Le comportement des pirates face à leur mère nous permet de constater les divers rapports entre les mères et leurs enfants dans les œuvres. Comme nous l’avons vu, Dora est une mère relativement dure avec ses fils, les insultant, les dirigeant sans cesse. Elle correspond ainsi à un modèle de mère possessive, autoritaire, qui n’est pas sans rappeler la mère japonaise qui a le besoin de contrôler la vie de son fils, notamment sa vie amoureuse. Les pirates redeviennent des enfants face à elle, sont complètement soumis à ses souhaits. Leur mère les « démasculinise », les empêche de grandir vraiment ; même si elle prétexte être obligée de tout contrôler parce-que ses fils sont idiots.
Yûbaba, la sorcière dans Le Voyage de Chihiro, est à l’opposé de Dora en ce qui concerne le rapport avec l’enfant. Extrêmement puissante, comme nous l’avons découverte dans l’une des scènes analysées précédemment, elle révèle une nouvelle facette, celle de la mère, dans la seconde partie de cette même scène.
En effet, le personnage change brusquement à un moment précis de la scène. La sorcière passe d’un personnage terrorisant à un personnage à son tour terrorisé. En effet, le bébé de la sorcière se réveille tout à coup. Nous ne le voyons pas encore dans cette scène, mais entendons ses pleurs. Le visage de Yûbaba change soudain d’expression, passant de la méchanceté envers Chihiro à une vraie peur. Elle se dirige vers le rideau donnant sur la chambre de l’enfant, qui se met alors à casser meubles, et murs, à faire voler livres et feuilles. Yûbaba se cache derrière le rideau mais il devient apparent que face à son enfant, la sorcière n’a plus aucun pouvoir.
Sa voix et ses expressions changent également : celle-ci se fait mielleuse, douce. Yûbaba est en fait une mère –malgré son âge- terrorisée par les caprices de son enfant et qui en est l’esclave. Elle n’est plus puissante face à son enfant, mais une vraie mère poule, aux petits soins pour son fils et répondant à ses moindres désirs. Ce changement de situation permet de voir le personnage de Yûbaba comme un personnage plus complexe qu’au premier abord, puisque parallèlement à sa toute puissance dans le petit monde surnaturel dans lequel a été propulsée Chihiro, elle se retrouve esclave d’un bébé. Mais cette faiblesse permet de lui redonner un peu d’humanité, lui apporte un côté sympathique, sans lequel son personnage aurait été entièrement négatif.
Yûbaba est donc une mère esclave de son enfant, contrairement à Dora, qui rend plutôt ses fils esclaves d’elle-même.
Entre ces deux opposés, nous retrouvons des mères plus distantes : par exemple, la mère de Chihiro, qui semble assez effacée et peu proche de sa fille, ou la mère de Sophie, dans le Château ambulant, qui se désintéresse de sa fille et préfère s’acheter de beaux vêtements ou voyager.
Lisa est un autre modèle de mère, son rapport avec son fils est encore différent. Elle semble très proche de lui, a plus un rôle de grande sœur que celui d’une mère.
Elle a en effet un rapport atypique avec son fils : il l’appelle « Lisa » ; elle l’amène à l’école, mais ne l’accompagne pas, partant travailler de suite. Elle laisse une grande part d’indépendance à son fils, qui est pourtant très jeune. Lorsqu’elle est triste, en colère contre son mari, elle réagit de façon impulsive, irréfléchie, ne veut plus faire à manger, s’ouvre une bière ; puis elle part s’allonger sur son lit pour pleurer, comme une enfant. C’est son petit garçon qui vient la consoler.
Lisa est tout de même une vraie mère pour Sôsuke, qui voit en elle une figure d’autorité. Quand il parle d’elle à Ponyo, il dit : « Ma mère est grande et belle, mais elle peut être terrifiante. » Ponyo lui répond : « La mienne aussi ». Ici, les mères sont les figures d’autorité, et non les pères.
Malgré son côté puérile, impulsif, têtu, elle est tout de même très maternelle et affectueuse, recueillant Ponyo et la nourrissant comme sa fille ; elle accepte également à la fin du film de l’adopter, afin que Ponyo puisse rester auprès de Sôsuke.
Page suivante : 8) Des femmes aux qualités viriles
Retour au menu : L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI