Deux scénarios étaient à l’étude. Le premier, qui semblait être privilégié car il limitait les risques de pertes civiles, reposait sur une opération éclair. Cette intervention du type« Taylor ou Noriega » s’appuierait sur des forces spéciales, en partie composées d’Africains, avec un fort soutien logistique.
Objectifs : Gbagbo et quelques sécurocrates du régime. « Ce genre d’opération pourrait provoquer une stupéfaction dans le camp Gbagbo et le neutraliser, ce qui limite les menaces d’un embrasement très lourd en vies humaines », avait expliqué un diplomate ouest-africain.
Dans ses déclarations, Alassane Ouattara avait clairement marqué sa préférence pour cette stratégie, balayant les craintes d’une guerre civile. « Si Laurent Gbagbo refuse de lâcher le pouvoir, il suffit d’aller le chercher et de l’enlever du palais présidentiel », avait-il ainsi déclaré sur France 24. « Si Laurent Gbagbo s’en va, tout cela va s’écrouler comme un château de cartes “, avait-il ajouté sur Rfi.
L’autre scénario, officiel puisqu’il avait été annoncé par la CEDEAO, prévoyait l’envoi d’une force de libération ouest-africaine, comprenant entre 3500 et 4000 hommes, composée de neuf pays, avec en tête le Nigeria. Devraient également y participer le Burkina Faso, le Sénégal, le Mali, la Sierra Léone, le Togo, le Bénin… Le financement de cette troupe, coordonnée par les chefs d’état-major nigérian et burkinabé, devait être assuré par l’Union européenne et les Etats-Unis. Avant de partir sur le terrain, les troupes devaient être rassemblées sur deux sites au Togo et au Mali. « Cette force ne devrait pas être opérationnelle avant le début du mois de février 2011, le temps d’assurer le regroupement, la logistique et le financement opérationnel », avait expliqué un expert militaire. Une partie des soldats pouvait ensuite être pré- positionnée au nord de la Côte d’Ivoire et au Libéria. Mais ceux-ci ne devraient pas être en première ligne lors des assauts militaires.
En effet, les premières troupes devaient être composées des ex-rebelles des Forces nouvelles et d’éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui apporteraient alors leur soutien au président Ouattara. Les Etats-Unis et la France devraient, quant à eux, être mis à contribution en matière de renseignements, même si le président Nicolas Sarkozy avait exclu toute intervention des 900 soldats français de la force Licorne. « Ce serait de la folie de la part de Gbagbo de continuer à s’accrocher à son fauteuil, souligne un diplomate ouest-africain. Même s’il conserve des fidèles dans l’armée et le soutien des Jeunes patriotes, il ne pèsera pas lourd face à une coalition militaire internationale ».
Il n’empêche, Paris, Washington et les capitales régionales espéraient ne pas avoir recours à cette voie militaire. « Il faut tout faire pour que les Ouest-africains ne s’entretuent pas. Et il n’est pas question de s’engager tant que l’Angola soutient militairement Gbagbo. Les Nations unies doivent envisager tous les moyens de pression sur Luanda », avait expliqué un ministre ouest-africain des Affaires étrangères.
Ses sécurocrates préparaient différents scénarios. Particulièrement de sécurisation d’Abidjan, du périmètre présidentiel et de la Radiotélévision ivoirienne (RTI). Un temps évoquée, l’attaque du Golf hôtel, qui hébergeait le président Ouattara et ses fidèles, avait été reportée. Les puissances occidentales et les Nations unies en avaient fait une ligne rouge à ne pas franchir. En cas d’attaque étrangère, le camp Gbagbo laissait également planer la menace de représailles (prise d’otages, guerre urbaine, répression…)
Les FDS n’avaient affiché aucune défection depuis la crise postélectorale. « Ce n’est pas la volonté qui manque, mais beaucoup de militaires ont peur pour leur famille », avait expliqué un gradé. On appelait même cela le « syndrome Louis-André Dacoury-Tabley », cet ancien ami de Gbagbo qui avait rejoint la rébellion en 2002. Le lendemain de son ralliement aux Forces nouvelles, son frère, le docteur Benoît Dacoury-Tabley, avait été enlevé par ” des hommes en treillis ” à Abidjan avant d’être retrouvé mort, criblé de balles.
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