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CHAPITRE II : L’économie des festivals : au coeur des enjeux du développement territorial et culturel ?

Non classé

Introduction : « Industrie » ou « fièvre » festivalière ? entre esprit de fête et rentabilité

– Fièvre festivalière : esprit de fête ou morosité

Comme nous venons de le voir dans le premier chapitre, pour la vie culturelle et l’image de marque des villes et régions, les festivals sont devenus incontournables.

En 30 ans, le nombre de festivals en Europe s’est multiplié par quinze. La France est elle aussi plongée dans ce que certains médias aiment appeler « la fièvre festivalière »*. Dès l’arrivée du printemps et que les directeurs de festivals ont achevé leurs manoeuvres, les programmations jaillissent. La « fièvre festivalière » atteint son traditionnel pic en juillet : sur ce seul mois se concentre plus du quart des 2 000 manifestations organisées annuellement.

Mais la « fièvre festivalière » s’exprime aussi par l’excitation accrue des festivaliers. En moyenne chaque année ce n’est pas moins de 5 millions de spectateurs qui sont recensés, équivalant à des hordes de festivaliers mélomanes –si l’on s’en tient au fait que les musiques actuelles représentent 50% de l’offre totale des festivals en France. Pour eux, la « fièvre festivalière » n’est en rien péjorative, au contraire. L’esprit de fête commence dès le choix du festival, le décorticage de l’incroyable programmation nationale et les préparatifs de leur voyage, tel le début d’un pèlerinage musical. Les retombées économiques des festivals sur la localité n’est pas un frein aux festivités, il s’agit simplement de la preuve de la réussite des évènements qui s’étendent en festival off (cf. p.52), étalant leur animation sur tout le lieu d’accueil, produisant une foule de visiteurs et autres touristes qui dépensent leur « budget festival » dans les restaurants, animations alentours, et autres commerces locaux.

– Une industrie festivalière ?

En raison des 5 millions de spectateurs annuels mentionnés, les enjeux en termes de retombées économiques sont considérables. Pour les organisateurs, la réussite de leur festival signifie un équilibre artistique et économique à assurer, mais surtout une année de travail à concrétiser. Dans cette recherche de rentabilité permanente, peut-on parler « d’industrie festivalière » ? Ce terme souvent employé par les journalistes, est certainement exagéré. Comme l’explique Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur artistique du festival d’Avignon : « Par définition, lorsqu’il s’agit de festival de spectacle vivant, on est en face d’un artisanat, c’est celui du théâtre, de la danse, ou de l’art lyrique, de la musique encore. Le spectacle vivant n’a précisément pas d’industrie qui le soutienne. Un festival est toujours l’oeuvre de quelques personnes, d’une petite équipe, passionnée, convaincue, et qui est attentive à garder son âme. »*

Il est vrai qu’un festival peut se transformer au fil des ans, et ainsi voir son projet artistique perdre en qualité et s’évanouir. Le plus ancien, le festival d’Avignon, se voit parfois qualifié de « supermarché de spectacles ». Ce terme excessif démontre la confusion entre le festival in avec l’animation spontanée qui l’entoure. Depuis longtemps s’est en effet greffé à Avignon un important esprit d’off, c’est-à-dire la venue en ordre dispersé d’un grand nombre de compagnies de toutes sortes cherchant à présenter leur spectacle. Elles profitent de l’afflux importants de visiteurs et professionnels pour promouvoir leurs productions.

Mais il s’agit là d’un phénomène qui n’est pas possible véritablement de maîtriser.

Ainsi, les organisateurs des festivals ne sont en rien directement responsables de la « fièvre festivalière » et des festivals off qui transforment leur manifestation. En revanche, l’ensemble de la profession doit s’interpeller pour que tout cela ne déteigne pas trop sur l’esprit de fête initial.

Enfin, il est important de noter que du point de vue de la rentabilité, les festivals français sont bien loin d’être les plus rentables de la planète. Si l’on devait réellement attribuer le terme « d’industrie festivalière », c’est le célèbre festival anglais Glastonbury qui serait le grand gagnant mondial : il récolte plus de 53 millions d’euros en revenus bruts par année et a versé près de 2 millions d’euros à divers organismes de charité lors de sa dernière édition en 2011.

– Conclusion : la question de la rentabilité

Mais outre la question de la floraison des manifestations festivalière et l’encombrement des festivals off, aujourd’hui tout est question de rentabilité et cela s’accroit par la crise économique. Est-ce que les festivals sont enclins à cette contrainte ? Est-ce qu’ils risquent eux aussi, de se plonger dans une recherche permanente de recettes et ainsi de risquer de perdre leur principale spécificité, leur esprit de fête ?

La rentabilité économique n’est pas une priorité des festivals, étant donné qu’ils sont organisés en grande partie par des passionnés. Mais évidemment, c’est une question indéniable pour toute organisation ou manifestation : les festivals n’en restent pas moins une activité à haut risque et il faut bien des fonds financiers pour le monter.

Par ailleurs, l’économie des festivals peut être critiquée, mais elle contribue énormément au développement territorial. Et c’est ce que nous allons développer durant ce chapitre, en nous questionnant en premier lieu sur l’impact des festivals sur l’économie locale. Puis nous verrons que les festivals sont une véritable dynamique en matière d’emplois, question cruciale actuellement au sein de notre société en crise. Enfin, nous analyserons le tourisme culturel.

Indéniablement, le développement touristique est une notion financière importante pour une région qui se doit d’être en constante recherche de nouvelle animation pour les attirer.

4/ L’impact des festivals : un moteur pour le tissu économique local ?

Pour bien appréhender l’impact des retombées économiques des festivals sur le tissu local, il faut d’abord étudier logiquement, leurs ressources. Pour cela, nous traiterons dans un premier temps des partenaires des festivals, afin de mieux cerner les rôles et implications respectifs des acteurs locaux. Cette partie nous permettra d’introduire la seconde, qui se penchera sur les financements des festivals. Nous étudierons alors, toujours par le biais d’une analyse assez globale, les recettes et les dépenses des festivals. Bien interpréter les enjeux des subventions et du mécénat face aux ressources propres des festivals est en effet indispensable pour comprendre leur organisation économique et ainsi répondre à notre objectif principal.

4.1 Les partenaires des festivals : rôles et implications des acteurs locaux

– Avant-propos

Au cours de cette partie, nous verrons que l’implication financière des acteurs locaux traduit l’importance des festivals en termes de développement local. En effet, si l’implication financière d’un partenaire est assez élevée comparée à la moyenne, cela signifie logiquement que le festival lui est bénéfique. Cette partie nous permet d’analyser partiellement quels sont les vecteurs de développement qui intéressent et profitent aux acteurs locaux. Cette dynamique en termes de développement de l’animation culturelle locale sera par ailleurs étudiée plus en détail dans le chapitre suivant. (cf. partie 7)

Par conséquent, il s’agit là d’une partie théorique qui dépend d’un appui sur des données statistiques dont les sources sont assez limitées. Cette partie se voulant être introductive et brève, nous avons ici choisi de nous baser sur une étude d’Emmanuel Négrier, qui est tout aussi sérieuse que celle de 2002 de Luc Bénito à ce sujet, mais plus récente, ayant eu lieu après la seconde décentralisation de 2003.

