respectivement à 50%, 25% et 18%. Ces chiffres viennent donc confirmer la position des femmes à ne garder que leur argent dans la caisse sans pour autant prendre de crédits car seulement 6% de femmes sont motivées à cause des crédits qui leurs sont accordés.
Pour bien comprendre ces motivations des femmes à adhérer à la caisse, il faudrait voir comment ces dernières sont devenues membre dans ces EMF à travers le tableau 21.
Tableau 21 : Répartition des membres selon leurs réponses à la question « comment êtes-vous devenus membre ? »
Il ressort du tableau 21 que les femmes sont devenues membres en majorité par des campagnes de sensibilisation soit 49,60%, 32,40% par l’implication de leurs conjoints. Ces hommes qui encouragent leurs compagnes à être membre à la CVECA ont des intérêts cachées puisque dans notre enquête, certaines femmes ont déclaré hors interview que : « si je suis membre de cette caisse c’est pour servir de deuxième carnet à mon mari ». Cette « main cachée du conjoint » dans l’octroi de crédit des femmes cause un réel problème à leur autopromotion. Et de là on pourrait mieux comprendre les volumes suscités de crédits accordés par genre. Ceci vient rejoindre les écrits de Khandker (1998) qui rapporte que la grande majorité des femmes ayant bénéficiées du crédit au Bangladesh en avaient confié la gestion à leur mari, ce qui permet à Osmani (1998) de conclure que les femmes ont souvent des possibilités limitées d’utilisation de leur crédit.
Cette situation du contrôle des fonds dans le ménage a été une question importante dans l’enquête et les différentes déclarations des répondantes sont consignées dans le tableau 22.
Tableau 22 : Répartition des enquêtées selon la personne qui contrôle les fonds dans le ménage
Les femmes déclarent qu’elles contrôlent les fonds dans le ménage (60,80%), or elles avouent aussi que c’est le conjoint qui voit la nécessité d’une dépense ou non ce qui conduit dans certains cas à des problèmes dans le foyer. Or, Ledesma (2002) pensent que c’est seulement 31% de femmes qui contrôlent les finances dans les ménages. Cependant, le contrôle peut aussi vouloir dire gérer les flux d’entrée et de sortie des fonds, l’accès aux services financiers fut-il auprès d’une source formelle (CVECA) ou non sera dont contrôlé par la personne qui gère ces flux dans le ménage.
4.4.7. Raisons de la non adhésion des femmes
Les non membres enquêtées dans le cadre de cette étude ont donné les raisons de leur non adhésion dans ces caisses et leurs réponses sont consignées dans le tableau 23.
Tableau 23 : Répartition des non membres selon les raisons de leur non adhésion à la CVECA
Le tableau 23 montre que la majorité des non membres (60,80%) pensent que les contraintes majeures de leur non ralliement sont les frais d’adhésion et les taux d’intérêt qui sont élevés. Cette raison est réfutée par Kafain (2012) qui pense que les faibles taux d’intérêt et autres frais pratiqués dans les EMF au Cameroun contribuent à l’adhésion d’un plus grand nombre de membres dans ces institutions. Par contre, cette raison pourrait se comprendre par le fait que, dans les différents regroupements des non-membres (tontines, réunions, GIC..etc), il n’existe pas de frais d’adhésion. Mais il faudrait nuancer ces propos, car comme le dit Barka et al (n.d) « on peut aider les pauvres avec des prêts sans intérêt ou à intérêts subventionnés, mais on ne peut pas continuer à jouer les Mères Theresa sans être conscients que de tels programmes ne sont pas durables et se termineront avec la fin de l’aide ».
Cependant, hors interview plus de 80% de non membres déclarent qu’en plus de leur réponse, la question de manque de solidarité de la CVECA (présence physique) lors des événements heureux et malheureux est aussi un élément qui ne milite pas à leur adhésion à la caisse. A la suite de cette question, il leurs a été posé celle de savoir ce qu’elles trouvent
comme avantages dans ces regroupements par rapport à la CVECA et 85% ont répondu que l’avantage de ces associations est la solidarité entre les membres ; 15% trouvent qu’elles reçoivent plus rapidement de crédits moyennant seulement 100Fcfa. En effet, les femmes en milieu rural mettent beaucoup d’accent sur la solidarité (Barka et al ,n.d ) et aiment bien avoir l’assistance physique dans leurs cérémonies heureuses ou malheureuses plus que l’assistance financière comme cela prévaut dans les caisses.
