Triste Noël en Côte d‘Ivoire. Les messes de minuit ont été célébrées à la va-vite, avant la nuit, ou alors annulées comme celle de la cathédrale Saint-Paul à Abidjan habituellement suivie par 10000 fidèles. La peur était omniprésente alors qu‘un bilan avoisinant les 200 morts était évoqué par les Nations Unies dont les casques bleus sur place avaient été impuissants à empêcher les atrocités postélectorales. L‘heure était grave.
Chaque jour qui passait semblait renforcer Laurent Gbagbo dans son délire de rester au pouvoir. Mais le président vaincu dans les urnes était en retard sur la compréhension des événements et de leur dynamique. Il avait beau dire qu‘il «ne veut pas la guerre», il s‘est trompé en s‘entêtant à ne pas reconnaître la victoire de son adversaire, Alassane Ouattara. Le fait accompli ne fonctionnera pas. Ni les Etats africains, ni la communauté internationale n‘étaient prêts à desserrer leur étau. Le tyran africain s‘était mis au ban des nations. Les sanctions le visant commençaient à produire des effets. Et la menace d‘un recours à «la force légitime» pour le déloger du pouvoir n‘était plus un tabou.
D‘ailleurs, le bras de fer d‘Abidjan délivre une belle leçon, plutôt inattendue: par son ampleur, la mobilisation africaine pour que la démocratie soit respectée n‘avait pas de précédent. L‘Union africaine ne s‘était pas dérobée à ses responsabilités. Elle avait définitivement lâché Laurent Gbagbo, ce qui n‘allait pas de soi sur un continent où les exemples d‘enracinement au pouvoir sont légion.
La communauté économique d‘Afrique de l‘Ouest, la CEDEAO, avait montré la voie en rendant un verdict défavorable au mauvais perdant. Et quand la CEDEAO avait suspendu la Côte d‘Ivoire de ses institutions, l‘Union africaine lui avait aussitôt emboîté le pas.
Cet engagement des dirigeants africains contre un des leurs peut être compris comme une démonstration de la capacité de l‘Afrique à se prendre en main, avec la bénédiction de la communauté internationale. A un moment où le continent noir connaît une progression soutenue de son PIB, les chefs d‘Etat redoutent par-dessus toute l‘instabilité qui pourrait contaminer une vaste région. Tous voudraient éviter que l‘obstination de Laurent Gbagbo ne fasse replonger la Côte d‘Ivoire dans le chaos. C‘est dans cette unité africaine, qu‘avait sous-estimée Gbagbo, que réside l‘ultime espoir, certes ténu, d‘une solution non militaire.
229 Le Temps.ch – 27/12/10 : « Le tyran d‘Abidjan a sous-estimé la mobilisation des chefs d‘Etat africains. Unis pour que la démocratie soit respectée en Côte d‘Ivoire, ceux-ci ne desserrent pas leur étau »
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