Nous avons mené une recherche exploratoire dans neuf écoles du Mexique et de la Colombie. nous avons choisi un échantillon contrasté refletant les disparités constatées : écoles rurales, urbaines et indigènes. Les résultats de cette recherche sont limités par le petit échantillon et la courte durée des observations, car nous sommes restés trois jours maximum dans chaque école et la plupart des données ont été obtenues à partir de la perception des auteurs.
Le choix du sujet de ce chapitre a été motivé par l’intention de continuer la première étude (2007) effectuée en Master 1 en Sciences de l’éducation portant sur l’usage de TICs en Colombie, ainsi que par l’expérience de deux ans en tant que tutrice d’enseignants dans l’usage de nouvelles technologies dans le cadre du programme colombien “Computadores para educar”. Nous avons choisi la comparaison de ce programme avec des programmes similaires au Mexique afin de comprendre les réussites et les obstacles des programmes selon les contextes et les stratégies menées dans chaque terrain.
Cette partie empirique a été divisée en trois sous-parties. La première est en rapport avec la méthodologie : les questions de recherche, les choix méthodologiques, les démarches de la recherche sur le terrain et la description de la population concernée. La deuxième sous-partie décrit les visites de terrain : étude descriptive et narrative des observations et entretiens de chaque école visitée. La troisième sous-partie concerne l’analyse : classement des catégories, mise en réseau, analyse de résultats et finalement une partie destinée aux conclusions générales de l’étude empirique a été développée.
6.1. Questions de recherche
1.Quelle organisation interne a été adoptée par les écoles bénéficiaires des programmes concernant l’usage des TICs?
2.Quels obstacles ont été rencontrés lors de la mise en place des programmes?
3.Quelles réalisations ont été développées dans les écoles des programmes?
4.Dans quelle mesure le recours aux technologies de l’information suscite des changements dans l’enseignement? Selon les programmes d’éducation en TICs et selon les contextes?
5.Pourquoi le travail en TICs est-il important dans l’éducation de base, prioritairement dans les écoles primaires d’Amérique Latine (Mexique et Colombie)?
(a)Quel est le rôle des TICs dans les différentes communautés?
(b)Quel est le rôle de l’école?
6.2. Méthodologie
En termes théoriques et d’instruments pour identifier les caractéristiques des contextes des écoles et les perceptions des acteurs, nous avons fait les choix méthodologiques suivants :
6.2.1 La Recherche Exploratoire
C’est une méthode flexible et qualitative. Elle a pour but “d’examiner un ensemble de données afin de découvrir quelles relations peuvent y être observées, quelles structures peuvent y être construites. Elle cherche à voir quels énoncés pourraient être formulés à propos d’un objet problématique”(VAN DER MAREN, 1996) . La problématique abordée dans cette recherche est “l’usage éducatif des TICs dans le contexte latino-américain (le Mexique et la Colombie)” en utilisant comme première source d’information les perceptions des auteurs et les observations sur le terrain.
L’efficacité d’une recherche inductive exige, d’une part “que le chercheur ait examiné un ensemble d’énoncés et des inscripteurs qui ont déjà été appliqués dans le domaine de l’objet problématique”(VAN DER MAREN, 1996) afin de produire de nouveaux apports à la connaissance de l’objet. D’autre part, “la préparation d’une collecte de données et leur analyse imposent un cadre conceptuel minimal”(VAN DER MAREN, 1996). Ainsi donc, nous avons commencé par la documentation à propos des programmes et la formulation d’hypothèses à partir de notre expérience de deux ans de travail de terrain dans le programme CPE en Colombie. Suite à la recherche, ces énonces initiaux ont été modifiés et adaptés aux résultats. Notre but a été de confronter l’usage de TICs dans des écoles de différentes caractéristiques spatiales et socio-économiques de deux pays de l’Amérique Latine.
Nous avons sélectionné cette méthode car nous voulions approfondir dans les perceptions et dans les réalisation des auteurs dans des réalités concrètes. C’est pourquoi les donnes recueillis à partir des entretiens et des observations réalisés méritent un analyse plus sémantique que quantitatif. Nous remarquons aussi que cette orientation se limite à comprendre et à communiquer un phénomène de la réalité, en s’approchant le plus de perceptions et de pratiques des sujets d’étude.
6.2.2 Etude de cas
L’étude de cas est définie par VAN DER MAREN comme une discipline qui “tente de mettre en évidence des traits généraux, sinon universels, à partir de l’étude détaillée et approfondie d’un seul cas”(VAN DER MAREN, 1996). Nous avons choisi neuf cas précis, de neuf écoles des deux pays.
