La faillite d’une institution bancaire implique un coût global plus important que les coûts individuels de la faillite d’une entreprise d’un autre secteur, et cela en raison de deux caractéristiques essentielles du secteur financier : l’importance de la confiance et la véritable interdépendance des établissements financiers.
Il existe un problème d’information du côté des déposants : l’information relative à la performance future d’un établissement financier est difficile à obtenir pour les déposants « non avertis ». En raison des faibles montant qu’ils déposent, ils n’entreprennent en général pas d’examen approfondi (et parfois couteux) pour obtenir des informations supplémentaires.
Dès lors qu’une rumeur concernant les difficultés d’un établissement voit le jour, les déposants peuvent à tort perdre leur confiance en celui-ci et se précipiter chez l’établissement en question pour y retirer leurs fonds (22)(les files d’attente devant Northen Rock en septembre 2007 fut le signe de la fragilité du système). Les clients d’autres institutions financières aux bilans similaires peuvent alors également perdre leur confiance et agir de la même façon. La panique bancaire déclenchée constitue donc une source d’instabilité pour le système bancaire dans son ensemble. Alors que le coût individuel de la faillite apparait peu élevé, le coût global en résultant peut se révéler considérable par un phénomène de contagion.
Si la crise relevait simplement d’un problème de confiance, celui-ci pourrait facilement être résolu par l’action d’une banque centrale fournissant les liquidités manquantes à l’établissement concerné. Les banques des pays développés ne s’effondrent pas en raison d’un seul problème de liquidités, mais en raison de l’interdépendance qui les lie. Les banques se prêtent entre elles, mais si l’une n’est pas capable de rembourser sa dette, celle-ci devient une créance irrécouvrable pour l’autre ce qui nuit à la solvabilité de cette dernière.(23) En raison de l’interconnexion des banques, les actifs toxiques se répandent rapidement à travers l’ensemble du système bancaire. Le moment crucial de la crise bancaire fut quand l’importante banque américaine Lehman Brothers fut laissée à la faillite : le reste du système financier suivit peu après puisqu’un an plus tard survient l’incident Northern Rock.
Cette crise de confiance généralisée risque en outre de mettre un terme aux prêts interbancaires amenant une crise des liquidités (« liquidity squeeze ») qui peut elle-même déboucher sur une crise de solvabilité. En effet, le marché interbancaire ne fonctionnant plus, les institutions financières sont dans l’obligation de vendre une partie de leurs biens avec pour conséquence la chute des prix de ces actifs. Ces diminutions des prix entrainant des pertes, les banques tentent alors de se désendetter afin de limiter l’impact sur leur ratio de solvabilité (24). Sont ainsi illustrées les conséquences que peut engendrer le comportement d’une banque, sur l’ensemble des marchés financiers.
Ainsi les externalités négatives (la confiance et l’interdépendance) présentes dans le secteur financier pourraient justifier une intervention étatique. La défaillance d’un établissement bancaire créée de plus des externalités transfrontalières dans un marché fortement intégré comme l’Union européenne. La faillite d’une banque dans un pays, peut rapidement conduire à celle d’une banque d’un autre pays en raison des relations croisées qu’entretiennent leurs bilans (25).
Enfin, le coût global d’une faillite bancaire est considérable car cela entraîne une perte d’investissements irrécupérables dans la relation établie avec le client. En effet, quand un établissement financier et une entreprise ont instauré une relation solide, l’accès au crédit est plus facile puisque l’entreprise partage plus d’informations, ce qui permet en retour à la banque un meilleur examen du risque (26). Or les faillites ont pour effet de mettre un terme à ce type de relation privilégiée.
Mais surtout, la faillite bancaire peut se révéler dramatique car contrairement aux autres secteurs, elle affecte l’ensemble de l’économie : pas un pan de l’économie n’échappe aux conséquences d’une crise bancaire.
22 Competition and the Financial crisis OCDE, p.4-5 Op. cit.
23 LYONS Bruce, Competition Policy, Bailouts and the Economic Crisis, , School of Economics and the ESRC Centre for Competition Policy, University of East Anglia, p.4, disponible sur : http://ssrn.com/abstract=1367688.
24 BECK, COYLE, DEWATRIPONT, FERIXAS,p.12 Op. cit.
25 MATEUS A.M, « The current financial crisis and state aid in the EU», European Competition Journal, Volume 5, numéro 1, p.2, 2009.
26 KAMERBEEK Sjoerd, European State Aid Policy in the Financial sector, Utrecht, 2010, disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1634544
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