L’analyse que nous venons de mener avait pour but de déceler l’impact négatif et positif des chocs extérieurs sur l’ajustement budgétaire au Rwanda. Elle aura permis de montrer que tout au long de la seconde moitié des années 1970, les chocs extérieurs ont été bénéfiques à la gestion budgétaire dans ce sens qu’ils ont permis l’amélioration des recettes fiscales prélevées sur le commerce extérieur en général et celle des recettes publiques totales en particulier.
Grâce aux chocs extérieurs généralement favorables, le budget ordinaire de l’Etat a été excédentaire presque chaque année malgré la croissance relativement rapide des dépenses publiques. De l’autre côté, un environnement économique international favorable a été dangereux du fait qu’il aura entraîné la prépondérance des impôts indirects sur le commerce extérieur dans les recettes publiques ainsi que la forte dépendance de la fiscalité rwandaise vis-à-vis de l’extérieur.
Cependant, notre analyse aura montré qu’un retournement des tendances a eu lieu tout au début des années quatre-vingt. En effet, ce retournement a été symbolisé par l’instabilité budgétaire due à la fluctuation des termes de l’échange en général et à celle des cours mondiaux du café en particulier. A l’intérieur du pays, l’analyse aura prouvé que les effets négatifs de ces chocs extérieurs ont été aggravés par l’effondrement du secteur minier et la dégradation de la production d’exportation.
Tous ces facteurs se sont conjugués pour provoquer l’instabilité des impôts indirects perçus sur le commerce extérieur, alors que ceux qui sont prélevés sur l’activité intérieure ont toujours été marqués par un faible développement. De ce fait, il en découle l’instabilité des recettes et celle des dépenses publiques.
En outre, notre analyse aura montré que l’expansion des dépenses budgétaires enregistrée dès le début des années quatre-vingt fut toujours le résultat du caractère temporaire du boom caféier des années soixante-dix. Aussi, l’accroissement des dépenses qui en découle a provoqué la fluctuation de l’équilibre budgétaire jusqu’en 1983, année au cours de laquelle la politique restrictive en matière des dépenses a été mise en place (xxxiv).
Malgré cet effort, l’analyse vient de démontrer que la fluctuation a continué jusqu’en 1987, année pendant laquelle les difficultés budgétaires ont été aggravées par une forte détérioration des termes de l’échange, par celle des cours des principaux produits d’exportation en général et du prix du café en particulier, par la dégradation du secteur minier ainsi que par le faible développement de la fiscalité tournée sur l’activité intérieure.
Depuis lors, le budget rwandais est entré dans une situation de crise sans précédent dans ce sens que, malgré la chute des recettes publiques, les dépenses avaient toujours accusé continuellement une croissance. Cela a conduit à des déficits budgétaires importants et pour les financer, l’Etat a été toujours obligé de recourir de plus en plus à l’endettement, avec comme conséquence l’alourdissement de la dette et l’accroissement du service de la dette publique.
C’est dans l’optique de faire face à cette situation de crise aiguë que traversait l’économie rwandaise en général et les finances publiques en particulier que les autorités rwandaises ont tardivement décidé de prendre des mesures de redressement et de relance économique avec comme objectif de comprimer les dépenses publiques et de réformer la fiscalité afin d’atténuer l’impact négatif de la fluctuation des recettes fiscales.
Toutefois, avant que ces mesures n’entrent en action pour produire des effets tangibles, l’analyse aura prouvé que le budget rwandais a été également déstabilisé par la guere d’octobre 1990. En réalité, suite à cette guerre, les recettes publiques ont continué à fluctuer alors que les dépenses publiques avaient toujours accusé une expansion rapide en raison de l’accroissement des dépenses militaires.
Cependant, c’est au cours de cette période de guerre que le Programme d’Ajustement Structurel (P.A.S.) a été mis en place, avec comme objectif au niveau des finances publiques, de renforcer la politique budgétaire restrictive par la réforme du système fiscal et d’améliorer la programmation des dépenses publiques en vue de diminuer le déficit budgétaire (38).