En effet, nous trouvions pertinente l’analyse d’applications concrètes pour fournir des informations sur une problématique de l’éducation en général et sur “le rapport de l’éducation aux individus et aux cultures particulières”(VAN DER MAREN, 1996). Nous avons pris en compte différentes disciplines pour le cadre conceptuel, tels que l’histoire, l’éducation, l’ethnographie, etc. et nous avons été multimodales dans la sélection de techniques de collecte de données.
A la lumière de WELLINGTON (2003) “une étude de cas est un examen détaillé d’une mise en place, ou d’un sujet particulier, ou d’un ensemble de documents, ou d’un évènement particulier.
Notamment en mettant l’accent sur l’unité” (WELLINGTON, 2003) , le problème apparaît lorsque nous voulons faire des généralisations, car le contexte reste inhérent à la conceptualisation de l’objet d’étude. “Les opérations qui peuvent s’effectuer dans l’étude d’un cas, ou d’un ensemble de cas peuvent se ressembler superficiellement dans un échantillon de toute une population dans laquelle des sens ou des relations peuvent s’appliquer, seront essentiellement une question de jugement.”
WELLINGTON divise les études de cas en trois types: le premier, “the intrinsic case study”, « le cas d’étude intrinsèque », le deuxième type, “The instrumental case study”, soit le « cas d’étude instrumental » et le troisième type “the collective cas study”, le « cas d’étude collectif ». Nous avons
dévelopé la troisième option, vu que notre étude prend en compte différents cas avec des caractéristiques similaires, tels que les écoles publiques, bénéficiaires d’au moins un programme national en TICs, parlant l’espagnol et en gardant une histoire commune de conformation de pays latino-américains.
L’étude de cas reprend certains éléments de l’ethnographie, dont “les faits sociaux sont des accomplissements pratiques”(MUCCHIELLI, 2004). Les données sont recueillies à partir d’observations de terrain, dont “il s’agit de montrer à niveaux d’analyse variés comment une structure se construit”(MUCCHIELLI, 2004). Nous avons choisi comme terrain l’univers de neuf écoles au Mexique et en Colombie et nous avons reconstruit la manière dont les TICs ont étés introduits dans les établissements et analysé leur usage jusqu’à maintenant, en prenant en compte les caractéristiques des contextes et les réprésentations des acteurs.
6.3. Les techniques:
6.3.1 L’entretien
“Il s’agit d’une forme de communication établie entre deux personnes qui ne se connaissent pas, ayant pour but de recueillir certaines informations concernant un objet précis”(GRAWITZ, 1990) .
Pour se différencier du langage courant, l’entretien précise des critères de rigueur dans la préparation et l’application de la technique, ainsi qu’une attitude d’écoute, afin de stimuler l’engagement et l’expression. Pour VAN DER MAREN, le type d’informations visées dans l’entretien sont “les perceptions, les états affectifs, les jugements, les opinions, les représentations des individus, à partir de leur cadre personnel de référence et par rapport à des situations actuelles…L’entrevue cherche à préserver l’expression des contradictions, des tensions, des conflits, etc…”(VAN DER MAREN, 1996).
Nous avons choisi les entretiens non directifs, c’est-à-dire l’intermédiaire entre le questionnaire et la conversation, avec des questions ouvertes préparées avec anticipation, mais adaptées à la conversation et au contexte des interlocuteurs. “La liberté de l’enquêteur est ici réduite. La formulation, le nombre de questions, leur ordre s’imposent à l’enquêteur. En revanche, l’enquête conserve une certaine marge de liberté dans la meure où les questions posées sont des questions ouvertes, laissant toute latitude au sujet pour exprimer sa position en la précisant et en la nuançant”(LOUBET DEL BAYLE, 1989).
Les questions posés s’inscrivent dans le plan de la recherche et fournisent de répones et d’éléments d’analyse pour les cinq questions de recherche. L’application de cette technique cherchait de connaître la subjectivité des acteurs, leurs perceptions concernant les programmes mis en place et leurs valorisations de l’usage de Tics dans l’éducation, en respectant leurs propres cadres de référence et leur langage.
