Afin d’inciter le prospect à souscrire un contrat d’assurance et dans un souci de fidélisation des clients, les contrats d’assurance sont parfois offerts sous la forme d’offres promotionnelles.
Ces offres sont proposées au cabinet, au guichet, par démarchage à domicile ou à distance.
Ces offres promotionnelles sont réglementées.
Parmi ces techniques promotionnelles on trouve la distribution sous forme de cadeau, celle sous forme de vente à prime, mais aussi et surtout celle qui nous intéresse en l’espèce, la distribution sous la forme d’une vente groupée.
La distribution sous la forme d’une vente groupée est de plus en plus fréquemment utilisée par les distributeurs de biens et de services de masse.
Le contrat d’assurance n’a pas échappé à ce développement car il est de plus en plus souvent inclus dans de telle convention groupée (convention de compte, carte bancaire et privative, assurance accessoire à la vente d’un bien).
Cette technique de vente est strictement réglementée par le code de la consommation et le code monétaire et financier afin de laisser au consommateur la liberté de choix et éviter ainsi qu’il ne s’engage au-delà de ses besoins.
La vente groupée est également nommée vente liée ou subordonnée.
Elle consiste à imposer au consommateur qui veut acquérir un produit ou bénéficier d’un service à titre onéreux, l’achat d’un second produit ou le bénéfice d’un second service à titre onéreux.
La vente groupée est différente de la vente à prime par le caractère onéreux de chacun des biens ou services composants le lot.
Dans le contexte de la distribution de l’assurance par les banques, les contrats proposés en vente groupée se présentent sous forme de conventions de services, autrement dénommées « packages » ou encore « produits packagés ».
Il s’agit d’un bouquet de services bancaires et extra bancaires généralement facturé mensuellement au forfait.
Cette offre est devenue un standard dans la plupart des pays européens.
Ainsi, on peut voir très souvent des publicités qui parle de « pack auto » ou « pack habitation » et qui regroupent le crédit et l’assurance de biens.
La vente liée peut aussi résulter du fait, pour l’établissement de crédit d’imposer à l’emprunteur la souscription d’une assurance emprunteur, voir même l’adhésion à son assurance de groupe comme condition sine qua non de l’octroi du crédit notamment immobilier.
La loi Murcef a eu pour objectif de créer un cadre juridique spécifique régulant la pratique des méthodes promotionnelles en matière bancaire et notamment celle de la vente groupée.
Cette législation a eu des répercussions notables sur la distribution de l’assurance par les banques.
On peut remarquer que l’assurance n’étant pas l’activité principale des banques, ces dernières recourent le plus souvent aux techniques promotionnelles pour augmenter leurs parts sur le marché de l’intermédiation.
Ensuite, la complémentarité entre les produits d’assurances et les produits bancaires rend inéluctable le recours aux ventes groupées afin de promouvoir les deux activités.
Cette loi a innové en ce sens qu’elle a édicté des textes relatifs à la prohibition des ventes liées spécifiques aux établissements bancaires.
Il aurait été plus simple d’adapter l’article L. 511-4 du Code Monétaire et financier pour faire disparaitre le régime dérogatoire dont les banques bénéficiaient, ce qui aurait conduit à l’application du Code de la consommation aux banques.
Cependant, les instances représentatives de la profession bancaire, arguant de la spécificité de l’activité financière et de l’intuitu personae qui les gouvernent, ont jugé plus adapté de mettre en place une législation propre aux établissements de crédit.
Ceci a permis d’avoir une législation « bancaire » quelque différente de celle de droit commun en matière de prohibition des offres groupées.
Rappel historique
L’article L. 122-1 du Code de la consommation provient d’une loi du 21 octobre 1940 réglementant l’économie pour le temps de la guerre et de l’occupation.
Elle visait à lutter contre la pénurie.
L’ordonnance du 30 juin 1945 a repris ce texte prohibant les ventes liées.
Puis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est venue réglementer de façon plus cohérente le recours aux techniques commerciales promotionnelles de façon générale.
Ensuite il y a eu une codification à droit constant dans le Code la consommation de cette ordonnance.
Tous les acteurs de la vie économique semblaient tenus au respect de cette réglementation à l’exception des établissements de crédits qui bénéficiaient alors d’un régime dérogatoire.
En effet, l’interprétation de l’article 89 de l’ancienne loi bancaire de 1984 modifié par l’ordonnance du 1er décembre 1986 et selon lequel : « l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s’applique aux établissements de crédit pour ce qui et de leurs activités définies aux articles 7 et 8 », permettait d’exclure de la prohibition des ventes liées, les opérations de banque et connexes car certaines opérations d’assurance sont considérées comme des activités connexes.