Par contre, bien que cet objectif budgétaire prévoie la baisse des dépenses publiques et la hausse des recettes publiques et plus spécialement celles qui sont prélevées sur l’activité tournée vers l’extérieur, l’analyse aura prouvé que la réalisation de cet objectif a été contrecarré par les effets négatifs de la guerre d’octobre 1990.
En définitive, malgré la politique restrictive en matière des dépenses publiques mise en place en 1983; malgré les mesures d’assainissement et de relance économique renforcés par celles de redressement économique prises en novembre 1989 et malgré les mesures préconisées par le P.A.S.; force est de constater que le budget rwandais continue à accuser un déficit croissant.
A moins que des mesures correctrices ne soient prises, le Rwanda resterait confronté à un énorme problème de financement en raison de la progression des dépenses et de la lenteur du développement des recettes imputables aux facteurs extérieurs difficilement contrôlables.
L’on peut convenir qu’il n’est pas facile d’introduire des réformes surtout dans un domaine aussi sensible que celui de la gestion budgétaire. Il semble cependant que les circonstances actuelles ne favorisent pas une telle entreprise (la guerre, le multipartisme, …). Quoiqu’il en soit, la réussite exige la mise au point d’une stratégie de réforme. Une telle stratégie doit se fonder sur une compréhension en profondeur des causes des difficultés actuelles que l’on vise à résoudre.
La présente analyse devra donc être comprise comme une contribution, sans doute modeste, à la nécessité pressante de repenser à l’ajustement budgétaire au Rwanda. Elle aura permis de mettre en lumière (à travers l’analyse de l’évolution des dépenses publiques et celle des recettes générées par le commerce extérieur et par l’activité intérieure), les difficultés que connaît l’ajustement budgétaire au Rwanda compte tenu des différents chocs extérieurs.
Nous n’aurons pas la prétention d’avoir analysé exhaustivement ce vaste problème; de nombreux aspects qui méritaient un approfondissement ont été seulement survolés. Nous pensons cependant avoir essayé de relever l’un des traits les plus importants de l’ajustement budgétaire au Rwanda, à savoir que les recettes publiques reposent sur les bases imposables étroites pour ce qui est de la taxation directe et sur les bases étroites et incertaines en ce qui concerne la taxation indirecte.
Un tel système ne pourra évidemment pas générer les ressources dont le pays a besoin pour financer de nombreux programmes de développement, à moins de subir une profonde restructuration. Toutefois, les objectifs de cette restructuration seraient de s’assurer un volume suffisant de recettes publiques.
Cependant, nous avons voulu indiquer tout au long de notre analyse, quelques solutions qui pourraient déjà être explorées. La recherche doit alors se poursuivre afin d’embrasser tous les aspects de l’exercice et, dans la mesure du possible, celle-ci devra limiter ses investigations tant au niveau des recettes qu’à celui des dépenses publiques afin d’identifier les postes sur lesquels l’Etat pourrait réaliser les économies.
Bref, vu que l’impact des chocs extérieurs sur l’ajustement budgétaire au Rwanda a été amplifié par les effets de la guerre d’octobre 1990, nous nous permettons d’affirmer sans aucun doute que le retour à la paix, le redressement et la reconstruction économiques d’après guerre,entraîneront certainement la stabilité des dépenses en général et la réduction des dépenses militaires en particulier.
En définitive, leur conjugaison avec la restructuration de la fiscalité directe et indirecte permettra de résoudre les problèmes liés à l’ajustement budgétaire au Rwanda, tout en atténuant l’impact négatif des chocs extérieurs sur les recettes et les dépenses publiques en général et sur l’ajustement budgétaire en particulier.
38 MINIPLAN, “Document-cadre de la politique économique”, Kigali, 1991, p. 8.
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