Les parties suivantes sont donc basées sur une synthèse des données de son ouvrage Les Nouveaux territoires des festivals paru aux éditions France festivals en 2007.

Évidemment, il ne s’agit pas là d’un « copié-collé » des propos d’Emmanuel Négrier mais d’un résumé issu d’une compréhension personnelle des conclusions de ses analyses.

Enfin les données d’Emmanuel Négrier datant de 2005, il est important de ne pas préjuger trop vites les comportements d’ensemble. En effet, les échantillons dont nous disposons concernent les festivals de musiques de tous genres confondus. Ainsi, il faudra garder en mémoire que cette analyse a pour but d’amener sur une réflexion des attitudes générales des partenaires, afin de les relier au contexte des festivals de musiques actuelles.

– Paysage général : les festivals et leurs partenaires

Si l’on observe le nombre des partenaires différents que les festivals de musiques (tous genres confondus) ont mobilisé pour l’année 2005, on peut constater la présence de 392 partenaires pour 69 manifestations, soit une moyenne de 5,68 partenaires par festivals. Évidemment, cet échantillon cache des variations : il part de celui qui ne dispose d’aucun partenaire à celui qui en cumule 10.

La répartition du nombre de fois qu’un partenaire participe au financement d’un festival de musique peut s’établir ainsi :

Tableau 1' LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement


Reproduction du tableau de la page 49*

– Analyse globale des comportements des partenaires principaux

Comme le stipule Emmanuel Négrier, la mobilisation des partenaires obéit à des causes qui sont propres à chacun. Le partenariat festivalier s’appuie sur un contexte où les logiques des uns et des autres s’entrecroisent constamment.

Les communes :

La France admet 36 700 communes. En tant que partenaire, la première commune accorde presque 1 million d’euros, et la dernière seulement 600. Pour regrouper 50% des cas, il faut établir une fourchette allant de 8 000 à 53 000 euros, avec une médiane de 20 000 euros (c’est-à-dire que 50% de cette fourchette se situe entre 20 000 euros et moins) et d’une moyenne de 65 000 euros. Cela signifie qu’un nombre réduit de communes accordent de larges montants, tirant ainsi le groupe vers le haut.

Les communes sont l’un des interlocuteurs à privilégier dans le cadre de l’organisation d’un festival, étant donné que les municipalités sont les premières en contact avec les populations et les différents services déjà présents, et qu’elles disposent du meilleur point de vue concernant les besoins locaux.

En effet elles apportent souvent bien plus qu’un simple apport financier en fournissant souvent une aide en nature non négligeable, c’est-à-dire des mises à dispositions en tous genres de la part des municipalités, tels que des prêts de salles, de matériels, de main d’oeuvre….

Les intercommunalités :

Une intercommunalité est le regroupement de communes ou de municipalités dans une structure légale. Elles coopèrent dans un ou plusieurs domaines où chaque commune garde son indépendance et transmet des pouvoirs et/ou des compétences à la structure intercommunale.

L’intercommunalité culturelle est une idée neuve en France et cela se remarque sur son implication financière auprès des festivals, qui reste assez limitée.

En effet, la culture n’est pas une priorité des intercommunalités. Pourtant, elles présentent de nombreux atouts en matière de mutualisation et de volonté d’identification des nouvelles structures par l’action culturelle, ainsi que de meilleures ressources que la plupart des autres partenaires.

Dans l’échantillon d’Emmanuel Négrier sont recensées 22 intercommunalités. Elles présentent des écarts équivalents à ceux des communes : 200 euros accordés pour la première contre plus d’un million pour la plus importante.

Pour donner une fourchette, 3 intercommunalités sur 4 accordent de 3 900 à 50 000 euros, avec une médiane établie à 11 400 euros et une moyenne de 84 700 euros. Dès lors, on peut remarquer que la médiane est bien largement en dessous de la moyenne.

En milieu rural les enjeux sont bien plus différents qu’en milieu urbain : on peut trouver une intervention intercommunale en remplacement du soutien à une manifestation qui revenait traditionnellement à une seule commune. Par exemple, le festival quatuor à cordes du Luberon est soutenu à la fois par la Communauté de l’Agglomération du Pays d’Aix, et par la communauté de communes de Pied Rousset, qui regroupe huit communes, pour un total de 6 200 habitants.

On peut aussi trouver l’intercommunalité à l’origine du développement d’un festival auparavant municipal, comme par exemple le festival Jazz in Marciac. Avant son accroissement phénoménal, c’était la commune de Marciac qui intervenait seule. Désormais, plusieurs communes du Gers se sont réunies pour financer et ainsi contribuer au développement du festival qui, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, bénéficie considérablement à l’afflux de visiteurs et ainsi au tourisme local. (cf. partie 6)

Évidemment, le transfert du festival de sa commune à l’intercommunalité ne se fait pas sans problème. Le festival doit alors faire preuve d’une programmation qui convienne avec le nouvel espace politique qui le finance. La mutation d’un projet artistique est inévitablement un défi qui n’est pas aisé de relever. Le cas exceptionnel de Jazz in Marciac est dû au positionnement incroyable de son directeur artistique, Jean-Louis Guilhaumon, qui a longtemps été le maire de la commune mais aussi le vice-président du conseil régional.

Pour conclure la question intercommunale, bien que très présente au sein des politiques culturelles, démontrent de réelles contraintes quant aux transferts des compétences et de l’espace d’une manifestation, en dépit de quelques remarquables exceptions.

Les conseils généraux :

Pour les départements, les chiffres confirment une tendance beaucoup plus nette à l’homogénéité de financement que les précédents partenaires. Les trois quarts des dotations sont comprises entre 20 000 et 99 000 euros, avec une moyenne de 105 000 euros qui est l’une des moins distantes de sa médiane, établie à 42 000 euros.

Il s’agit ainsi de l’institution dont le comportement « financier » est beaucoup plus régulier que les communes et intercommunalités. Mais est-ce que cela signifie que la politique départementale est homogène sur l’ensemble du territoire français ?

Derrière ces chiffres, il faut savoir que l’on peut discerner deux catégories : celle des conseils généraux qui portent -parfois seuls- une manifestation dont ils sont à l’origine, et celle des conseils généraux qui sont plutôt fidèles à une logique d’accompagnement.

Ainsi, en fonction du fait qu’un département soit plutôt « opérateur » ou plus modestement « accompagnateur » d’une manifestation, leurs interventions d’un point de vue national sont assez variables.

Prenons l’exemple du festival de l’Epau, dont le département est classé comme « opérateur » de manifestation : le directeur du festival, Hervé de Colombel, explique organiser aussi des concerts dans les maisons de retraite, les hôpitaux, en prison et ainsi faire bénéficier tout le village. On peut en conclure que le plus souvent, lorsqu’un conseil général porte un festival, c’est dans l’objectif de rayonner dans un espace plus vaste que le seul lieu d’implantation de la manifestation.

Mais bien qu’ils soient parfois directement à l’origine de l’organisation d’évènements, soucieux de promouvoir et moderniser l’image du département, ils sont en général plutôt responsables du fonctionnement des équipements et des infrastructures de leurs espaces territoriaux.

