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7)c. Hommes tournés en dérision

Miyazaki semble s’amuser à montrer les faiblesses des hommes par rapport aux femmes, qui les fascinent. Les personnages masculins semblent apprécier, d’une certaine façon, la puissance des femmes. Elles les effraient mais leur paraissent alors idéales, inaccessibles. Miyazaki accentue cette impression en tournant les hommes au ridicule face aux femmes, insistant ainsi sur les défauts des hommes quand ils se retrouvent face aux femmes. Miyazaki semble montrer que les femmes sont peut-être plus à même d’être dans des positions d’autorité que les hommes. Cette impression est confirmée lorsque l’on analyse certaines scènes opposant les attitudes des hommes et celles des femmes.

Un exemple est une scène extraite de Princesse Mononoké, montrant Gonzo et Dame Eboshi, lors de la première discussion avec Ashitaka. Cette scène met en évidence la différence entre l’attitude de Dame Eboshi et celle de son second, qui est l’homme caricaturé ici. Le comportement de Gonzo paraît ridicule face au comportement de Dame Eboshi. Dans cette scène, Ashitaka est venu à la demande de Dame Eboshi. Celle-ci est en train de faire les comptes et de décider des quantités de fer qui seront expédiées pour être vendues le lendemain. Gonzo se trouve près d’elle, aidant les femmes qui réceptionnent le fer à porter les paquets. Ashitaka accuse Dame Eboshi d’utiliser le fer pour créer des armes destructrices. Lorsque celle-ci lui demande d’où il vient, Ashitaka refuse de répondre. Gonzo grogne, fait un geste vers son épée et lui crie : « Réponds à la question de Madame !»

Comme nous pouvons le voir sur cette image, l’attitude de Gonzo est totalement opposée à celle de Dame Eboshi. Celle-ci est assise très calmement. Pendant qu’Ashitaka lui disait qu’il ne lui répondrait pas, elle continuait d’écrire, impassible. Gonzo semble penser qu’Ashitaka manque de respect à sa supérieure. Mais son attitude est bien exagérée, comparée au calme de Dame Eboshi.

Gonzo est à plusieurs reprises tourné en ridicule par les femmes du village, comme nous avons pu le constater précédemment : lorsque Toki, l’une des femmes du village, le traite de paresseux et l’accuse de n’avoir rien fait pour sauver ses hommes. Dans une autre scène, les femmes du village, regroupées autour de Dame Eboshi avant son départ pour un combat, se moquent à nouveau ouvertement de lui, le traitant d’idiot, lui disant qu’il est incapable de protéger Dame Eboshi.

Le personnage de Gonzo est similaire à celui de Kurotawa dans Nausicaä de la vallée du vent : dans l’ombre d’une femme de pouvoir, sa supérieure, belliqueux, souvent tourné en ridicule par un comportement agressif et démesuré. Kurotawa est cependant beaucoup plus antipathique, admirant ouvertement sa supérieure de façon inappropriée, paresseux, mesquin. Gonzo quand à lui, est montré seulement comme un homme à l’apparence puissante, mais en réalité soumis à l’autorité et aux ordres qui lui sont donnés, sans réelle ambition ou prétention au pouvoir.

Miyazaki caricature cette admiration qu’ont les hommes pour les femmes puissantes, mais aussi pour n’importe quelle femme : leur présence semble faire ressortir leurs défauts et les rendre risibles. Nous découvrons donc souvent des hommes aux caractéristiques viriles caricaturées, à travers des scènes de démonstration de force, ou montrant leur timidité, servilité, soumission….

Sur l’image ci-dessus, extraite d’une scène du Château dans le ciel, nous voyons Pazu et son patron face aux pirates, protégeant Sheeta. Leur posture est typique du mâle protecteur : le dos droit, le torse bombé, les poings serrés. Ils cherchent à intimider leurs adversaires. Pazu imite son patron au geste près, de façon comique.

Nous voyons ici l’un des pirates, montrant ses muscles, jusqu’à en faire sauter les boutons de sa chemise (image de gauche) : l’image est caricaturale, montrant le ridicule des hommes cherchant à savoir qui est le plus fort. La scène ne montre en réalité aucun réel affrontement physique ; en effet les hommes vont simplement faire des démonstrations de force, ce qui accentue le caractère amusant de cette scène. La seconde image à droite montre le patron de Pazu suivant ce jeu de démonstration de force physique.

Ces mêmes pirates « effrayants » sont ensuite dépeints comme des enfants face à l’autorité maternelle : leur mère, Dora, les poussant sans arrêt à lui obéir et surtout, les affublant de sobriquets loin d’être flatteurs, tels que « crétin dégénéré», « imbécile », etc.
Lorsque Sheeta monte à bord de leur vaisseau et leur prépare à manger, les pirates tombent tous « amoureux » d’elle. Bien qu’elle ne soit qu’une jeune adolescente, ces hommes sont tellement intimidés et intrigués par les femmes, étant sans doute très ignorants, qu’ils deviennent timides devant une jeune fille. Cette situation permet de les montrer sous un jour particulièrement moqueur : ils se cachent pour aller la voir, rient bêtement, font tous la cuisine à sa place, croyant au départ simplement l’aider. Mais celle-ci, rusée, profite un peu de leur bonne volonté et leur naïveté et tous finissent par travailler pour elle.

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