Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

§ 1 – Hypothèses de codécision

ADIAL

Quelle personne revêt la qualité de souscripteur susceptible d’arbitrer ? Existe-t-il une faculté
de forcer le souscripteur à arbitrer ou l’en empêcher ? Des situations juridiques (autres que
celles découlant de conventions) où le souscripteur verrait restreinte l’étendue de ses droits ?

A/ Le souscripteur et son conjoint commun en biens

L’hypothèse sujette à questionnements est celle où existe une communauté de biens entre les
époux, quel qu’en soit le périmètre. (A défaut, point de règles de rapport, de pouvoirs, chacun
est maître de son patrimoine dans la mesure où il « contribue aux charges du mariage 85»,
qu’importent ses choix de gestion de patrimoine ou ses dépenses.)
La provenance des fonds, deniers communs ou deniers propres, possède une incidence sur la
question.
A supposer le contrat souscrit avec des fonds propres au souscripteur, la question du pouvoir
ne se pose pas86. Tout au plus peut-il être conseillé de rédiger une clause de remploi de fonds
propres dans le corps même du contrat d’assurance afin d’éviter que les fonds ne soient
présumés communs.
Dans le cas contraire, par exemple si les fonds versés au titre de la prime sont issus d’un
compte bancaire joint, qui détient le pouvoir d’arbitrer ? Est-il nécessairement propre au
souscripteur ou partagé ?
Les règles du droit civil offrent le pouvoir à chacun des époux communs en bien de souscrire
librement un contrat sans le consentement de l’autre, en raison du principe de la libre
administration des biens de la communauté, et de la libre disposition de ses revenus. Les
règles peuvent-elles être identiques pour la faculté d’arbitrage ? Le problème de pouvoir
dépend de la qualification de l’acte envisagé : les actes de disposition exigent un accord du
conjoint commun en biens, tandis que ce n’est pas le cas pour un acte d’administration.

Pour dessiner à gros traits la distinction entre les deux types d’actes sur le patrimoine
commun, administrer, c’est gérer, disposer, c’est vendre. La cession des fonds sous-jacents
aux unités de comptes opérée du fait de l’arbitrage, et l’acquisition de nouveaux fonds
effectuée en conséquence, sont-ils des actes de disposition ? Cette qualification doit être
écartée dès lors que l’on aura compris que ces opérations n’affectent que le patrimoine de
l’assureur et non celui du souscripteur. Même si un « mauvais » choix d’arbitrage risque de
diminuer la valeur de la prestation d’assurance, c’est un moindre revenu qui sera affecté à la
communauté matrimoniale au terme du contrat, mais l’arbitrage n’opère pas en soi de
diminution du patrimoine commun.
Rappelons par ailleurs que l’arbitrage n’emporte pas novation du contrat. Arbitrer étant
exécuter une faculté prévue conventionnellement, et non l’occasion de conclure un contrat
d’assurance vie d’une nouvelle sorte, il est inutile, pour analyser les pouvoirs liés à l’acte
d’arbitrage, de s’intéresser à l’analyse de ceux des conjoints au regard de la souscription d’un
tel contrat.
Le principe de gestion concurrente, énoncé à l’article 216 du Code civil, prévoit que les époux
peuvent librement gérer les biens communs (et l’on admet donc que chacun puisse souscrire à
son nom un contrat d’assurance même si les primes sont alimentées par des fonds dépendant
de la communauté). A fortiori, l’époux souscripteur du contrat détiendra le pouvoir d’arbitrer
seul entre les unités de compte.

B/ La co-souscription

La co-souscription recouvre la situation où deux personnes, deux époux dans le cas qui nous
intéresse, se portent chacun souscripteurs d’un même contrat, le dénouement intervenant
généralement au décès du premier d’entre eux. L’avantage d’une telle formule au terme en cas
de décès permet de contourner la règle posée par la jurisprudence Praslicka87 selon laquelle,
au décès de l’époux non souscripteur, la moitié de la valeur du contrat peut être réintégrée à
l’actif successoral. En termes de pouvoirs, dans l’hypothèse de la co-souscription, les deux
époux devront alors gérer ensemble le contrat.
Un acte d’arbitrage peut-il être effectué par l’un seul des époux contractants ? Ou l’accord des
deux sera-t-il exigé ? Chaque souscripteur détient tous les droits issus du contrat, chaque
souscripteur étant titulaire, notamment, de la faculté de rachat, donc a fortiori de celle
d’arbitrer.
En tout état de cause, il serait préférable que le contrat définisse exactement les pouvoirs de
chacun et aménage les modalités de preuve du consentement de l’un et de l’autre, de telle
sorte que les intéressés comme l’assureur ne puissent voir leur responsabilité engagée faute
d’avoir respecté les pouvoirs respectifs des époux.

