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A – Un devoir général d’information et de conseil

ADIAL

Ce devoir d’information et de conseil est un devoir général c’est-à-dire qu’il concerne toutes les personnes qui participent à la mise en place du contrat. Il pèse donc aussi bien sur les intermédiaires, souscripteurs d’assurances de groupes que sur les assureurs eux-mêmes.

Les manquements reprochés peuvent être de diverses natures.

On a pu voir précédemment que les obligations légales d’information, nombreuses en matière d’assurance vie, prêtent le flanc aux plaintes des souscripteurs. La faute sera caractérisée dès lors qu’un document ou une information prévus par loi, n’auront pas été remis.

Cependant ce devoir va au-delà de la simple notion d’obligation légale. Ainsi, peut être sanctionné le manquement à une obligation de mise en garde ou de conseil. La jurisprudence a même pu parler d’ « obligation générale d’information ». Dans ce cas, celle-ci sera appréciée en référence du comportement de tout bon professionnel avisé. En ce qui concerne les conseils ou mises en garde ponctuels qui doivent être fournis au souscripteur, la charge de la preuve pourra être amenée à peser sur l’assureur.
Plus précisément, il incombera à l’assureur de prouver que le conseil ou la mise en garde a bien été donné ; ce sera ensuite éventuellement au preneur d’assurance de prouver que ce conseil ou cette mise en garde n’était pas pertinent(e). L’obligation de l’assureur continue donc d’être une obligation de moyens. Voir notamment deux arrêts de la 1ère et 2ème chambre civile des 7 mars 1989 (RGAT 1989, 649) et 30 juin 2004 (RGDA 2004, 991).

La difficulté est alors de définir le périmètre de cette obligation. En assurance-vie, l’enjeu porte autant sur le plan assurantiel de l’opération (quel montant de prime, quel bénéficiaire, à quelle échéance) que sur ses conséquences fiscales notamment dans le cas où l’assurance vie réalise une donation indirecte.
Un arrêt de cassation rendu le 2 juin 2005 par la 2ème Chambre Civile semblait exclure du champ de l’obligation d’information les conséquences fiscales. Ainsi l’information et le conseil ne porteraient que sur le contrat proprement dit.

Cette solution critiquable et critiquée aurait pour conséquence de détacher l’assureur de la finalité réelle recherchée par son souscripteur et de le cantonner à la fourniture d’un simple contrat.
Selon la Cour de cassation, concernant cette espèce, les considérations fiscales « excèdent le cadre de l’opération d’assurance ». C’est vite oublier que l’assurance vie, si bien distinguée du domaine de l’assurance « non vie » est loin d’être une simple opération d’assurance.

Le professeur Luc MAYAUX fait d’ailleurs remarquer à juste titre que la formule est empruntée à un autre arrêt mais qui concerne, quant à lui, le domaine de l’assurance non vie (arrêt de la 1ère Chambre Civile du 2 juillet 2002). Celui-ci ne parvient pas à justifier une telle distinction entre l’information sur le contrat et l’information sur ses conséquences fiscales, la seconde étant indissociable de la première.
Les faits de l’espèce justifiaient d’autant plus une information complète que la libéralité devait être réalisée entre un tiers qui avait payé la prime , et le souscripteur.

La mise en œuvre de cette responsabilité se heurte néanmoins à une difficulté pratique.
Ce n’est pas tant le manquement lui-même que le lien causal qui est difficile à prouver.
Il faudra alors que le preneur d’assurance prouve que sans un tel manquement, il aurait agi différemment.

