Dès la fin des années 70, un mouvement de nature politique se crée pour prendre la direction des syndicats, jusqu’alors aux mains de grands propriétaires terriens. Un travail de formation est réalisé par les mouvements ecclésiastiques de base pour permettre aux leaders paysans d’assurer la gestion de ces syndicats.
Dans un deuxième temps, un certain nombre de projets productifs sont mis en place, avec l’appui d’ONG. Ce mouvement, à travers le renforcement de certaines organisations, crée une demande de politiques publiques agricoles (appui conseil, crédits, régulation foncière,…). Pour y répondre, des lignes de crédit dédiées à l’agriculture familiale sont mises en place.
À partir de 1990, des structures de négociation entre la société civile et les différents niveaux gouvernementaux apparaissent, comme les conseils municipaux de la santé et de la sécurité alimentaire. Pendant cette période, plusieurs organisations fédératives se créent comme la Fetagri (STTR) et l’AOMT-BAM (organisations de femmes), puis dans un second temps, le Ceft–Bam (centre de formation intégrant une grande partie des organisations de l’ouest du Para) et la Mopebam (organisations de pêcheurs). Ces organisations mènent de nombreuses actions communes et jouent rapidement un rôle de représentant des organisations de bases auprès des pouvoirs publics.
En 1997, un forum de la production familiale de Santarém puis plus tard de l’ensemble de l’ouest du Pará, se met en place sur l’initiative de la Fetagri. Un des objectifs importants est d’organiser la foire annuelle de la production familiale. Cette foire est destinée à faire la promotion des produits de l’agriculture familiale à travers la création de liens commerciaux entre les producteurs et les entrepreneurs locaux, ainsi qu’à travers la formation des producteurs et la qualification des productions pour le marché.
Les organisations de la société civile se regroupent au sein d’un forum pour discuter les différentes démarches et coordinations à réaliser. Un appui occasionnel est apporté par le Sagri et quelques Emater.
Rapidement, ce forum devient également un espace de discussion pour concevoir un plan intégré alternatif de développement du Baixo Amazonas, le projet « Tucumã » (Annexe 2). Y est prévus la mise en place de projets de financement de productions, d’éducation, de communication, de santé, d’infrastructures et de commercialisation. L’élaboration de ce plan ne sera pas achevée et ne fera l’objet d’aucune diffusion. Cependant, un certain nombre de projets qui ont été ébauchés à cette occasion se retrouvent dans les orientations de certaines organisations de la société civile. Ce processus a ainsi néanmoins permis de faciliter la mise en place des politiques de développement territorial.
Il faut préciser que la plupart des dirigeants syndicaux ou d’autres organisations présentes dans le mouvement social(3) ont un niveau de scolarité ne dépassant que rarement le secondaire. Leur auto-formation s’est effectuée à travers les officines, les différents cours et par la lutte pour leurs droits, appuyée par les ONG ou par des organisations de travailleurs, comme la CUT (Centrale Unique des Travailleurs).
Le capital humain (développement de compétence, échelle individuelle) reste faible ce qui entraîne, malgré le développement d’un capital social qui est assuré par la coordination entre dirigeants des organisations, une difficulté pour l’organisation générale et l’élaboration d’une stratégie claire. On peut ainsi considérer que le capital institutionnel reste limité dans la situation actuelle.
Les cours et les formations offerts, en nombre limité, bénéficient surtout à un groupe restreint de dirigeants. Ce mouvement de formation n’atteint pas encore la base des agriculteurs qui restent peu formés, ce qui rend la structuration et l’organisation, à ce niveau, difficiles. Le développement récent d’écoles en milieu rural laisse espérer des progrès substantiels dans ce domaine.
Une grande partie des responsables du gouvernement de l’État et du gouvernement fédéral appartient aux mouvements sociaux (Parti des Travailleurs). La plupart des leaders syndicaux, une fois expérimentés et formés, aspirent à être élus. Cette tendance a réduit la dimension contestatrice et revendicative du mouvement syndical. Elle a pour conséquence, certes une plus grande implication dans les processus de décision, mais aussi une adhésion souvent inconditionnelle aux politiques gouvernementales, aux dépens d’une défense stricte des travailleurs.
3 Un mouvement social désigne toute action collective visant à changer les comportements et/ou les institutions en un sens favorable à un groupe actif et organisé. On parlera donc de mouvements sociaux pour qualifier toute action collective revendicative visant à transformer l’ordre social existant (Neveu 1996).