La ségrégation qui désigne étymologiquement l’action de mettre à part, de séparer,
apparaît dans le domaine scientifique avec W. Burgess et l’école de Chicago. Ce terme a
évolué et n’est toujours pas figé dans une définition. Il est traité par différentes disciplines des
sciences sociales.
Les causes de ségrégation seraient dues à des « motifs socio-économiques (classes
sociales défavorisées mises à l’écart du reste de la ville, etc.), démographiques, ethniques ou
raciales » (FULLAONDO, 2007, p.3). Bien souvent, la ségrégation est perçue comme « ayant
une connotation fortement péjorative » (BOURDON, 1996, p. 204) et générerait des
problèmes entre individus. C’est un processus de division sociale et « de répartition spatiale
des groupes sociaux et des individus ». (LEVY et LUSSAULT, 2003, p.830). Ce phénomène
positionne habituellement les immigrés en tant que victimes. La ségrégation « implique à la
fois un mouvement de rejet, d’exclusion, qui peut même prendre des formes légales ; et un
mouvement d’agrégation qui réunit les semblables » (BRUNET, 1993 p.450). L’agrégation
traduit les liens immédiats qu’ont les nouveaux arrivants avec leurs semblables, leur
permettant ainsi de commencer à s’intégrer.
C’est pourquoi, des avantages de la ségrégation sont mis en avant tels que la proximité
spatiale vue comme une aide dans la création de réseaux sociaux, d’accès à l’emploi et au
logement par le biais de ces réseaux qui améliorent les conditions de vie (FULLAONDO,
2007). Burgess « montrait que la ségrégation est une composante normale de la vie urbaine et
que dès lors qu’elle est socialement acceptée et qu’elle ne produit pas de l’enfermement, elle
est une ressource pour les habitants, puisqu’elle leur permet de se mouvoir et de vivre au sein
de mondes largement séparés » (BACQUE, LEVY, 2009, p.345). Par conséquent, la
ségrégation peut se percevoir comme une forme d’intégration(4) (MARTINEZ ARANDA,
2005). Nous pouvons donc trouver des aspects positifs à la ségrégation même si ce concept
renvoie à un éventuel renfermement communautaire et à des interactions cloisonnées entre les
différents groupes ethniques.
De plus, le phénomène de ségrégation peut s’identifier par le regroupement de façon
habituelle d’un groupe reconnaissable (genre, âge ou origine). Certains utilisent d’ailleurs le
terme de ségrégation résidentielle pour parler de situations montrant une sur-représentation
d’une communauté localisable dans une zone précise de la ville (FULLAONDO, 2007).
Par ailleurs, analyser les conséquences de la ségrégation permet de comprendre les
représentations sociales des individus entre eux, et donc, d’essayer d’évaluer la
discrimination(5). Par conséquent, c’est un concept majeur dans notre recherche pour tenter de
savoir si les interactions entre habitants de quartiers multiculturels sont révélatrices de mise à
distance de certains groupes d’individus et si nous avons à faire à une mise à l’écart de
populations ou à la formation d’un aspect de la multiculturalité.
Nous reviendrons sur ce concept pour parler des politiques publiques. Pour l’instant,
nous allons distinguer des zones de Séville en fonction de la visibilité et de l’importance en
termes de nombre d’individus de certains groupes ethniques.
4 Nous reviendrons sur la définition d’intégration dans la partie B du chapitre II.
5 La discrimination désignerait la « faculté à faire des distinctions dans la vie sociale aux dépens de
certains groupes, qui sont jugés inacceptables par la majorité », car ils ne respecteraient pas « les normes
sociales». La discrimination peut être fondée sur la race, la religion, l’origine nationale ou la culture. Cette
définition serait adaptée aux sociétés occidentales dans un souci d’égalité mais ne conviendrait pas aux sociétés
fondées sur les différences de statut ou de caste où ce concept apparaîtrait comme « neutre, descriptif, dépourvu
de la connotation péjorative que nous lui connaissons dans nos sociétés » (BOURDON, p.73). Quand à la
discrimination positive, elle désigne « des mesures qui consistent à aider ceux qui subissent un handicap
(économique, social, physique, etc.) ». (DORTIER, 2004 p.157).