Les grands équilibres géopolitiques du monde sont aujourd‘hui dans une phase de transformation accélérée. Un occident repus et vieillissant doit affronter l‘émergence d‘autres forces avides de trouver également leur place au soleil, et qui se donnent les moyens d‘y parvenir. Cet occident, précédemment triomphant et aujourd‘hui en plein questionnement sur son rôle et sa place dans le monde, montre les signes d‘une difficulté à s‘élever à la hauteur des espérances que la révolution tunisienne a déclenchée dans le monde, en Afrique notamment.
Il court le risque de se retrouver du mauvais côté de l‘histoire s‘il ne trouve pas les ressources nécessaires pour appuyer et accompagner cette révolution en marche. Le monde arabe semble avoir trouvé une autre voie pour aller vers la démocratie et la bonne gouvernance. Une voie différente des moyens habituels qui ont montré leurs limites : terrorisme, guerre civile, coup d’état violent. C’est une révolution pacifique, par le soulèvement populaire non armé, qui ne peut que susciter la sympathie de l’opinion publique internationale devenue de nos jours un acteur majeur dont les politiques même les plus puissantes, les multinationales même les plus importantes, sont obligés de tenir compte. Cette révolution arabe a ouvert un boulevard à l’Afrique noire.
L’Afrique noire à elle seule la capacité de s’y engager, si elle décide de hisser ses voiles dans le sens de ce vent de changement, mais elle a également la capacité, la “liberté” de s’en détourner. Il est du devoir de tout Africain de faire en sorte que cette seconde alternative – qui est peut-être tentante pour les générations actuelles d’Africains malmenées par des dictatures brutales et corrompues (certains les ont qualifiés de “générations sacrifiées”) – ne l’emporte pas. Ni la France, ni les Etats-Unis, ni l‘ONU ne peuvent le faire à la place de l‘Afrique.
Mais il ne doit pas y avoir de doute que cette communauté internationale saura accompagner une volonté populaire clairement exprimée, organisée, déterminée, non violente. Elle le fera par réalisme, parce que c‘est dans son intérêt d‘être du bon côté de l‘histoire. L‘Afrique doit avoir conscience que le reste du monde ne fait pas du bonheur de l‘Afrique une priorité : seuls les Africains peuvent le faire. Et pour ce faire, l‘Afrique n‘a besoin de la permission de personne. L‘intérêt de l‘occident, du moins à long terme, est d‘avoir en Afrique des partenaires économiques crédibles, au pouvoir d‘achat élevé, afin de développer ses échanges économiques, et pas des consommateurs que l‘extrême pauvreté rend inintéressants d‘un point de vue strictement économique. L‘on se souvient d‘une une réflexion de l‘homme politique Français Lionel Jospin, déclarant en toute ingénuité, et probablement avec sincérité, qu‘il n‘avait pas nommé dans son gouvernement (1997-2002) de personnes issues des minorités parce qu‘il n‘en avait pas trouvé.
Quand on ne cherche pas, on ne trouve pas, et quand on ne veut pas chercher, on ne peut pas trouver. Si les Africains ne désirent pas ardemment le changement et le progrès, ils ne parviendront pas à l‘obtenir. Au-delà de l‘élite intellectuelle, l‘élite de la société en général, les chefs traditionnels notamment, a un rôle déterminant à jouer. L‘on peut s‘imaginer que si quelques chefs traditionnels importants et respectés, se lèvent résolument pour réclamer le changement en écho à la voix de leurs peuples, pour dénoncer les fraudes électorales massives que le pouvoir en place aujourd‘hui se prépare à commettre lors des prochaines élections présidentielles. Mais l‘Afrique doit conduire son évolution avec lucidité et intelligence. Le combat n’est pas seulement “contre” l’exploiteur, il est aussi et surtout “pour” l’excellence. Un Africains qui se hisse aux premières places de sa discipline, quel qu‘elle soit, rend plus de services à l’Afrique que n’importe quel ministre ou opposant politique.
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