Les conseils régionaux :

Comme le mentionne Emmanuel Négrier, en matière de politique culturelle, les régions ont été les dernières à se manifester, après les communes et les départements, qui avaient hérité des compétences délocalisées dès la première décentralisation. Depuis, les années 1990 et surtout les années 2000 ont changé la donne : les politiques culturelles en ont fait des piliers de la seconde décentralisation.

On peut penser que ces institutions ne sont que l’ « auxiliaire » que l’État a trouvé pour se défaire de certaines charges ; mais il n’en reste pas moins que les politiques culturelles régionales commencent, depuis une période récente, à émerger. Quant est-il au sujet des festivals ?

Dans l’échantillon donné, 56 interventions sont recensées : l’écart entre le plus petit et le plus grand soutien est beaucoup plus prononcé que pour les départements. Il va de 2 000 euros à 1 423 000 pour la plus importante. La moyenne d’intervention est de 95 286 euros, soit légèrement inférieure à celle des conseils généraux mais du même ordre de grandeur.

Le constat principal qui résulte ici est le fait que les conseils régionaux sont bien moins impliqués dans les politiques et actions culturelles que les départements.

Les régions voient surtout dans les festivals un support de promotion touristique. Elles font souvent preuves d’un soutien global à l’ensemble des festivals régionaux, par exemple au travers d’une politique de communication générale, la logique étant avant tout de promouvoir l’espace régional plutôt qu’un festival en particulier.

Le mécénat :

Le mécénat est une catégorie à la fois activement recherchée par la plupart des festivals, mais aussi difficile à convaincre de s’inscrire de manière durable aux côtés des opérateurs.

Dans l’échantillon dons nous disposons, on note une présence assez fréquente du mécénat de festival : 50 % des volumes sont compris entre 8 000 et 72 000 euros, ce qui constitue une assez large fourchette, et cela se témoigne par une grande diversité d’intervention.

En effet, la plus petite ne dépasse pas les 900 euros, alors que la plus importante excède 300 000 euros. La participation moyenne est assez élevée, avec 72 000 euros environ, et est ainsi très supérieure à la médiane qui s’établie à 29 000 euros. A noter que le groupe des 56 festivals de notre échantillon est tiré par le haut par quelques festivals fortement « mécénés » :

– 16 festivals disposent d’une contribution de mécénat inférieure à 10 000 euros ;
– pour 15 festivals, elle est comprise entre 10 500 et moins de 40 000 euros ;
– pour 13 festivals, elle est se situe entre 40 000 et 100 000 euros ;
– et enfin 12 festivals bénéficient d’une contribution de plus de 100 000 euros.

Certains mécènes perçoivent l’investissement pour festival comme une dépense inutile voire injuste comparée à d’autres « intérêts supérieurs » : certains festivals déclarent avoir parmi leurs mécènes des entreprises qui allaient jusqu’à refuser de voir citer leur participation.

De manière globale, la forte implication d’un mécène relève de l’environnement socio-économique du lieu où se déroule le festival. Ce qui signifie qu’une région industrielle au commerce intense est un meilleur emplacement pour attirer des entreprises, qui s’engagent traditionnellement aussi bien dans le sport que dans la culture au sein de leur territoire. Son implication repose aussi sur les intérêts qu’elle peut signifier au sein du marché local et des bonnes relations qu’elle peut engendrer. Cela dépend alors de la capacité de conviction que va exercer un festival à ce sujet pour le dirigeant d’entreprise.

Les sociétés de droit :

Près de la moitié de l’échantillon soit 37 festivals, mentionnent une aide accordée par l’une des sociétés de droit : la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique –dit SACEM, l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes –dit ADAMI ou la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes – dit SPEDIDAM.

Sur les 37 festivals, la plus petite aide est de 1 800 euros, la plus importante de 83 000 euros. Les trois-quarts des festivals se situent entre 5 000 et 22 000 euros, avec une moyenne de 22 000 et une médiane établit à 12 000 euros. Cette fourchette indique que l’aide de ces partenaires est plus homogène que pour les partenaires précédents.

Enfin, il faut savoir que lorsqu’une société de droit accorde une aide à un festival, elle lui attribue un montant à peu près standardisé, propres à ses critères.

Pour comprendre ces critères, il convient d’analyser brièvement la différence entre chacune de ces sociétés :

LA SACEM aide actuellement 90 festivals en France. Elle différencie deux types d’évènements : les festivals « spécialisés », qui sont au coeur de la création contemporaine, et les festivals « généralisés », qui se concentrent sur le patrimoine, mais qui s’ouvrent actuellement de plus en plus à la création. La particularité d’intervention de la SACEM est qu’elle est structurée à la fois au niveau national (40 festivals aidés chaque année) ainsi qu’au niveau régional (pour les autres manifestations). Elle est naturellement très centrée sur la création, conformément à ses propres intérêts de perception de droits d’auteurs.

Contrairement à d’autres sociétés plus orientées vers les interprètes, ses aides ont pour but de se reproduire si les critères de son soutien sont établis. En effet, elle s’occupe essentiellement de la programmation des musiques créées après 1975.

La SPEDIDAM quant à elle, a pour mission les musiciens d’orchestre, ainsi elle ne concerne pas les festivals de musiques actuelles. Elle applique une règle proche du dispositif automatique qui se déclenche en fonction des salaires des artistes d’accompagnement qu’un festival assume en contrat d’engagement. Cette règle permet de satisfaire 90% des demandes qui lui parviennent.

Enfin, l’ADAMI qui suite aux réformes des droits d’auteurs de 1985, a pour obligation de consacrer 25% des droits perçus à une action artistique d’intérêt général. Elle le fait surtout en direction de sa cible particulière, c’est-à-dire les solistes et chef d’orchestre. Ainsi, tout comme la SPEDIDAM, bien que présente dans l’échantillon des données dont nous disposons, elle ne concerne pas les musiques actuelles.

Enfin, suite à cette brève analyse, il faut retenir que chacune de ces sociétés fournit des aides aux festivals quand elles y trouvent la satisfaction de leurs objectifs majeurs, qui sont : l’emploi des artistes, l’évolution de leur carrière, la création de spectacle ou de disque. Les sociétés de droit jouent un rôle non négligeable dans le soutien aux festivals de musique (tous genres confondus), bien que leurs critères d’intervention soient assez différents.

Elles le font de manière directe par le biais d’aides à la diffusion ou à la création, et de manière indirecte par le biais de dispositifs plus spécifiques à des projets (résidences, exportation, formation…).

Ce qu’il est important ici de noter, c’est que dans notre échantillon seule la SACEM concerne les musiques actuelles ; il convient donc de relativiser quant aux résultats de leurs données.

– Conclusion : échelle des partenaires

Comme l’énonce Emmanuel Négrier, les festivals sont, d’une certaine manière, les médiateurs de ces relations entre collectivités publiques, mécènes, sociétés de droit et associations.

Pour conclure cette partie, nous nous appuierons sur deux graphiques des Nouveaux territoires des festivals, concernant les festivals de musiques tous genres confondus. Le premier, concerne la participation des partenaires sur 69 festivals recensés. (cf. graphique 3) Le second graphique porte sur les montants concrètement engagés par les institutions, sur les ressources totales des festivals, en pourcentage. (cf. graphique 4)

Par l’analyse de ces deux graphiques on peut discerner cinq rangs, allant des participations et interventions les plus importantes, aux plus faibles :

Au premier rang :

On trouve les collectivités territoriales de second niveau, soit les conseils généraux et les conseils régionaux, qui sont des partenaires à la fois très réguliers (64 festivals aidés sur 69 pour le conseil général et 56 sur 69 pour le conseil régional d’après le graphique 3), et fortement impliqués en volume et en moyenne (25,88% pour le conseil général et 20,44% pour le conseil régional sur la répartition totale des ressources des festivals, d’après le graphique 4).

