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§3- L’ERIKA

ADIAL

Certaines zones sont très logiquement réputées dangereuses. En raison de l’intensité du
trafic (300 000 navires par an) la Manche constitue une zone particulièrement critique.
Compte tenu de sa médiatisation, l’ERIKA restera pour longtemps la catastrophe la plus
traumatisante aux yeux de nombreuses personnes.

A- Les faits

Le 12 décembre 1999, un pétrolier battant pavillon maltais, affrété par la société Totalfina,
l’Erika, transportant 30 000 tonnes de fioul lourd, se brise au large des cotes sud ouest de la
Bretagne.
L’intégrité du littoral atlantique français sera souillé par une marée noire dont les
conséquences se font encore sentir de longues années après.
Ce naufrage présentera sans doute un seul mérite : celui d’avoir accéléré la prise de
conscience qu’un certain nombre de dérives du transport maritime ne peuvent plus durer
Seul point positif : les bénévoles se sont levés en masse, l’opinion publique a démontré son
attachement au patrimoine naturel, patrimoine en copropriété universelle envers qui les
menaces de destruction ne cesse de croître en ce début de 21eme siècle.
Ce patrimoine naturel n’avait pas, au moment du drame, la place qu’il aurait du avoir dans
le droit international :les plus optimistes faisant confiance à la soi-disant biodégradabilité
des éléments pollueurs, d’autres se demandant plus simplement le tarif nécessaire pour
réparer l’atteinte à la biodiversité (tout cela avant la directive de 2004 et la loi de 2008 sur
la réparation du dommage écologique) .
Mais tous savaient que certains dommages occasionnés par des produits dangereux étaient
irréparables.
Cependant, en dépit des nombreuses marées noires dont elle avait été victime, la France
n’avait toujours pas réussi à faire reconnaître le principe du pollueur-payeur au niveau
international ou européen.
Plus précisément, au niveau maritime, il y avait en France aucune autorité chargée de la
politique de la mer, de sa défense, de sa promotion économique. Seul le bord de mer et son
potentiel économique attisait alors l’appétit des élus de tous bords.
Ce qui va devenir « l’affaire ERIKA » va forcer les politiques à se préoccuper davantage
des questions de protection de l’environnement, et ce de diverses manières.

B- Les recommandations du conseil économique et social

A l’époque de la catastrophe, le transport maritime était régi par une réglementation
internationale foisonnante mais dont l’application était exclusivement à la charge des Etats
(C’est l’Etat dit « du pavillon » qui pouvait déléguer aux sociétés de classification).
Il existait une confusion qui, additionnée à l’opacité de la chaîne logistique (poussée à la
caricature dans l’affaire Erika) favoriser l’irresponsabilité et le laxisme.
Le Conseil économique et social, « est une assemblée constitutionnelle consultative placé
auprès des pouvoirs publics ; Par la représentation des principales activités économiques et
sociales, le Conseil favorise la collaboration des différentes catégories professionnelles
entre elles et assure leur participation à la politique économique et sociale du
Gouvernement ».
Ainsi, il examine et suggère les adaptations économiques ou sociales rendues nécessaires
notamment par les techniques nouvelles. Plusieurs avis de cet organisme, adoptés dans un
rapport du 29 mars 2000 montrent que certaines réformes s’imposaient :
– Confirmer le principe du pollueur payeur
– Relever le plafond du FIPOL
– Faire adopter une directive européenne reconnaissant la responsabilité
environnementale et le principe de précaution.
– Associer les sociétés d’assurance et les P&I à la prévention des risques.
Ces recommandations sont très importantes car elles reprennent traits pour traits les
grandes lignes de notre travail.
Le rapport pointera également du doigt les trop nombreuses défaillance du système, et
notamment « des institutions nombreuses, cloisonnées insuffisamment tournées vers la
recherche appliquée ».
Les avis du conseil parleront également d’une « grande oubliée », en mentionnant la
réparation écologique.
Les responsables concluront leur travail en insistant sur le besoin de développer la
prévention et de confirmer le principe du pollueur-payeur.

Aussi, la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire a examiné la
sécurité du transport maritime pétrolier, conformément à la saisine adressée par le Bureau
du Conseil économique et social. La section a constaté :
– Qu’il existe une abondante réglementation mais que celle-ci est souvent peu ou pas
appliquée
– Que les contrôles sont nombreux mais pas toujours fiables ;
– Que les conditions de concurrence favorisent les navires sous-normes et les
pavillons de complaisance ;
– Que l’organisation du secteur conduit à une déresponsabilisation des différents
acteurs.
Pour éviter les marées noires à répétition, la section a choisi de privilégier la prévention et
la recherche de l’efficacité des mesures.
À partir de cette préoccupation, le Conseil économique et social préconisa la mise en place
de sanctions véritablement dissuasives, une plus grande fiabilité des contrôles,
l’harmonisation des réglementations.
Cela passera par certaines mesures :
– Le relèvement substantiel des normes de construction et d’entretien ainsi que de la
qualité des conditions d’exploitation des navires.
– L’organisation de la transparence en ce qui concerne les intervenants du secteur,
l’état du navire, la nature des cargaisons
– Une action forte de responsabilisation de tous les acteurs de la chaîne du transport
maritime.
– La transparence des informations et l’implication financière des acteurs (instrument
indispensable de cette responsabilisation).
– Que soit engagée une réflexion pour permettre aux systèmes d’assurance de jouer
un rôle actif dans la prévention des sinistres(3).

Ainsi, compte tenu de la date de ce conseil, et sans aller jusqu’à reconnaître à ses membres
d’éventuels dons de voyance, on peut mettre en avant le rôle précurseur du conseil dans de
nombreux domaines tel que la prévention, la reconnaissance des grands principes du droit
de l’environnement, et on ne peut nier l’influence de ce travail dans les plus hautes sphères
dirigeantes, et ce jusqu’au sommet que représente la directive Européenne de 2004 sur la
réparation des dommages écologiques.
Nous étudierons ultérieurement la suite qui fut donnée à ces recommandations (section 2),
tout comme l’issu et les conséquences juridiques du procès de l’Erika (section 3).

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