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5.3 TAILLE & DEPLOIEMENT DE L’APPROCHE PROCESSUS

Le cas des petites entreprises

Observé en entreprise :

L’entreprise Gaz&Co dispose de locaux dans les beaux quartiers de Neuilly sur Seine. Son activité est l’achat/vente de matériel destiné au transport de gaz. L’équipe est constituée de 4 personnes, le père (fondateur ayant passé la main) le fils (ayant fait exploser le CA depuis 5 ans), un associé et une assistante commerciale multilingue. Les activités de stockage / livraison sont externalisées auprès d’une société de service logistique au nord de Paris. GDF, presque unique et gros client de l’entreprise, exige une certification ISO9001 depuis des années.

Ayant essayé de repousser au maximum l’échéance, l’entreprise doit aujourd’hui se faire certifier si elle veut conserver ce client. Pour ce faire l’Approche Processus doit être déployée. Les questions posées par le dirigeant de l’entreprise à son consultant sont les suivantes :

– Quelles sont les options de choix qui s’offrent aux entreprises de petite taille pour la mise en œuvre de l’Approche Processus ?
– L’Approche Processus en tant que telle, est-elle pertinente pour notre entreprise?

Ce patron argumente sur le fait que, compte-tenu des objectifs de l’Approche Processus, tels qu’il les a compris (visualiser clairement les résultats de chaque secteur de l’entreprise), il considère que la taille de sa “boite” est suffisamment petite pour que lui ou son associé, ait à la fois, une vue d’ensemble et une vue détaillée des activités. Ce dirigeant insiste sur le fait qu’il est fortement impliqué dans les activités opérationnelles. Finalement, il récuse l’Approche Processus car il la juge inutile pour sa configuration d’entreprise.

Malgré ces propos et sous la pression du client, quelques mois après, une structure horizontale de 7 processus a été créée par un consultant. Cependant cette réalisation est contestée par le dirigeant. Il commente : “les processus n’ont aucune utilité, sauf à compliquer les choses”. Pour illustrer son propos, ce patron cite l’identification d’un processus “Gestion des moyens de contrôle” qui semble représentatif d’un décalage entre sa propre vision de l’entreprise et la cartographie de processus que le consultant lui a imposé. Il est à noter que ce Processus “Gestion des moyens de contrôles” consiste essentiellement à réaliser les calibrations périodiques des moyens utilisés pour faire de la contrevérification sur le stock déporté.

A observer l’entreprise, sa taille et surtout l’analyse de son dirigeant, nous sommes tentés de souscrire à cette approche : en deçà d’une taille critique, le déploiement de l’Approche Processus peut s’avérer superflue. Cependant, nous le savons, ce modèle de management est imposé par l’ISO9001. Sans exception.

Par choix ou par contrainte, certaines petites entreprises sont donc amenées à déployer l’Approche Processus et donc à faire des choix relatifs à leur structure horizontale. Comme dans le cas de la société Gaz&Co, lorsque ces choix sont réalisés sans considération pour la taille de l’organisation, il en résulte des cartographies de processus inadaptées où, malgré un champ d’activité restreint, les activités sont découpées de façon artificielle là où il n’y a rien à découper car, comme le dit le consultant, “il faut bien identifier des processus pour être certifié…”.

Dans le cas observé, le processus “Gestion des moyens de contrôle” est une coquille vide créée artificiellement dans la mesure où la contribution de ce “processus” ne participe pas à la valeur ajoutée et ne porte pas de risque associé pouvant fragiliser les performances de l’entreprise. Ce type d’erreur a différentes causes possibles, nous pouvons en citer deux à titre d’exemples :

1) Le consultant a une structure type de processus qu’il copie/colle (ou presque) dans chaque entreprise qu’il conseille (quelle que soit la taille de cette dernière)

2) Le consultant pense qu’il faut, au moins, un processus par chapitre de l’ISO9001 (Comme dans l’exemple ci-dessus : Chapitre 7.6 de l’ISO9001 = Maîtrise des équipements de surveillance et de mesure)

Quoiqu’il en soit, l’observation de Gaz&Co confirme la problématique des petites organisations où l’Approche Processus peut être un échec consécutif à l’inadéquation entre la structure des processus et l’effectif de l’entreprise.

Ceci réaffirmant que la taille de l’entreprise doit être absolument prise en compte lors de l’établissement d’une structure horizontale afin que cette dernière soit réellement efficace.

Observé en entreprise :

Cette petite société de service ACS (Automotive Computing Service) composée d’une douzaine de personnes, dirigée sans partage par son créateur depuis 10 ans, est certifiée depuis trois ans (exigence client). Ce dirigeant déclare vivre parfaitement bien la certification et vante les mérites de cette démarche en termes de structuration…

Concernant les processus, l’option retenue par le dirigeant est la mise en place d’une structure horizontale où sont positionnés 1 processus de “Management” et 1 processus de “Réalisation” dans lesquels sont regroupées toutes les activités.