La moyenne de contribution du conseil général est en tête avec 105 603 euros, suivie par celle du conseil régional qui est de 95 286 euros.

Au deuxième rang :

Les communes qui sont des partenaires réguliers (57 festivals aidés sur 69), mais moins fortement impliqués en volume et en moyenne comparés aux autres partenaires (14,18% sur la répartition totale des ressources des festivals), avec une moyenne d’intervention de 64 954 euros.

Ainsi que le mécénat qui, comme la commune, est un partenaire régulier (56 festivals aidés sur 69) et fortement impliqué (15,29% sur la répartition totale des ressources des festivals), avec une moyenne établit à 72 000 euros.

Au troisième rang :

Les intercommunalités qui sont des partenaires rarement présents (22 festivals aidés sur 69) et (7,13% sur les ressources totales des festivals), s’expliquant par le fait qu’il s’agisse d’un nouveau niveau émergent. En revanche, elles sont fortement impliquées avec une moyenne de 85 000 euros d’intervention par festivals.

De même, l’Union Européenne, qui s’avère rarement présente (5,78 % sur les ressources totales et 6 festivals aidés sur 69) mais fortement impliquée avec 61 958 euros en moyenne.

Au quatrième rang :

Les sociétés de droit qui sont peu présentes mais assez impliquées, avec une moyenne établie à 22 000 euros d’intervention par festival.
Les DRAC, qui contribuent à 35 festivals sur 69, soit 5,84% sur leurs ressources totales, avec une moyenne de 43 585 euros d’intervention par manifestation.

Au cinquième rang :

Les autres associations d’amis et autres ministères qui représentent 5,78% des ressources totales, sont présents pour 23 des 69 festivals pour les associations, et pour 11 festivals sur 69 pour les autres ministères. La moyenne d’intervention pour ces « autres ressources » est de 56 961 euros. Il s’agit bien évidemment ici des institutions qui sont peu impliquées et peu présentes, sur la répartition des ressources totales des festivals.

4.2 Analyse globale des financements : recettes et dépenses des festivals

L’analyse suivante est symétrique à celle des rôles et implications des partenaires des festivals. Par le biais de la dynamique propre des festivals, nous verrons la structure de leurs recettes et leurs orientations en matière de dépenses.

– Les recettes

L’échantillon d’Emmanuel Négrier repose ici sur 72 évènements, qui ont une structure moyenne, et où dominent les subventions avec 51,5% sur les ressources propres qui sont à 36,5%, et le mécénat et autres ressources qui sont quant à eux à 12%.

En volume total, toujours pour les festivals de musiques tous genres confondus, cela représente 21,5 millions de subventions, 15,2 millions de ressources propres et 4,9 millions de mécénat, soit un montant global de recettes de 41,6 millions d’euros.

Encore une fois, il s’agit là d’une moyenne qui dissimule des situations très différentes, compte tenu de la diversité qui frappe les festivals en termes de fréquentation et de partenariat. Mais elle nous permettra d’avoir une meilleure vue d’ensemble.

– Les subventions :

En dehors du festival qui n’en perçoit aucune, le plus petit total des subventions se situent à hauteur de 15 000 euros, et le plus important à plus de 2,5 millions d’euros. La moyenne établie est à environ 300 000 euros, contre une médiane de 136 000 euros, qui est donc bien inférieure. Deux tiers des festivals de cet échantillon sont compris entre 60 000 et 600 000 euros, ce qui est le signe d’un assez grand éparpillement en volume.

Tableau 1 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 101

– Le mécénat :

Pour le mécénat, 11 festivals sur les 72 de l’échantillon n’en déclarent pas, le plus petit montant effectif étant de 1 400 euros, et le plus important de 741 000. La moyenne est de 68 000 euros, avec une médiane de 27 000 euros : c’est le plus petit écart entre une moyenne et une médiane, ce qui signifie qu’ici, les gros bénéficiaires ne tirent pas le groupe vers le haut. Trois quarts de l’échantillon sont compris entre 8 500 et 60 000 euros de mécénat.

Tableau 2 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 102

On constate ici, par le biais des montants à chaque fois égaux pour définir les fourchettes, l’importance relative des subventions par rapport aux ressources propres, et surtout au mécénat.

Par ailleurs, pour en revenir aux difficultés que rencontrent les organisateurs à convaincre les mécènes d’accroitre leur participation, il faut prendre conscience du contexte actuel. Depuis les années 1990 se ressent en effet une baisse de l’implication du mécénat au sein de la culture. Cela est tout d’abord due à la réduction de leur budget, voire à leur suppression mais surtout, comme nous l’avons mentionné précédemment, cela est dû au fait que celui-ci tend à se montrer égal face à trois autres domaines que la culture qui vont croissant : à savoir le sport, l’environnement et le social. Dès lors, les mécènes relèguent volontiers la culture au rang de « luxe ».

De plus, il faut savoir qu’il existe deux « catégories » de mécénats : le mécène privé, qui démontre peu d’attirance pour la culture et le mécène public qui, en revanche, s’affirme comme plus désireux d’une image culturelle, mais cela en vue de se démarquer au sein de la population locale et d’attirer les touristes et autres investisseurs ciblés.

– La part respective des trois sources de financement :

Enfin, il convient d’examiner la part respective que pèse, pour les festivals, chacune de ses sources de financement :

Reproduction tableau de la page 102

D’après ce tableau, nous pouvons en conclure que la majorité des festivals dépend à plus de 50% des subventions. D’après Emmanuel Négrier, les 28 festivals qui dépassent 60% de subventions sont des festivals très liés à une collectivité, en particulier à un conseil général ou régional. Cela signifie que les festivals en élargissant leur programmation, qui déborde alors sur la saison avec des thématiques souvent assez vastes, sont des vecteurs de développement de l’animation locale.

De même, nous pouvons constater que pour 20 festivals le mécénat constitue un tiers de leurs ressources, ce qui n’est pas négligeable. En revanche, il est vrai que deux tiers de l’échantillon en tire moins de 20%.

D’après Emmanuel Négrier, ceux qui ont une forte part relative de mécénat sont presque exclusivement urbains et purement estivaux. Comme nous l’avons vu précédemment, si les festivals implantés en milieu rural perçoivent moins d’intervention de la part du mécénat, cela est lié au fait qu’ils sont généralement dans des zones peu industrielles, et donc présentant moins d’entreprises susceptibles d’être mécènes.

Enfin, nous pouvons remarquer que l’essentiel des festivals, 55 sur notre échantillon de 72, se situe au-delà des 20% de ressources propres ; la moitié, soit 36 festivals, en tire plus du tiers de leur budget, et 11 manifestations dégagent plus de 50% de ressources propres. Ces derniers sont souvent situés dans deux catégories : de très gros festivals très médiatiques et de très petits.