C/ Le contrat d’assurance vie en démembrement

Avant d’envisager la solution en termes de pouvoirs, précisons que cette situation découle
souvent d’un effort d’optimisation patrimoniale, l’une des qualités de l’usufruit consistant en
son extinction au décès de l’usufruitier (donc sans l’application de droits de mutation).
Qui, de l’usufruitier du contrat et du nu-propriétaire, détient le pouvoir d’arbitrer ? Le
détenteur de la faculté de rachat, de la faculté de désigner le bénéficiaire, comme le sort de la
créance détenue contre l’assureur, du produit du rachat, devront être indiqués au contrat, faute
pour la loi ou les principes régissant le démembrement de propriété d’y apporter des solutions
suffisamment certaines. Ce sera également le cas de la faculté d’arbitrage. En l’absence de
précision contractuelle, il conviendra de considérer que l’usufruitier disposant du droit
d’usage, exercera les facultés internes au contrat et arbitrera naturellement.

D/ Le contrat d’assurance-vie en indivision

Imaginons le cas d’un souscripteur ayant conclu un contrat d’assurance vie multisupport sur la
tête d’autrui. Le décès du souscripteur ne met pas un terme au contrat, lequel se poursuit en
principe entre les mains de ses héritiers, qui détiennent tous droits et sont tenus de toutes les
obligations au titre du contrat. A défaut de partage, les héritiers revêtent donc la qualité de
souscripteurs indivis du contrat.
Or, l’article 883 du Code civil prévoit, à la sortie de l’indivision, que « chaque cohéritier est
censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui
échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession » mais
par dérogation impose l’opposabilité aux coïndivisaires de tous les actes valablement
accomplis en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire, qui conservent leurs effets
quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet
Qui, en cours d’indivision, détient le pouvoir d’arbitrer au contrat, à défaut d’un tel mandat ?

E/ Le cas particulier de l’assurance vie collective : souscripteur et adhérent

Les contrats d’assurance vie peuvent revêtir la forme de contrats de groupe, comme le prévoit
le Titre 4 du Code des assurances. L’article L141-1 du Code dispose qu’ « Est un contrat
d’assurance de groupe le contrat souscrit par une personne morale ou un chef d’entreprise en
vue de l’adhésion d’un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat,
pour la couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine […] ». Soulignons ici
que le souscripteur est un groupement : plusieurs associations ouvertes d’assurés offrent des
contrats d’assurance vie multisupports. Sont-ce ces associations qui habilitées à opérer des
arbitrages, ou bien les adhérents, qui semblent porter le risque financier ?
Les textes normatifs ne résolvent pas la question, dont le recours au critère du risque financier
devra donc présider à la solution, à moins que la distribution des rôles de chacun ne s’y
oppose.
Qui est débiteur de la prime ? Au sens de l’article L 112-1, seul de souscripteur est tenu du
versement de la prime à l’assureur. Au- delà de ce principe, la doctrine se divise quant à la
charge de cette dette de prime, qui pourrait être transférée à l’adhérent quand le souscripteur
n’est qu’un simple “collecteur”88 des primes, et eu égard au lien direct qui autorise l’assureur à
exclure un adhérent faute de prime (L 141-3).
Qui est habilité à modifier les termes du contrat ? L’article L 141-1 apporte une solution à
cette question en énonçant que le souscripteur (l’association) renégocie les modifications et
les impose à l’adhérent moyennent un préavis de trois mois minimum et au risque de le voir
dénoncer son adhésion en raison de ces modifications (alinéa 3). Compte tenu des
développements précédents, il apparaît qu’une modification contractuelle – comme celle des
supports offerts à l’arbitrage – sera négociée, contractualisée par le souscripteur et imposée à
l’adhérent, mais que l’arbitrage entre les unités de compte figurant d’ores et déjà au contrat ne
sont pas concernées par ces dispositions, faute de revêtir la qualité d’une modification de
l’économie contractuelle.
Quels sont les pouvoirs du souscripteur au regard de l’adhérent ? Le législateur a, là encore,
précisé que « […] le souscripteur est, tant pour les adhésions au contrat que pour l’exécution
de celui-ci, réputé agir, à l’égard de l’adhérent, de l’assuré et du bénéficiaire, en tant que
mandataire de l’entreprise d’assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit […] »
(Article L141-6). Le souscripteur sera habilité à recevoir les ordres d’arbitrage de l’adhérent,
en sa qualité de mandataire de l’assureur, sauf si on a préalablement informé celui-là (selon
les règles prescrites à l’article A 141-1) qu’il n’en a pas le pouvoir. C’est donc avec le
souscripteur que l’adhérent formalisera les avenants modificatifs d’allocation, le cas échéant.

87 Cour de cassation, 1è Civ., 31 mars 1992, Pourvoi n° 90-16.343, Arrêt n° 513
85 Article 214 du Code civil
86 Article 225 du Code civil

Retour au menu : L’ARBITRAGE ENTRE SUPPORTS DANS LES CONTRATS D’ASSURANCE VIE EN UNITES DE COMPTE