Une éventuelle intervention militaire de l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire pour chasser le président sortant Laurent Gbagbo semblait bien plus difficile à réussir que les précédentes interventions en Sierra Leone et au Liberia contre des chefs de guerre, estiment les experts.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui dispose d’une force d’action rapide en attente, basée en Sierra Leone et au Mali, avait menacé le 24 décembre 2010 d’intervenir militairement dans l’ex-colonie française, en proie depuis un mois à une grave crise postélectorale.
Depuis cette date, trois chefs d’Etat de la région ont mené une mission diplomatique entre les camps de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara, qui se disputaient le pouvoir après un second tour contesté.
Mais dans le même temps, les responsables militaires préparaient des plans d’intervention militaire.
“Ça va entrainer beaucoup d’affrontements entre partisans de Gbagbo et Ouattara”, avait averti Kwesi Aning, chef du département pour la prévention et la résolution des conflits, au Centre international de maintien de la paix “Kofi Annan”, basé au Ghana. Gbagbo disposait d'”un fort soutien, il ne va pas se rendre facilement”, assurait-il. De plus, la CEDEAO serait en train de mobiliser une force de 2.000 à 3.000 hommes, mais, pour réussir cette opération, il en faudrait 5.000 à 7.000, avait estimé M. Aning.
Et, pour réussir, l’opération devait être rapide, avait renchérit Tajudeen Akanji du Centre pour la paix et l’étude des conflits de l’Université nigériane d’Ibadan. “Ils devront agir aussi vite que possible sinon l’homme (Gbagbo)…. pourra se renforcer”, estime Akanji, pour qui cette opération devrait durer entre deux à quatre semaines. Un autre expert militaire, le général à la retraite Ishola Williams, secrétaire exécutif du Groupe panafricain de stratégie et de recherche politique était plus catégorique: “une intervention militaire en Côte d’Ivoire ne va pas réussir”.
« C’est différent du Liberia et de la Sierra Leone (où la CEDEAO est également intervenue dans les années 90). Il n’y a pas de guerre civile. Comment les militaires vont-ils entrer? Vont-ils marcher sur Abidjan? »
« Gbagbo est un politicien “très intelligent”, il a le soutien de la hiérarchie militaire et des jeunes de la rue mobilisés par Charles Blé Goudé, le leader des “Jeunes patriotes” », avait rappelé le général Williams.
Aucun pays n’avait officiellement annoncé sa participation à cette force régionale. Le Ghana, voisin de la Côte d’Ivoire, avait même annoncé qu’il n’enverrait pas de troupes, faute d’effectifs suffisants de son armée nationale. Le Nigeria, poids-lourd de la région et pays le plus peuplé du continent avec plus de 150 millions d’habitants, devrait être le principal contributeur, mais il devait aussi mobiliser ses troupes pour sa sécurité intérieure. Avec des élections générales à venir dans quatre mois, sa toujours turbulente région pétrolifère du Delta du Niger, le nord en proie aux violences interreligieuses et les récents attentats dans sa partie centrale, le Nigeria allait avoir besoin de beaucoup de forces de sécurité. Le Nigeria devrait reconsidérer son “rôle de Père Noël”, avait estimé Olu Obafemi, chercheur en chef du National Institute of Policy and Strategic Studies, de Jos (centre). « Nous ne disons pas qu’il ne doit pas intervenir, mais le faire sans léser ses propres intérêts. Il y a beaucoup de menaces intérieures », avait affirmé Obafemi.
250 AFP – 31/12/10