– Les dépenses

La structure des dépenses est plus fragmentée que celle des recettes. Son volume global est de 42 millions d’euros, soit légèrement supérieur à celui des recettes qui est de 41,6 millions d’euros. Nous n’irons pas jusqu’à examiner la part relative que chaque charge représente dans l’ensemble des dépenses, cela serait pousser l’étude bien plus loin et nous éloignerait de notre objectif principal.

Ainsi, il va sans dire que les volumes que nous allons analyser n’indiquent en rien les différentiels de stratégies d’un festival à un autre, tant l’envergure de ceux-ci est diverse. Il s’agit donc encore une fois, d’une analyse globale ayant pour but de donner une idée des répartitions des dépenses, toujours dans le but de comprendre l’économie des festivals dans son ensemble.

En nous basant sur le graphique de la structure des dépenses (cf. graphique 5), on peut classer les résultats en cinq rangs :

En premier rang :

D’après le graphique 5, ce sont les dépenses artistiques qui dominent les dépenses totales avec une part de 50,63%. Cela représente 21 millions d’euros de frais artistiques. Elles vont d’un minimum de 5 600 euros à un maximum de 2,9 millions d’euros. La moyenne est établie à près de 300 000 euros par festivals, et la médiane est de 121 000 euros. 50 % des festivals de musiques en tous genres ont un volume de dépenses artistiques compris entre 57 000 à 215 000 euros.

Tableau 4 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 105

En deuxième rang :

Les frais administratifs, avec 20% sur les dépenses totales. Les dépenses administratives varient de 1 800 euros pour les plus petites à 1,1 million pour les plus importantes. La moyenne est de 119 000 euros par festival, avec une médiane de 39 000 euros. 50 % des festivals ont un volume de dépenses administratives de 8 300 à 97 000 euros, ce qui traduit une hétérogénéité relative plus forte que pour les dépenses artistiques.

Tableau 5 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 106

En troisième rang :

On trouve les frais techniques avec 12% sur les dépenses totales. Les dépenses techniques varient des plus petites qui sont de 500 euros, aux plus importantes qui s’élèvent à 574 000 euros. Dans cet échantillon, cinq festivals n’en déclarent pas. Par hypothèse, quelles sont intégrées aux dépenses administratives. La moyenne des frais techniques est de70 000 euros par festival, contre une médiane de 20 000 euros. 50 % des festivals ont un volume de dépenses techniques compris entre 7 100 et 73 000 euros, ce qui correspond à l’écart du volume des dépenses administratives.

Tableau 6 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 106

En quatrième rang :

Les dépenses de communication qui sont de 11% sur le total, et bien évidemment, tous les festivals de l’échantillon ont un budget communication. La plus petite dépense est de 4 000 euros, et la plus grosse de 490 000 euros. La moyenne du budget communication par festival est de 65 000 euros contre une médiane de 36 000 euros. 50% des festivals ont un volume de dépenses de communication compris entre 15 000 et 74 000 euros ; il s’agit ainsi de la plus grande homogénéité des situations.

Tableau 7 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 107

En cinquième rang :

Les charges de missions et réception des artistes qui s’élèvent à 6% sur les dépenses totales.

Ces frais sont les moins répandus : 11 festivals n’en déclarent pas et une partie de cette fourchette intègre ce type de frais au sein du budget communication. La plus petite dépense est de 1 400 euros et la plus grosse est de 289 000 euros. La moyenne est de 34 000 euros, avec une médiane de 12 000 euros. On retrouve ici une assez grande homogénéité des dépenses.

Tableau 8 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 107

– Conclusion : une précarité du montage financier

Pour conclure cette analyse globale de « statistique descriptive » des financements des festivals, il est intéressant de lier l’étude d’Emmanuel Négrier avec celle de Luc Bénito. En effet ce dernier, dans son ouvrage Les festivals en France, marchés, enjeux et alchimie, propose au sein de son étude personnelle la question de la précarité du montage financier des festivals, qui se révèle enrichissante au sein de notre réflexion.

Ainsi, bien que la plupart des partenaires soient fortement impliqués en volume et en moyenne au sein des ressources des festivals, il convient de mentionner les problèmes paradoxaux qu’ils peuvent engendrer.

Le recours systématique des festivals à des participations financières est l’élément principal, le fond essentiel de leurs ressources propres. Pour certains directeurs artistiques, le montage financier d’un festival s’apparente le plus souvent à un véritable « défi » voire à un « parcours du combattant ».

Comme le mentionne Luc Bénito dans son ouvrage, « cette dépendance des festivals vis-à-vis de financeurs induit des choix quai stratégiques dans les partenariats. » Il s’agit là d’une contrainte que les organisateurs subissent perpétuellement, étant donné qu’ils doivent alors constamment renouveler leur méthode de sélection et de persuasion auprès de ces dits partenariats.

En somme, beaucoup de festivals cherchent encore à trouver un partenaire financier principal. Mais cela comprend le risque de se voir imposer une contrepartie souvent contraignante de sa part et de perdre ainsi en partie la maîtrise sur le projet artistique. D’après Luc Bénito, il a été observé sur ce point que la forte contribution d’un partenaire financier engendrait le plus souvent une forte pression sur la direction artistique, celui-ci se montrant plus souvent intéressé par le retour de l’image que de la qualité artistique de l’événement.

Cela nous amène à introduire la dernière partie de cette étude sur l’impact des festivals sur leur territoire. Si les partenaires financiers démontrent parfois d’une forte possession sur les organisateurs des festivals, cela amène à penser que ces évènements produisent d’importants bénéfices.

4.3 Les retombées économiques directes des festivals sur leur territoire

Suite au constat des bénéfices de ces évènements culturels auprès de leurs partenaires financiers, nous traiterons ici de la thèse selon laquelle l’économie des festivals se positionne au coeur des enjeux du développement territorial.

Ainsi, nous tâcherons ici de comprendre les motivations de l’implication des partenaires financiers locaux qui, comme nous venons de l’étudier, représente 50 % de leurs ressources. Pour cela, nous différencierons deux types de retombées économiques directes : les dépenses portées par les organisateurs des festivals, et celles liées aux achats et dépenses des festivaliers. Enfin, nous conclurons cette partie en montrant, par l’appui d’exemples significatifs, comment les gains des festivals peuvent engendrer une véritable dynamisation de leur territoire.

– Les dépenses portées par les organisateurs des festivals

Les dépenses principales qui peuvent donner lieu à une injection directe d’argent dans l’économie locale concernent les achats effectués par les organisateurs pour mettre en oeuvre leur manifestation. Lorsqu’ils n’interviennent pas eux-mêmes, les responsables des festivals recourent à des entreprises variées et ces dépenses effectuées constituent elles aussi des retombées directes.

En nous basant sur le graphique 6, extrait de l’ouvrage d’Emmanuel Négrier, les Nouveaux territoires des festivals, on distingue trois types de dépenses des organisateurs des festivals, qui sont effectuées en totalité ou en partie sur place :

Les dépenses liées à la communication et à la diffusion : Comme nous l’avons vu au sein de la partie 2.1, les festivals offrent à la localité une campagne de communication à peu de frais. Outre cela, les retombées économiques des dépenses liées à la communication représentent, d’après le graphique 6, la part la plus importante, s’élevant dans les environs de 32%.

