Communiquer, du latin communicare, signifie « être en relation avec ». La ville est un organe de communication, qui diffuse des messages. Crieurs publics, vendeurs de journaux, distributeurs de tracts, colleurs d’affiches : autant de fonctions qui n’ont vraiment de sens qu’en ville. La parole circule d’une fenêtre à l’autre, dans les cafés, dans la rue, que Pierre Sansot définit comme « couloir », là où la rumeur naît et s’amplifie. Pour Pierre Sansot, l’apostrophe est le propre de l’habitant urbain, de l’habitué de la rue, et la parole libre de la rue est un « langage de la liberté (17) ». C’est donc ce discours croisé, faite des paroles fragmentées des badauds et des récits anciens des noms de rues et statues, qui donne forme et corps à l’espace urbain.
La ville se construit autant avec des pierres et des briques qu’avec des récits, conversations, rumeurs ou flux contrôlés d’informations. Le discours dominant, par sa puissance et sa cohérence, n’est pas celui du peuple mais celui du pouvoir, d’abord politique et religieux, et de plus en plus capitaliste et commercial. Les moyens d’expression se mélangent et se brouillent, puisque les villes, instances politiques, se dotent de logos, et que les multinationales financent des projets d’art public. Voix des pierres, voix des images, idéologie et capitalisme emplissent l’espace public, au point qu’on peut se demander si l’on peut encore s’entendre sur l’agora.
17 Pierre Sansot, Poétique de la ville, p. 178
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