Pour réaliser les entretiens, comme écrit précédemment, nous avons pu contacter un directeur de foyer en semi-liberté.
Un jour par semaine, les résidents et le directeur font un repas en commun et débattent sur des thèmes divers.
Le directeur a présenté notre démarche aux résidents pour voir s’ils étaient d’accord d’entrer en matière. Le sujet que nous leur proposions a suscité un vif débat.
La semaine suivante, nous avons été invitées à leur repas.
Le directeur a fait en sorte que nous puissions nous présenter, comprendre et décrire notre démarche.
Il a demandé également aux résidents, s’ils nous trouvaient trop curieuses.
Pour animer le repas, il s’est également appuyé sur certaines de nos questions et chacun de nous a pu exprimer quelques idées sur l’affectivité et la sexualité.
Pour finir, le directeur a demandé confirmation aux résidents s’ils étaient toujours d’accord de nous rencontrer pour un entretien individuel.
Nous avons profité de ce moment pour signer les documents d’informations et engagement de confidentialité ainsi que notre engagement éthique réciproque.
Pour respecter la confidentialité, chaque personne s’est trouvé un prénom, un surnom fictif de son choix. Une personne a opté pour son surnom juste avant l’enregistrement de l’entretien.
Nous avons envoyé plusieurs dates par courrier électronique. Puis les résidents, nous ont téléphoné pour prendre rendez-vous. Ils ont choisi un jour qui leur convenait.
Finalement, nous avons effectué quatre entretiens.
Pour ce travail, nous avons fait le choix de faire un résumé de situation de chaque personne ainsi que des courts instants de leur vécu.
Woody a la cinquantaine. Il vit actuellement en semi-liberté. Il a été marié et a des enfants. Il ne mentionne pas la durée de la peine qu’il a effectuée sans liberté, mais il estime qu’il a été très longtemps en prison. Il ne dit pas non plus l’acte répréhensible qu’il a commis.
Lors des visites, c’est surtout ses parents et son frère qui sont venus.
En prison, il se dit réconcilié avec Dieu.
Il ne peut pas comprendre qu’il existe des relations affectives ou sexuelles entre hommes. Il trouve cela choquant, mais il ne condamne pas les personnes qui vivent une relation homosexuelle.
Il est un fervent défenseur des parloirs intimes pas seulement pour les personnes qui sont mariées ou qui ont des compagnes, mais également pour les personnes qui n’ont pas de relation stable à l’extérieur. Il pense que cela diminuerait la violence interne que chacun peut éprouver lorsqu’on est enfermé.
A l’heure actuelle, il voit de temps en temps mais régulièrement une femme.
Charles a plus de trente-cinq ans, il vit en semi-liberté. Il a une femme et des enfants.
Il ne parle pas de la raison de son incarcération. La détention lui a permis de faire des choix quant à la conduite qu’il souhaitait adopter lors de sa sortie.
Charles fait une différence entre l’affectivité et la sexualité.
La visite de ses proches et de ses enfants lui suffisait pour avoir des moments affectifs, rien que de toucher les cheveux de ses enfants, par exemple, lui procurait de la joie.
Se tenir à côté d’un homme pour lui, n’est absolument pas la même chose que la proximité d’une femme, les émotions éprouvées sont totalement différentes.
Il a demandé de vivre seul dans une cellule.
Aujourd’hui, dit-il : « l’incarcération m’a permis d’apprendre à rester fidèle ».
Doe est âgé de plus de vingt ans. Il vit en semi-liberté. On peut deviner que très jeune, il a été condamné à la prison. Il dit de lui-même : « en rentrant j’étais un jeune con, en sortant j’avais muri ». Lors de son entrée, il était célibataire.
Il s’est, le plus souvent, arrangé pour rester seul soit pour manger etc. malgré le fait qu’ils étaient quatre dans une même cellule. Il n’a jamais fait la demande de vivre seul, malgré qu’il ne veuille pas trop se mêler aux autres détenus.
Il a, par exemple, donné des cigarettes à d’autres prisonniers plus pour « avoir la paix ».
Les seuls échanges affectifs importants pour lui, il les vivait lorsque sa famille (parents, sœur) venait lui rendre visite.
Aujourd’hui, il a une copine.
Raphael a la quarantaine. Il vit en semi-liberté. Il parle librement de son délit et de son parcours de détenu. Il mentionne également les prisons où il a purgé sa peine.
Lorsqu’il est rentré en prison, il était considéré comme un homme fort par les autres détenus.
Lors de sa première incarcération, il avait une amie. Au départ, elle lui rendait régulièrement visite, puis elle a pu dire à Raphael qu’elle avait une relation avec un autre homme. Raphael était bien conscient qu’il ne pouvait pas lui demander de l’attendre.
Il aime séduire et il ne peut pas concevoir un échange affectif par le toucher, comme des massages ou autre, avec un autre homme.
Les échanges entre hommes pour lui sont virils, une tape sur l’épaule suffit pour montrer qu’il apprécie l’autre.
Les moments de fous rires lorsqu’il travaillait à l’atelier ont été extrêmement importants pour lui.
Aujourd’hui, il garde une certaine méfiance pour aborder ses instants d’incarcération avec les femmes qu’il rencontre.
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