On peut y englober : le secteur de l’imprimerie, pour la réalisation des affiches, des brochures et dépliants ; le secteur des relations publiques, les agences de presse, les frais de conférences de presse, les frais d’affichages, etc. Et plus généralement les frais administratifs compris dans le budget des festivals, représentant une part de 20% sur le total de leurs dépenses.

Les dépenses liées à la technique et à la billetterie :

Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, les frais techniques représentent 12% des dépenses totales issu des budgets des festivals. D’après le graphique 6, ils correspondent à environ 20% de la part totale des retombées économiques des festivals.

Ils concernent en premier les frais de services techniques de sonorisation et d’éclairage. Suivis par les dépenses relatives aux locations de parcs de matériels, de lieux de spectacles, d’instruments et de matériels de musique. Mais aussi le gardiennage, la sécurité, les assurances, etc.
Nous pouvons aussi mentionner dans cette partie les dépenses relatives à la billetterie.

Les dépenses liées aux transports :

Les frais liés au secteur des transports concernent en premier lieu l’accompagnement artistique, le transport des artistes, de leur matériel.

Certains festivals collaborent directement avec des services de ce secteur. L’association du festival Musicalarue par exemple, étant implantée à Luxey, village ne disposant pas de gare, organise l’opération « La fête en bus », menée conjointement avec la Prévention Routière. Elle collabore ainsi avec l’entreprise régionale « Les Bus des Ferias », qui leur met à disposition des bus pour faire des navettes aller et retour vers les gares SNCF des villes alentours.

– Achats et dépenses des festivaliers, artistes et spectateurs

En plus des dépenses directes mobilisées pour l’organisation des évènements culturels, les festivaliers, artistes et spectateurs confondus, réalisent eux aussi bien évidemment des achats sur place ayant un impact sur l’économie locale. Cela est dû en partie à toutes les animations extérieures du festival off engendrant une importante zone d’influence alentour au festival officiel.

Par ailleurs, il faut noter que cette étude des dépenses du public et des visiteurs revient à réaliser une analyse quantitative du développement touristique local. Nous reviendrons sur la question de la contribution des festivals au sein du tourisme local durant la partie 6, où nous nous pencherons plutôt sur l’aspect de la contribution à la stratégie des collectivités territoriales en perpétuelles recherche d’animation pour accroitre le tourisme.

L’hébergement et la restauration :

Les dépenses des festivaliers liées à l’hébergement et à la restauration sont une composante majeure, s’imposant comme la deuxième part des types de retombées économiques totales, juste après les frais relatifs à la communication de l’évènement. (cf. graphique 6)

Elles bénéficient ainsi au secteur de l’hôtellerie : aux gîtes, auberges de jeunesses, chambres d’hôtes, hôtels, campings…

Ainsi qu’au secteur de la restauration : restaurants, bar, cafés, brasseries…

Elles concernent autant le public que les artistes, même si pour ces derniers, l’hébergement constitue une part de l’accompagnement artistique attribué aux organisateurs.

Pour donner des exemples, citons la commune de Carhaix dans le Finistère, comptant habituellement 8 156 habitants* : elle multiplie sa population par près de trente chaque été, en accueillant en moyenne 250 000 personnes* sur toute la durée du célèbre festival des Vieilles Charrues.

De même pour Jazz in Marciac qui attend chaque année environ 200 000 visiteurs* chaque année au total, il engendre la plus longue durée de présence des visiteurs, par une moyenne d’environ 4 jours sur place et un séjour total dans le département d’environ 6 jours. D’après les organisateurs, environ 69% de ces visiteurs optent pour une solution d’hébergement marchand (camping, hôtel, location…).

Dès lors pour ces petites communes, les hôtels affichent complet sur un périmètre moyen de trente kilomètres autour des « épicentres » que sont les manifestations, contribuant ainsi à l’ensemble du secteur hôtelier régional.

Concernant le secteur de la restauration, à Marciac, de nombreux restaurants du village ou tavernes sont créés pour l’occasion, et certains deviennent permanents, tel que le club de Jazz «L’Atelier ».

Au sein des festivals off, de nombreuses initiatives faciles à monter émergent tout autour du festival officiel. Ainsi, il arrive très souvent que le temps d’un spectacle, un café, un restaurant, voire un magasin ou un établissement industriel, se transforment en scène de de concerts ou de théâtre

Les commerces locaux :

Évidemment, l’afflux de festivaliers engendre également des dépenses dans d’autres types de commerces locaux tels que les marchés, tabacs, presse, pharmacie, boulangerie, boutiques de souvenirs… Il contribue, comme nous l’avons vu dans la partie 3.2, à la valorisation du patrimoine local (produits gastronomiques, artisanaux et autres spécialités régionales…)

En outre, les visiteurs peuvent contribuer au développement des structures d’animations locales, tels que les centres de loisirs, les bases de canoës, les piscines, etc. Cela n’est qu’une supposition, mais il semble intéressant d’y penser étant donné que les spectateurs étalent assez souvent leur séjour avant et après la manifestation.

Concrètement, rappelons par exemple que les Eurockéennes de Belfort se déroulent sur la presqu’île du lac de Malsaucy disposant d’une plage surveillée ainsi que d’une base nautique, le Malsaucy Nautique Club, ouverte pendant le festival, proposant entre autres des initiations à la voile et au kayak. Le festival se déroulant sur la période estivale durant laquelle ouvrent ces structures, les 100 000 visiteurs qu’ils attirent contribuent certainement à leur rendement annuel.

En dehors de cette possibilité, nous pouvons tout de même donner les chiffres évalués de l’impact économique des Eurockéennes sur Belfort : en s’appuyant sur une étude du BIPE (bureau d’information et de prévisions économiques), son directeur estime qu’en termes de retombées les recettes locales avaient été multipliées par un coefficient de 1,5.

Les transports :

Le dernier type de service bénéficiant des dépenses des festivaliers sont en aucun doute les transports. Cela comprend les trains de la SCNF qui propose souvent, lors de la période estivale où se concentrent le plus grands nombres de festivals, des tarifs attrayants pour les festivaliers. En milieu urbain, les dépenses des visiteurs peuvent profiter aux transports en communs des villes, tels que les bus, tramways, métropolitains, vélo des villes…

Pour les festivals en milieu rural, les sites officiels des festivals conseillent pratiquement tous le covoiturage en redirigeant leur « clientèle » vers les sites tels que plus réputé au- jourd’hui : www.covoiturage.fr.

Enfin, nous pouvons citer les parkings des localités. Bien que cela touche plutôt le milieu urbain, il est intéressant de le mentionner. En milieu rural des terrains peuvent être prêtés par la mairie du village pour le stationnement des visiteurs ; en revanche, par exemple lors du Printemps de Bourges, l’espace disponible étant assez restreint, tous les parkings de la ville se retrouvent complets. De plus, lors de la venue des festivaliers, la ville de Bourges n’aménage pas de parkings gratuits supplémentaires, ce qui signifie que le Printemps engendre des retombées économiques certaines par le biais de ses parkings payants, sur toute la durée du festival.

Ces données et possibilités de retombées économiques directes mentionnées ne sont que toutes les suppositions à envisager, qui s’avèrent parfois plus ou moins vraisemblables. Bien évidemment, elles sont à relativiser.