6.3.2 L’observation – participation
“Celle-ci implique que l’observateur participe, c’est-à-dire qu’il soit accepté au point de s’intégrer dans le groupe, de se faire presque oublier en tant qu’observateur, mais en restant présent en tant qu’individu”(GRAWITZ, 1990) . Une intégration complète peut générer un perte d’objectivité et une prise de parti, mais si l’observateur reste très visible, le risque est de “provoquer dans le groupe des comportements que sans lui, n’auraient pas eu lieu ou se seraient produits différemment”(LOUBET DEL BAYLE, 1989) . Dans notre cas, l’observation d’un maximum de trois jours n’était pas suffisante pour réaliser une intégration totale. Le principal obstacle a été la manière comme nous étions présentés dans les écoles. De temps en temps, nous arrivions avec les autorités locales d’éducation et nous étions présentés aux élèves et aux enseignants dans des réunions publiques.
Dans ces occasions, les enseignants changeaient leur comportement car ils se sentaient évalués.
Nous avons vécu aussi l’expérience d’un enseignant du Chiapas qui nous a laissé avec les élèves et il n’a pas fait de cours.
“Ce qui distingue l’observation scientifique de la simple impression est le fait d’être recueilli de façon systématique”(GRAWITZ, 1990). Nous arrivons à l’institution et dès que les observations étaient possibles nous confrontions les pratiques scolaires avec les questions de recherche et le plan de travail. Cependant, nous enregistrions aussi des éléments représentatifs que nous n’avions pas pris en compte auparavant.
6.4. Analyse de resultats
6.4.1 Analyse comparative
L’analyse comparative consiste «à rechercher les différences et les ressemblances existant entre les situations qui font objet de la comparaison, en interprétant la signification de ses ressemblances et de ses différences et en essayant de découvrir à travers elles des régularités »(GRAWITZ, 1990).
Nous voulions comparer l’usage de TICs dans différents contextes, mais involontairement sont apparus d’autres différences que nous n’avions pas prévues, par exemple la différence entre les cycles d’enseignement. Nous avions prévu de visiter seulement des écoles primaires, mais sur le terrain, les responsables des programmes nous ont également facilité l’accès aux écoles maternelles et secondaires. En Colombie, une école rurale travaille avec un système de formation unique : « école neuve », dont un seul enseignant prend en charge des élèves d’âges et de niveaux différents dans une même salle de classe.
« Pour que les enseignements fournis par l’analyse comparative soient validés, il faut que la comparaison porte sur des phénomènes ou des situations comparables. L’analyse comparative ne peut être valablement utilisée que si les situations choisies pour la comparaison portent un degré d’analogie »(GRAWITZ, 1990) . Pour permettre la comparaison dans notre travail, nous avons pris en compte trois catégories dans chaque pays : les écoles urbaines, les écoles rurales et les écoles indigènes, en sélectionnant au moins une de ces écoles pour chaque pays visité.
6.4.2 L’analyse de contenu
L’analyse de contenu a été utilisée pour l’interprétation de documents textuels (carnet de voyage et transcription d’entretiens). L’intérêt d’utiliser cette analyse est de permettre “l’explicitation des sens qui y sont contenus et/ou les matières dont ils parviennent à faire effet de sens…Leurs méthodes reposent sur des opérations plus purement idéales qui s’exercent soit sur les éléments d’un document soit sur un ensemble de doccuments”(MUCCHIELLI, 2004). Parmi ces opérations intellectuelles, nous avons choisi : la catégorisation, la mise en contexte et l’interprétaion à partir de grilles.
À partir des entretiens, des récits et du matériel audio-visuel recueilli lors des visites sur le terrain, nous avons fait une analyse de type thématique afin d’identifier les caractéristiques des pratiques scolaires et les représentations de la réalité sociale des acteurs. Par ailleurs, les procédures utilisées
ont été d’analyse catégorielle (en classant les catégories à partir des questions de recherche et des résultats obtenus) et d’analyse évaluative (en observant la fréquence des jugements formulés par le locuteur, la direction des jugements).
Nous utilisons les catégories à la lumière de GRAWITZ, entendues comme « les rubriques significatives, en fonction desquelles le contenu sera classe et éventuellement quantifié. Lorsque il s’agit d’un matériel obtenu par une enquête, ces catégories à l’avance forment un code »(GRAWITZ, 1990). Elles constituent le cadre d’analyse et la séléction des données. Suite à la mise en place des catégories, nous avons élaboré un diagramme en réseau et finalement nous avons procédé à l’analyse.
6.5. Materiel annexe
Concernant cette partie de la recherche, vous trouverez dans les annexes les documents suivants :
1.Une synthèse de la période pré-colombienne et de l’indépendence des deux pays.
2.La grille des entretiens et des observations.
3.Evidences photographiques des visites de terrain.