La notion d‘opération connexe n’existe juridiquement que pour les établissements de crédit.
En effet, l’article L. 311-2 du Code Monétaire et Financier dresse une liste des activités connexes aux opérations de banque. Or, les opérations d’assurances ne sont pas explicitement citées.
Le problème est de savoir s’il s’agit d’une énumération limitative ou indicative.
Il semble cependant que certains contrats d’assurance peuvent être qualifiés d’opérations connexes puisque est une opération connexe « le placement, la souscription, l’achat, la gestion, la garde et la vente de valeurs mobilières et de tout produit financier » et également, « le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine ».
Ainsi, la généralité des termes retenus permettrait d’englober certaines opérations d’assurance.
Les banques étaient donc autorisées à recourir aux ventes liées pour la présentation des opérations d’assurance considérées comme connexes aux activités bancaires.
D’ailleurs, la codification à droit constant des articles de l’ordonnance précitée sous l’article L. 122-1 du Code de la consommation n’a pas remis en cause le principe posé par l’article 89 de l’ancienne loi bancaire.
Ce régime dérogatoire avait même été approuvé par le Cour de cassation , de même que la DGCCRF.
Par une application combinée de la loi bancaire de 1984 et de l’ordonnance de 1986, les établissements de crédit n’étaient donc pas soumis à l’interdiction des ventes groupées pour leurs opérations de banque et de ventes connexes jusqu’à la loi MURCEF du 11 décembre 2001.
Ce régime d’exception a par la suite été confirmé par la Cour d’appel de Paris qui a estimé que l’offre de crédit présenté parmi d’autres dont une offre d’assurance, n’était pas constitutive d’une vente groupée, mais d’une opération particulière de banque relevant de la loi du 24 janvier 1984 et échappait de fait à l’article 30 de l’ordonnance de 1986.
Cette solution permettait aux établissements de crédit de bénéficier d’un régime privilégié qui a suscité une indignation parmi les opérateurs économiques du secteur de l’assurance et des associations de consommateurs.
Mais il aurait été contestable de poser un obstacle de principe à une innovation commerciale constituant une forme de concurrence dans in secteur économique que l’on suspecte souvent d’ententes sur les conditions appliquées . Ainsi, nous allons voir que l’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier qui pose le principe de la prohibition des ventes liées, prévoit dans le même temps deux exceptions.
La législation actuelle
La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite loi Murcef a donc permis d’équilibrer les différents régimes applicables aux opérateurs économiques qui recourent aux méthodes promotionnelles.
Elle a étendu aux établissements de crédit l’interdiction de principe des ventes groupées.
Il y a donc eu un effort d’harmonisation entre le Code de la consommation et le Code Monétaire et Financier en ce qui concerne la prohibition des ventes groupées.
L’article L. 122-1 du Code de la Consommation interdit deux pratiques :
– celle qui consiste à refuser au consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service
– celle qui subordonne la vente au consommateur d’un produit ou d’un service à l’achat d’une quantité imposée ou d’un autre produit ou service
Ces pratiques commerciales sont illicites et elles sont punies des peines prévues par le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 soit une amende de 1500 euros par infraction
L’article L.122-1 du Code de la consommation interdit les ventes liées sauf dans le cas de la vente permettant au consommateur d’acquérir chacun des lots ou de bénéficier de chacun des services composants le lot.
Par un arrêt du 12 février 1990, la chambre criminelle de la cour de cassation a considéré que l’ordonnance du 1er décembre 1986 était applicable à l’assurance.
Pour ce qui est des établissements de crédit, c’est spécifiquement l’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier qui s’applique par renvoi de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.
Il pose le principe de prohibition des ventes liées et prévoit deux exceptions :
– Lorsque le consommateur peut acquérir chacun des produits ou bénéficier de chacun des services composants le lot
– Lorsque la vente groupée est composée de biens ou services indissociables (le caractère indissociable n’étant pas défini, il est laissé à l’appréciation du juge)
Le non respect de cette loi par les banques pouvant être sanctionné par une amende de 15 000 euros et par la mise en cause de la responsabilité des représentants de la personne morale (l’article R. 121-13 du Code de la consommation prévoit qu’il s’agit d’une contravention de cinquième classe).
Mais la règle du non cumul des peines s’applique ici c’est-à-dire une seule amende pour la totalité des opérations illicites.
En pratique, l’assurance en inclusion des cartes bancaires constituerait a priori une vente groupée, tout comme le contrat de prêt lié à un contrat d’assurance qui va nous intéresser ici.