En effet, les festivals attirent en moyenne un public assez jeune, dans une tranche allant d’environ de 20 à 30 ans, ne disposant généralement pas de budgets très conséquent. Ainsi pour les Francophonies en Limousin attirant en majorité de jeunes visiteurs, les retombées économiques s’avèrent assez faibles, sachant que les dépenses d’hébergement et de restauration des artistes sont prises en charge par l’organisation. Pour ces derniers, nous les avons par ailleurs englobés au sein des dépenses des festivaliers : en dehors de leurs prestations scéniques, eux aussi sont amenés à consommer dans les commerces locaux, dans les cafés et les bars par exemples.

– Dynamisation et réaménagement du territoire

L’impact économique en termes de développement local s’accroit lorsque la commune d’accueil est de taille modeste.

Jazz in Marciac par exemple, a permis une incroyable revitalisation de cette petite commune. Le directeur artistique, qui a aussi été élu maire du village, considère son festival non seulement comme un formidable outil pédagogique (cf. partie 7.2), mais aussi comme un solide levier de développement. En effet, grâce aux retombées du festival, le petit village de Marciac a connu un grand nombre de transformations.

Tout d’abord, Marciac a signé avec le conseil régional un contrat de site majeur pour réhabiliter le coeur de sa bastide du XIIIème siècle. La région a ainsi participé jusqu’à 80% des travaux de réaménagement de la commune.

De même, le village a pu aménager le site de son lac en y installant une base aqualudique et un café musique, ayant coûtés plus de quatre millions d’euros qui ont été financés par l’État et les collectivités. Par ailleurs suite à ce nouveau dynamisme territorial, c’est sur les abords de ce même lac que la société Pierre et Vacances a décidé d’y faire construire une de ses résidences.

Ainsi, alors que cette bourgade était menacée de désertification, le festival Jazz in Marciac a permis d’incroyables initiatives locales, ayant ainsi augmenté le nombre d’habitants. Désormais, une salle de concert propose une programmation tout au long de l’année, attirant un afflux important de touristes et d’amateurs de jazz même en dehors du festival.

Enfin, l’association des Vieilles Charrues à elle aussi contribuée à la conception de projets locaux, grâce aux gains qu’elle a réalisés. Citons par exemple la création du musée des Vieilles Charrues à Carhaix, « une sorte de mémorial similaire à celui dédié au festival de Woodstock […]. », comme l’indique son directeur artistique, Loïck Royant.

– Conclusion

Pour conclure, nous pouvons reprendre l’expression d’Emmanuel Négrier qui qualifie les festivals « d’entreprises territoriales d’un genre particulier ». Son économie structurée en plusieurs piliers, basée sur un équilibre à géométrie variable entre subventions, ressources propres et mécénat, contribue bel et bien au développement territorial. Nous l’avons démontré en citant les nombreuses possibilités de retombées économiques directes liées aux achats et dépenses, autant des organisateurs que des festivaliers. Tous ces exemples expliquent l’intérêt pour les acteurs locaux d’y contribuer financièrement, qui profitent ainsi en retour d’un important impact en termes de revitalisation de leur localité. En effet, elle bénéficie autant de retombées économiques au sein de ses recettes, que d’un nouvel afflux touristique, lui offrant dès lors la possibilité de créer des infrastructures permanentes pour accroitre son attractivité locale.

Mais la diversité festivalière marque aussi la structure de l’emploi et c’est sur quoi nous allons désormais nous pencher.

5/ L’activité des festivals : génératrice d’une dynamique en matière d’emploi ?

Les ressources des festivals renvoient irrémédiablement à la question de l’emploi. En effet, l’impact économique des festivals découle aussi du fait que l’organisation et le déroulement de telles manifestations culturelles requièrent une importante main d’oeuvre.

Nombre d’organisateurs affirment qu’en plus de recruter les emplois nécessaires au fonctionnement du festival en priorité sur le plan local, ils s’efforcent de recourir à des collaborations avec les entreprises territoriales, comme nous l’avons vu dans la précédente partie.

Outre cette mention nous analyserons ici les emplois effectués par les festivals. Pour cela nous différencierons trois types d’aspects : les emplois culturels, les emplois liées à la production artistiques et les « autres » emplois, soit les saisonniers et collaborations ponctuelles. Notre objectif sera ainsi de démontrer si les festivals engendrent bel et bien une dynamique en termes de créations d’emploi sur leur territoire.

5.1 Les emplois culturels permanents : temps complets et partiels

Les emplois directs se concentrent dans le « noyau » de la structure d’un festival qui s’avère généralement relativement modeste. Elle se compose de l’administration, de la production, de la finance et de la direction artistique. La présence de permanents est ainsi limitée au maximum et représente la plus petite part des emplois procurés. Ce phénomène s’explique par la discontinuité de l’activité des festivals, dont les plus grands ne comptent pas plus de cinq permanents en moyenne. Seule exception, le festival d’Avignon qui emploie une quinzaine de personnes sur toute l’année.

En ce qui concerne la direction artistique et l’administration qui s’effectuent sur une période déterminée, il arrive qu’elles soient prises en charge par la municipalité. De même pour le service de presse et de communication, essentiels pour la promotion de l’évènement, qui sont souvent confiés à des entreprises extérieures. Dès lors, pour les fonctions de permanence téléphonique ou d’accueil, les festivals recourent généralement aux emplois à temps partiels.

D’autre part, dans la plupart des cas les fonctions de sécurité, de montage ou de nettoyage sont assurées par les agents municipaux mis à disposition par les mairies.

Nous pouvons donc constater ici que les besoins d’emplois permanents sont très restreints et ne génèrent qu’un infime impact local.

5.2 Les emplois liés à la production artistique : les intermittents du spectacle

La majeure partie de la masse salariale des festivals se concentre dans la production artistique, regroupant les artistes et techniciens engagés sur toute la durée de l’évènement.

Les artistes interprètes qu’ils s’agissent de danseurs, comédiens et dans notre cas de musiciens, sont considérés comme intermittents du spectacle lorsqu’ils sont sur scène, en travail de répétition ou de représentation.

Pour ces intermittents, artistes et techniciens compris, le caractère estival des festivals leur fournit un complément d’activité pendant une période de l’année où les équipements culturels permanents ralentissent la leur.

Ainsi les artistes ont tendance à « faire la tournée » des festivals l’été afin de continuer de « rentabiliser » leurs oeuvres.

D’après l’étude de 2005 d’Emmanuel Négrier dans son ouvrage Les Nouveaux territoires des festivals, un festival de musiques (tous genres confondus) emploie en moyenne 225 artistes, dont 147 français et 78 étrangers. Concernant l’emploi d’artistes interprètes issus de la région de rayonnement du festival, sur 65 festivals de l’échantillon d’Emmanuel Négrier, 2 014 artistes sont des « régionaux ». Sur une moyenne générale de 227 artistes par festival, cela représente une part de 13,5%, soit 31 artistes « régionaux » par évènement.

Tableau 9 LES FESTIVALS DE MUSIQUES ACTUELLES EN MILIEU RURAL EN FRANCE Simple fonction culturelle ou vecteur de développement

Reproduction du tableau de la page 117

La médiane de l’échantillon étant de 10 artistes « régionaux », on peut faire l’hypothèse que quelques festivals ont une pratique bien plus supérieure dans ce domaine. De plus, en observant le tableau précédent nous pouvons constater que 17 festivals sur les 65 déclarent ne programmer aucun artiste de la région de rayonnement.