Au vue de tout ce qui précède, l’étude se propose de faire des tests de comparaison de moyennes des montants demandés, reçus et épargnés des membres et non membres afin de trouver les raisons statistiques du non ralliement des non membres pour accéder aux sources de financement formelles que sont les CVECA.
4.4.7.1. Tests de comparaison des moyennes
Etant donné deux échantillons de taille N1 (250 Membres) et N2 (250 Non membres), on admet qu’ils ont été prélevés d’une même population (femmes rurales) relativement à la variable étudiée, ces deux échantillons ayant été prélevés indépendamment l’un de l’autre.
En tout cas, dans une situation « normale » d’un test de Student à variances égales, la formule du t calculé de comparaison de deux moyennes est :
4.4.7.1.1. Différences entre les moyennes : Montant de crédits demandés des membres et des non membres des CVECA.
Le montant demandé reflète souvent le niveau de revenu du requérant où sa capacité à contracter ou à épargner de l’argent c’est ainsi que le tableau 24 présente les différences de moyennes des crédits demandés entre les membres et les non membres des CVECA.
Tableau 24 : Comparaison de moyennes des crédits demandés par les membres et non membres des CVECA
Où Tcal=5, 005 au ddl= 448 et le niveau de confiance est à 90%
Il y’a une différence significative à 10% entre la moyenne des montants demandés chez les membres des CVECA et chez les non membres.
Les sources de crédit informelles (famille, usuriers, tontine…etc.) sont le plus souvent en manque de liquidité et l’emprunteur le sait très souvent en avance et ne peut dès lors solliciter un montant très élevé. Et l’emprunteur généralement demande le crédit en fonction des limites de ses ressources (Aryeety, 1996) et de celles du préteur.
4.4.7.1.2. Différences entre les moyennes : Montants de crédits reçus des membres et des non membres
Les montants de crédits octroyés peuvent aussi permettre d’apprécier l’accessibilité aux services financiers formelles, c’est ainsi que le tableau 25 compare les moyennes des crédits reçus.
Tableau 25 : Comparaison de moyennes de crédits reçus des membres et non membres
Où Tcal=5, 161 au ddl= 448 et le niveau de confiance est à 90%
Il y’a une différence significative à 10% entre la moyenne des montants reçus chez les membres et chez les non membres des CVECA.
La raison est que les procédures d’accès étant plus courtes dans les sources informelles de crédit, les populations rurales préfèrent prendre des petits montants d’argent dans ces sources rapides et disponibles à n’importe quelle heure de la journée(cas de maladie, deuil, déplacements…etc).Or, les membres prennent de gros crédit pour investir afin d’augmenter leur revenu(Tennant et al, n,d) et s’ en servir comme « intrant du développement » (Gentil, 1996). Pourtant, Cheston et Kuhn(2006) prétendent que l’accès au crédit et la participation dans des activités génératrices de revenus renforcent le pouvoir de négociation des femmes au sein du foyer, leur permettant ainsi d’influencer un plus grand nombre de décisions stratégiques.
4.4.7.1.3. Différences entre les moyennes : Epargne mobilisée chez les membres et chez les non membres
L’épargne étant la fraction du revenu qui n’est pas consommée, elle serait un bon indicateur du niveau de vie des populations en milieu rural, d’où le tableau 26 compare les moyennes de l’épargne mobilisée entre membres et non membres des CVECA.
Tableau 26 : Comparaison de l’épargne mobilisée entre membres et non membres des CVECA
Où Tcal=5, 104 au ddl= 448 et le niveau de confiance est à 90%
Il y’a une différence significative à 10% entre la moyenne de l’épargne mobilisée chez les membres et chez les non membres des CVECA.
La question de confidentialité de l’épargne peut-être la raison principale de cette différence. Mais aussi la quête d’une garantie à contracter le crédit.
