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A : Le détour antérieur par la notion de faute lourde élargie.

ADIAL

102. Antérieurement à l’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996, l’éviction des clauses limitatives de responsabilité s’opérait par la faute dolosive ou la faute lourde du débiteur. En effet, en combinant la formule de l’article 1150 du Code civil, qui fait du dol une exception à la règle selon laquelle « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus lors du contrat » avec le principe traditionnel d’assimilation de la faute lourde au dol, les juges ont pu faire obstacle à l’application de très nombreuses clauses. Ce moyen d’éliminer ces dernières est devenu d’autant plus efficace que la faute lourde n’a cessé de voir son domaine s’étendre. En effet, comme nous l’avons étudié précédemment, si la jurisprudence est partie d’une conception subjective de ce type de manquement (analyse morale de la gravité des actes du débiteur), elle a enrichi son approche en adoptant une conception objective (centrée sur l’obligation essentielle). Ainsi, dans un arrêt de la première Chambre civile du 18 janvier 1984 , la Cour de cassation a déclaré qu’ « en raison du caractère essentiel de l’obligation inexécutée et de la gravité des conséquences possibles du manquement constaté, celui-ci s’analysait en une faute lourde ». C’est donc indirectement, par le truchement de la faute lourde, que l’obligation essentielle du contrat était utilisée comme moyen d’éviction des clauses limitatives de responsabilité. En d’autres termes, le manquement à l’obligation essentielle n’était qu’un symptôme parmi d’autres de la faute lourde .

103. Cette construction avait l’avantage de maintenir une véritable cohérence dans le fondement de l’éviction de la clause litigieuse car l’article 1150 du Code civil se situe dans une section IV traitant des dommages et intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation. Or la faute lourde, c’est à dire la déviation, se produit en exécutant le contrat. C’est très certainement pour cette raison que la Cour de cassation a pendant longtemps rattaché le concept d’obligation essentielle à la notion de faute lourde.

104. Cependant, la Cour de cassation a marqué la volonté de se départir de cette position traditionnelle et de lui substituer une solution différente. En effet, déjà dans un arrêt de la première Chambre civile du 23 février 1994 , la Cour de cassation marquait une étape nouvelle dans l’utilisation de la notion d’obligation essentielle du contrat comme moyen d’écarter les clauses litigieuses. Les juges ont estimé que la seule constatation d’un manquement à l’obligation essentielle suffit à justifier la mise à l’écart de la clause invoquée par le défendeur pour échapper à sa responsabilité. Ils renoncent donc au détour par la notion de faute lourde. Toutefois, si cet arrêt est précurseur, c’est essentiellement l’arrêt Chronopost qui a marqué l’émancipation de l’obligation essentielle vis à vis de la faute lourde, laissant à cette dernière un rôle amoindri dans l’éviction des clauses litigieuses.

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