Ce qui correspond finalement à la structure verticale telle qu’elle existe et au mode de management déployé : un “boss” et des collaborateurs.

D’un point de vue de l’Approche Processus, cette configuration n’a qu’un intérêt limité car ce type de découpage ne confirme qu’une vision globale de l’activité. Par contre, cette structure à deux processus, qui semble compatible avec le fonctionnement naturel de cette entreprise, est tout à fait recevable pour obtenir une certification. Le cas d’ACS confirme donc, a contrario du cas Gaz&Co, qu’une prise en compte positive de la taille peut aboutir à la définition d’une structure de processus adaptée à l’entreprise.

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Le cas des grandes entreprises

Observé en entreprise :

DURAND CORP, société anglo-saxonne ultra-centralisée et N°1 mondial dans sa spécialité (30 sites de production dans le monde), dispose d’une cartographie composée de 28 processus.

Les cadres des sites de production, très disciplinés, utilisent tant bien que mal cette structure de processus malgré les sentiments divers qu’ils éprouvent à l’égard de cette dernière. L’avouant à demi-mot, ils considèrent que seule la structure hiérarchique est réelle et que ce “montage” compliqué de processus est inutile et consommateur de ressources.

Pour une grande entreprise, les choix et les risques associés à l’élaboration d’une structure horizontale sont ceux que l’on retrouvera généralement pour toutes les entreprises. Il existe cependant un risque spécifique que nous observons dans le cas de DURAND CORP : celui d’identifier un nombre trop important de processus… Poussant à l’extrême le concept de l’Approche Processus, face à une multitude d’activités, les managers sont conduits à identifier, sans discernement, toutes les activités à valeur ajoutée dans le but de les évaluer individuellement, pensant que “plus c’est précis, plus c’est efficace”… (cf. ci-dessous la cartographie réelle de l’entreprise où les noms des processus ont été masqués pour des raisons d’anonymat).

Ce type de choix structurel, multiplier les processus par soucis d’exhaustivité et de précision, conduit à une parcellisation de l’information et une multiplication des indicateurs, ayant pour conséquence de complexifier la “lecture” et le pilotage de l’organisation.

A titre d’exemple également, citons Alexandre de Juniac, PDG d’Air France qui déclarait dans le Figaro du 17 mai 2013 : “Les grandes organisations pensent toujours que la complexité est une fin en soi et qu’elle signifie : Qualité et Intelligence”.

L’observation de DURAND CORP confirme, une fois de plus, que l’influence de la taille, mal maîtrisée, peut aboutir à une cartographie de processus inutile pour le pilotage de l’entreprise et créant même de la confusion. Le tout ayant comme fâcheuse conséquence de rendre plus difficile l’atteinte des buts finaux de l’organisation.

De façon plus générale, que cela soit pour les organisations de petites ou de grandes tailles, l’Approche Processus porte en son sein la problématique de la maîtrise quantitative des processus (sur-nombre/sous-nombre).

Cette problématique peut se synthétiser de la façon suivante (à isopérimètre) :

– Trop de processus : activités parcellisées et données en profusion compliquent le pilotage de l’entreprise.
– Insuffisance de processus : activités sur-regroupées et données trop globales compliquent le pilotage de l’entreprise.

Une autre façon d’illustrer les difficultés associées à la définition d’une cartographie au nombre adapté de processus est la métaphore de la “carte routière”.

Effectivement, un carte routière peut être réalisée à différentes échelles. Quelle est donc la meilleure échelle ? Trop grande : la vision est trop globale, la meilleure route pour arriver à la destination finale n’est pas facilement discernable. Trop petite : la vision d’ensemble n’est plus accessible, le point de destination n’est plus visible…

L’enjeu pour les managers sera donc finalement de définir, en fonction de la taille de leur entreprise, la “finesse” nécessaire à donner à leurs processus afin d’être en mesure de piloter, avec efficacité et efficience, les activités à risque et/ou à valeur ajoutée.

Naturellement, nous observons par ailleurs que cette problématique “sur-nombre/sousnombre” confirme, si cela était nécessaire, les apports de Lawrence et Lorsch (1967), ainsi que ceux de Cohendet, Jacot et Lorino (1996), relatifs à la Pertinence et à la cohérence des organisations.

Lors de l’identification de la nature et du nombre des processus d’une organisation, les managers doivent donc parvenir à trouver l’équilibre entre :

– des processus en nombre suffisant afin de permettre la pertinence de la réponse,
et
– des processus en nombre non-excessif afin de rendre possible leur coordination (cohérence) mutuelle.

Quelle que soit la configuration de la structure de processus adoptée, les observations des entreprises ci-dessus confirment :

– d’une part, que la taille demeure un facteur d’influence important,
– mais aussi et surtout qu’une adéquation minimum entre la taille et la structure de processus, est un enjeu majeur pour les performances de l’entreprise.

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