Le meilleur moyen semble de distinguer plusieurs catégories de souscripteurs, selon leur âge, leur profession ou leur niveau d’études.
Ainsi, le médiateur de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (dans son rapport annuel pour 2002) a pu constater une pratique récurrente consistant à faire souscrire des contrats « retraite » à des personnes proches de la retraite ou déjà en retraite, la finalité pour l’intermédiaire étant bien évidemment de percevoir une commission.
Le souci d’instaurer une réelle déontologie dans la profession pousse aujourd’hui les assureurs à surveiller ce type de souscription.
Mais ne sont pas seules concernées les personnes à un âge avancé. La Cour d’Appel de Lyon a pu relever un manquement au devoir général de conseil concernant un petit épargnant auquel on avait fait souscrire « un placement risqué ne répondant pas à ses besoins et à son profil dans un contexte financier perturbé ».
Et réciproquement, il sera difficilement accordé à un souscripteur averti la possibilité de se plaindre du conseil qui lui aura été fourni. En ce sens M. FABRE-MAGNAN a pu écrire : « Il est évident que si le prétendu créancier d’une obligation d’information connaissait l’information ; il n’y a pas d’obligation d’information. Il n’y a en effet lieu d’informer que celui qui ne connait pas une information. » (« De l’obligation d’information dans les contrats : essai d’une théorie », LGDJ, 1992, n°252). Dans une espèce de ce genre (CA Paris du 29 octobre 2002), la Cour d’Appel s’appuyait notamment sur des comportements d’ordre patrimonial en observant chez le plaignant « une répartition judicieuse des capitaux ».

Cependant d’autres motivations peuvent amener le preneur d’assurance à faire des choix qui ne lui seront pas les plus bénéfiques financièrement parlant. C’est notamment le cas en matière de désignation du bénéficiaire au contrat.
En effet l’acceptation du bénéfice de l’assurance vie permet à son bénéficiaire de s’opposer à tout rachat que voudrait exercer le souscripteur. Si ce dernier n’a pas été informé de ce détail, peut-il arguer du fait qu’il n’aurait pas procédé à cette désignation ?
Même si « nul n’est censé ignorer la loi », une réparation pourra être demandée à l’assureur qui aurait mésinformé son client si la faute est avérée.
En ce sens, Le TGI de Belfort dans une décision du 23 mars 1999 (RGDA 1999, 400), a refusé aux assureurs le bénéfice de ce dogme « alors qu’il leur appartenait d’éclairer le souscripteur sur la conséquence de ses actes ».
En outre qu’en est-il du souscripteur qui, en toute connaissance de cause, aurait tout de même procédé à la désignation mais n’en aurait pas informé le bénéficiaire afin de ne pas se voir opposer un refus au rachat ? Ici le préjudice subi est plus difficilement quantifiable. En réalité, tout dépend du comportement du bénéficiaire à l’égard du souscripteur. Celui-ci peut être conciliant et consentir à des rachats partiels périodiques. Mais il peut aussi, dans un contexte familial difficile, faire obstacle à de tels rachats.
Dans les deux hypothèses, le montant du préjudice n’est donc jamais égal à la somme totale espérée par le souscripteur au dénouement du contrat. Le TGI de Belfort a pu affirmer, dans sa décision évoquée précédemment, que ce montant s’apparenterait « tout au plus à la perte de chance de retrouver la libre disponibilité de l’intégralité de son capital ».

Cela nous amène à la conclusion selon laquelle la mise en jeu de la responsabilité civile de l’assureur n’est pas aussi efficace que la faculté de renonciation car limitée à une perte de chance. L’article 1382 du Code civil est alors à réserver aux cas où l’information omise n’est pas énumérée par la loi comme une information susceptible d’entrainer une prorogation de la faculté de renonciation dans l’éventualité où elle ne serait pas délivrée.
Ainsi l’information sur la désignation du bénéficiaire, qui doit figurer dans l’encadré prévu par la loi du 25 décembre 2005, est sanctionnée par cette prorogation de la faculté de renonciation. Néanmoins, l’information sur les conséquences de cette désignation, qui devra être délivrée de manière personnalisée sous forme de mise en garde (notamment pour un souscripteur évoluant dans un contexte familial conflictuel), n’est pas une information formalisée et pourra faire l’objet d’une mise en jeu de la responsabilité de l’assureur.

L’article 1382 du Code civil vient véritablement suppléer les dispositions de la loi de 2005 ; le contrôle du juge n’est donc pas à négliger.
Nous allons d’ailleurs observer l’importance de ce contrôle à travers quelques décisions importantes rendues en la matière.

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