En pratique cependant, les banques sont réticentes à accepter les délégations d’assurance notamment parce qu’elles sont commissionnées sur les produits « maison », ou encore parce qu’elles connaissent parfaitement les garanties des contrats qu’elles proposent ce qui leur évite de se livrer à une étude comparée des notices d’information.
Dès lors, il s’agit très souvent en pratique d’une offre groupée de fait.
En effet, contrat de banque et contrat d’assurance sont des contrats conclus intuitu personae donc l’assureur et le banquier peuvent refuser la conclusion sans avoir à donner de motifs, de justifications à ce refus.
Les candidats au crédit se voient donc dans certains cas privés du droit de souscrire des assurances indépendantes.
Il en est ainsi des crédits immobiliers pour l’octroi desquels les banques exigent le plus souvent l’adhésion des clients à leur assurance de groupe sur le fondement de l’article L. 312-9 de la consommation.
D’un point de vue strictement factuel, cette prérogative reconnue au banquier de subordonner l’octroi du prêt à l’adhésion à l’assurance de groupe par lui souscrite rétrécit le marché des assurances garantissant les crédits.
De fait, le fondement légal d’une telle pratique l’exclut du champ des comportements anticoncurrentiels répréhensibles.
En revanche, cette justification ne tient pas forcément pour tous les prêts que les banques subordonnent à l’adhésion à leur assurance de groupe.
En effet, les crédits non soumis au Code de la consommation et les crédits mobiliers à la consommation ne sont pas soumis à cet article spécifique du Code de la consommation.
Les premiers sont exclusivement soumis à l’article L. 312-1-2 du Code monétaire et Financier tandis que les seconds se voient réglementés par une disposition plus spéciale qui est l’article L. 311-12 du Code de la consommation.
Il conviendra de déterminer dans quelle mesure l’établissement de crédit peut imposer à l’emprunteur la souscription d’une assurance emprunteur et notamment l’adhésion à l’assurance de groupe qu’il a souscrit à cet effet dans l’un et l’autre cas.
Le champ d’application des textes réglementant la vente liée
Le problème qui se pose immédiatement est celui du champ d’application des différents articles que nous venons de citer.
– L’article L. 141-1 du Code des assurances s’applique à tous les contrats d’assurance de groupe et donc que l’emprunteur soit un professionnel ou un consommateur.
– L’article L. 122-1 du Code de la consommation ne s’applique qu’aux seuls consommateurs, à l’exception des professionnels. Mais, en l’espèce, cet article renvoit à l’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier pour la législation en matière de vente liée applicable aux établissements de crédit.
– L’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier s’applique à tous. Donc le principe prohibition de la vente liée et ses exceptions s’appliquent aussi bien aux consommateurs qu’aux professionnels, aux personnes physiques et aux personnes morales.
En revanche, les articles L. 311-12 et 312-9 du Code de la consommation ne semblent s’appliquer qu’aux seuls consommateurs.
– L’article L. 311-3 dispose, en effet, que sont exclus du champ d’application des dispositions relatives au crédit à la consommation les crédits destinés à financer une activité professionnelle.
– Cependant, l’article L. 312-2 précise que les dispositions relatives au crédit immobilier sont applicables aux prêts consentis pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel d’habitation.
Il convient donc de savoir comment faire la distinction entre un professionnel et un consommateur puisque de cette distinction découlera l’application de tel ou tel article.
La jurisprudence française a une conception assez restrictive de la notion de consommateur puisque dès qu’un contrat est conclu dans le cadre de l’activité professionnelle de la personne, elle est considérée comme un professionnel .
Ainsi, la Cour de cassation considère que dès lors que l’intéressé agit dans le cadre de son activité professionnelle, il ne peut être considéré comme un consommateur ou un non professionnel .
Dans cette hypothèse, les deux derniers articles visés ne sont pas applicables et ainsi, l’établissement de crédit dispose d’une totale liberté pour imposer l’adhésion à son assurance de groupe emprunteur, tout en étant soumis à l’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier.
En revanche, face à un consommateur, l’établissement de crédit est soumis à deux dispositions législatives particulières au crédit à la consommation et au crédit immobilier.
La vente liée : une technique pouvant constituer une pratique anticoncurrentielle
D’autres textes prohibent les ventes liées au titre des pratiques anticoncurrentielles ; c’est notamment le cas de l’article L. 420-2 du Code de commerce modifié par Loi n°2005-882 du 2 août 2005 qui dispose :
« Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442-6 ou en accords de gamme ».
Mais nous ne nous y intéresserons pas en l’espèce, préférant nous concentrer sur les articles précités du Code de la consommation et du Code Monétaire et Financier.
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