En somme la raison de la non adhésion des femmes à des services financiers de « proximité » (Gentil, 2002) peut s’expliquer par le fait que toutes les femmes n’ont pas encore adopté cette innovation (Rogers,1983) de sécurité des fonds et de recherche des sources de financement auprès des CVECA pour une augmentation de revenus. Or, les tests ci-dessous montrent bien que les membres demandent plus, reçoivent plus et épargnent plus d’argent pour se faire ce que Parrot(1998) appelle une « épargne de précaution » dans le but de sortir de la précarité dans laquelle elles sont plongées.
En définitive l’étude a été schématisée de la manière suivante :
Figure 8 : Schémas de l’étude sur l’accessibilité des femmes aux services financiers dans la Région du Centre-Cameroun
Haut de la figure : Les femmes rurales ont des besoins qui sont la résultante :
– des besoins de leurs enfants (santé, frais de scolarité, alimentation, habillement…etc) ;
– de leurs conjoints qui expriment des demandes de fonds pour les activités d’exploitation agricole en général (achat d’intrants, main-d’œuvre et commercialisation des produits) et des recouvrements de dettes de ces derniers puisque les femmes ayant parfois honte à la place de leurs maris, préfèrent rembourser les créances de ces derniers;
– de leurs propres besoins d’investissement dans les Activités Génératrices de Revenus tels que : l’agriculture, le petit commerce, la transformation des produits (bâton de manioc, couscous de manioc, tapioca…), on peut aussi citer les besoin d’investissement de leurs enfants.
Centre : Nanties de toutes ces charges, les femmes rurales sont obligées d’aller auprès des EMF pour celles qui en sont membres ou auprès des sources de financements informelles afin de prendre de l’argent, pour le bien être de leur ménage
Côté droit de la figure : Aux besoins ci-dessus viennent s’ajouter les contraintes d’accès au financement des femmes à savoir :
– Le manque de formation : Cette contrainte est plus ou moins la cause de la non mobilisation des femmes autour des offres financières de leurs EMF. Le poste de trésorier étant la seule fonction généralement occupée par les femmes dans les COGES sur les 6 ou 8 à pouvoir. Or, ce sont ces membres du COGES qui reçoivent le plus de formation des bailleurs de fonds. Elles sont par-là exclues en majorité des enseignements sur les avantages des services financiers qui sont pourtant une grande motivation pour l’accès à ces services ;
– Les garanties parmi lesquelles : les garanties matérielles (motos, ustensiles de cuisine, exploitation agricole…etc) et morales (avaliste) limitent l’accès des femmes aux services financiers ;
– Les frais d’adhésion élevés : Les CVECA aujourd’hui ont des frais d’adhésion compris entre 7 000 et 9 000 Fcfa contre la gratuité dans les associations, ce qui poussent ainsi les femmes à aller s’inscrire dans les tontines où leur épargne n’est pas sécurisée et les crédits octroyés sont relativement plus bas.
– Le faible accès et contrôle des ressources productives : la terre constitue la principale ressource productive que les femmes ne possèdent et ne contrôlent pas dans les ménages, ce qui ne garantie pas une pratique de l’agriculture et des ressources financières permanentes et continues ;
– L’auto-exclusion des femmes : les femmes se considèrent parfois marginalisées par les hommes au point où bien qu’ayant un compte d’épargne fourni, condition essentielle d’accès aux services financiers, elles ne demandent pas de crédits à la caisse, par peur de s’endetter déclarent-elles ;
– La rigueur dans les conditions d’octroi des services : les conditions regroupent les frais d’adhésion, les garanties plus les cautions de demande des services ;
Le manque de solidarité de la caisse : les cérémonies heureuses ou malheureuses sont les endroits indiqués pour la manifestation en grande pompe d’une solidarité à un membre. Or, les textes des caisses ne prévoient pas l’assistance physique à un membre, ce qui attire beaucoup de femmes dans d’autres associations où règnent ruses et manque de sécurité des fonds.
1 Etant donné que l’épargne des membres reste inchangée tout au long de l’année.
2 Livrets dont le dernier report de mouvement financier remonte à plusieurs mois voir plusieurs années.
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