6.6. Démarche pour la recherche de terrain
6.6.1 Le Mexique
Avant de voyager au Mexique, nous avons contacté l’ancien directeur du programme UNETE Rafael FERNANDEZ FLORES. Il nous a mis en relation avec le groupe actuel des coordinateurs.
Dès notre arrivée à Mexique D.F, nous avons été invités aux réunions directives pour comprendre les démarches du projet et pour établir des liens avec les coordinateurs de technologie éducative des autres Etats. Deux coordinateurs nous ont aidé dans le contact des écoles. La docteur. Maruca RUIZ nous a mis en relation avec l’association de dames qui mène l’école de la ville du Mexique et avec le secrétaire d’éducation de la municipalité de Malinalco. Le docteur. Jorge Luis TORRES nous a aidé avec le contact de la responsable de la dépendance de Technologie éducative de l’Etat de Monterrey et avec le directeur de l’école de Chiapas.
Dès l’arrivée aux municipalités identifiées, nous avons contacté la personne recommandée par les coordinateurs. Celle-ci nous a accompagné à l’école et nous présentait au directeur et aux enseignants ; ensuite, nous commencions les observations et les entretiens. La période définie pour rester dans chaque école était de trois jours, mais pour des problèmes de logistique, dans toutes les écoles, il n’a pas été possible d’accomplir cet objectif. Par exemple, à Mexique D.F, nous sommes allés seulement une fois, pour des problèmes de transport. Au Chiapas nous sommes restés trois jours mais le troisième jour les observations ont été perturbées par une coupure d’électricité et par les préparatifs d’un événement culturel. Dans le cas de Monterrey et de Malinalco, nous avons réussi à réaliser le travail sur les trois jours prévus.
6.6.2 La Colombie
Nous avons contacté avant le voyage le coordinateur du programme par l’université Distrital Carlos SANCHEZ. Lors de notre voyage, il nous a invité dans une rencontre nationale du programme CPE dans la ville de Barranquilla. Dans la rencontre, étaient présents des intervenants étrangers, des représentants des écoles de tout le pays, ainsi que les coordinateurs des six universités qui appartiennent au programme de « Computadores para Educar ». Il nous a mis en relation avec une des coordinatrices générales du projet Angela NOCUA et elle nous a présenté au public dans une réunion de coordinateurs.
Nous avons parlé avec des coordinateurs de quatre universités de différentes départements et nous nous sommes mis d’accord pour qu’ils nous aident à contacter les écoles. Ensuite, par communication téléphonique et à partir des visites aux bureaux des universités nous avons obtenu les coordonnées des enseignants des écoles à contacter. Finalement nous sommes convenus des dates pour les visites avec les enseignants.
En Colombie, nous n’avons pas réussi à faire une visite de trois jours consécutifs dans aucune école pour des problèmes divers. En autres, nous avions choisi initialement quatre écoles dans quatre départements différents, mais nous avons eu finalement cinq écoles au total. Lors de la visite au département du Meta, la visite à l’école de la municipalité de Guamal a été perturbée par des coupures d’électricité, donc nous avons utilisé le contact d’autres enseignants qui avaient participé aux rencontres nationales pour visiter l’école de Castilla la Nueva, qui était à proximité. Le dernier jour de la visite à l’école de Bogota a été interrompue par une réunion de maîtres. La visite de l’école d’Antioquia a été marquée par l’absence d’un enseignant qui nous était assigné pour le dernier jour. Finalement, au Cauca dans les deux derniers jours les élèves n’ont pas eu de cours réguliers à cause de la participation de l’école à un rituel indigène.
6.7. La population concernée par l’étude
Nous avons choisi des écoles avec des caractéristiques contextuelles différentes pour mettre en évidence les contrastes des programmes selon les populations. Donc, nous avons choisi par pays au moins une école rurale, une école urbaine et une école indigène. A partir des situations, des contextes et des contacts reussis nous avons visité les écoles suivantes :
6.7.1 Au Mexique
Deux écoles urbaines, une école maternelle de la banlieue de Mexique D.F, une école primaire de la banlieue de Monterrey.
Une école primaire rurale de la municipalité de Malinalco dans l’Etat de Mexique.
Une école primaire indigène dans la municipalité de Tenejapa dans l’Etat de Chiapas.
6.7.2 En Colombie
Une école primaire urbaine à Bogota.
Trois écoles rurales. Deux écoles primaires dans le département du Meta, une école maternelle et primaire dans le département d’Antioquia.
Une école indigène de la maternelle jusqu’à la terminale dans la municipalité de Caldono-Granadillo dans le département du Cauca.
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