Évidemment il s’agit là de données ayant pour simple objectif de transmettre une image approximative. La question des relations entre artistes et territoire étant trop sérieuse pour être examinée par quelques chiffres, nous ne nous y attarderons pas plus longtemps, faute d’études plus récentes et précises à ce sujet. (cf. partie 9.3)

5.3 Les emplois saisonniers et collaborations ponctuelles : job d’été, stage et bénévolat

Nous venons de voir que la masse salariale des festivals se concentre essentiellement dans l’emploi d’intermittents. Pour le déroulement même de la manifestation, les festivals ont recours à un nombre appréciable de saisonniers et stagiaires. Mais leur principale spécificité résulte dans l’importance du bénévolat qui représente en moyenne 60% de leurs « emplois ».

Ainsi pour toutes les tâches ne nécessitant pas de compétences spécifiques (accueil des visiteurs, contrôles des accès de secours, buvettes et autres ventes ambulantes…) les festivals s’appuient énormément sur la participation bénévole.

Le festival de Jazz in Marciac par exemple emploie chaque année une moyenne de 700 bénévoles sur toute la durée de son évènement.

Pour les petites manifestations le bénévolat permet de compenser le manque de moyens financiers, faute desquels elles ne pourraient avoir lieu. Un certain nombre de festivals se fondent même entièrement sur le bénévolat, même ceux disposant d’un budget considérable. Et cela est évidemment bénéfique pour les régions en tant que mobilisation de la population et de cohésion sociale. (cf. partie 2.2)

Quant aux emplois saisonniers ils bénéficient avant tout aux jeunes locaux, leur offrant ainsi des « jobs » d’été toujours très recherchés. Faire participer en priorité les jeunes -de 16 à 24 ans en moyenne- revient à faire preuve de pédagogie et peut être même à déclencher auprès d’eux des vocations.

Le cas des Eurockéennes de Belfort à ce sujet est exemplaire : il constitue « une des plus importantes source d’embauche de l’Est », selon son directeur Jean-Paul Roland. Ce festival est l’un des rares à ne pas faire appel à de la main d’oeuvre bénévole. Par la convention qui lie son association au Conseil Général (cf. partie 6.3), il respecte une initiative politique destinée à satisfaire les jeunes de la région en se positionnant comme créateur de « jobs » d’été. Pour cela il emploie environ 500 jeunes de Franche-Comté en priorité, pour des emplois saisonniers variant entre trois jours et un mois.

– Conclusion

Comme nous pouvons le voir quant à la structure même de la partie qui se révèle assez brève, l’hypothèse d’une véritable dynamique en matière de création d’emplois locaux semble compromise.

Tout d’abord, les données dont nous disposions s’avéraient toutes assez vastes, les études précises à ce sujet étant pratiquement inexistantes. L’IRMA qui est pourtant une référence indéniable ne mentionne les emplois que par catégories en ne prononçant que très peu de chiffres. Quant à Emmanuel Négrier et Luc Bénito, ils expliquent eux-mêmes être contraints à cette difficulté, les organisateurs répondant à la question étant assez rares.

Il est indéniable que les festivals sont générateurs d’une certaine dynamique en termes de créations d’emplois mais à l’exception de quelques postes administratifs tous les emplois réclamant une certaine compétence sont assurés par des intermittents du spectacle souvent extérieurs à la localité.

Les emplois locaux sont tous non qualifiés et se présentent au mieux sous la forme de contrats à durée déterminée et au pire comme des « jobs » d’été. De même le caractère saisonnier tend à renforcer leur précarité.

Malgré cela, les localités attentives aux retombées économiques ne ménagent pas leur soutien aux festivals qui représentent au moins 150 000 emplois saisonniers. Le festival d’Avignon par exemple génère en moyenne 1 000 emplois chaque année.

Mais le caractère important du bénévolat démontre que l’impact des festivals en tant que vecteur de créations d’emplois au sein des territoires est assez réduit.

En revanche, il engendre un véritable dynamisme en ce qui concerne la mobilisation de la population locale et une forte cohésion sociale.

6/ L’attractivité des festivals : une stratégie de développement du tourisme local ?

Suite à ce constat assez défavorable au sein de l’hypothèse principale de ce chapitre s’appuyant sur le fait que les festivals ont un impact sur le développement territorial et culturel, nous continuerons notre analyse sur les motivations de l’implication financière des acteurs locaux à l’égard des festivals. Ainsi nous nous interrogerons sur l’attractivité de ces manifestations culturelles au sein de la stratégie du développement du tourisme local.

Il s’agira d’une réponse à l’étude quantitative des retombées des festivals sur l’industrie touristique réalisée précédemment. Comme nous l’avons évalué, l’impact des festivals sur le tourisme s’explique par l’image et la notoriété qu’ils apportent à la localité : les dépenses des festivaliers ainsi que les retombées économiques sur les nombreux emplois des secteurs gravitent autour de l’industrie touristique (hôtellerie, restauration, transports et commerces en général).

Au cours de cette partie, nous verrons comment et par quels moyens les festivals contribuent à cette stratégie du développement touristique des territoires, qui est l’une de leur priorité en termes de ressources économiques.

6.1 La crise économique actuelle : impact sur les budgets loisirs et cultures des familles

Avant d’évoquer cette question, il convient d’introduire cette partie par une brève analyse des budgets vacances des familles en France. Étant en période de crise économique il semble aussi important d’étudier ses éventuelles conséquences sur les budgets loisirs et culture des ménages.

– Les budgets culture et loisirs

Il est inévitable que la crise modifie les besoins des consommateurs étant donné qu’elle engendre une baisse du pouvoir d’achat. Nous pouvons être logiquement amenés à penser que les budgets loisirs et culture sont les premiers à connaitre une baisse.

Cela s’atteste par une étude de Logic-Immo et DirectPanel Research menée en 2009 auprès de 626 français : les consommateurs confirment réduire en priorité leurs dépenses culturelles (64 % des sondés) et de loisirs (62%) en vue de maintenir leurs budgets sur les postes jugés essentiels (dépenses alimentaires, santé et bien-être, Internet et téléphone).

Depuis cinquante ans les dépenses de loisirs et de culture ont connu l’une des plus fortes croissances : de 1960 à 2007 leur part est passée de 10 à 16 %. D’après une étude de l’INSEE réalisée en 2008, il ne s’agit pas réellement d’une baisse du budget culture et loisirs enclin au ralentissement du pouvoir d’achat, mais d’un simple repli de la part des ménages qui arbitrent en faveur d’autres dépenses.

La part des dépenses réservée à la culture et les loisirs varie fortement selon le niveau de vie. En 2008, les ménages les plus aisés lui consacraient 11,1 % de leur budget contre 6,4 % pour les ménages les plus modestes.

Si on analyse plus en profondeur les conséquences de la crise économique, la nature des dépenses touchées ne sont fort heureusement pas celles qui nous intéressent au sein de notre étude. En 2002 à 2007, c’est la vente de disques qui a été la plus atteinte avec une diminution de 50% ainsi que la consommation de journaux dont la baisse s’est accentuée.

A l’inverse, il a été perçu une hausse de la part du budget loisirs consacrée aux voyages à forfait, aux week-ends ou aux spectacles culturels. Ainsi les dépenses pour les spectacles culturels qui étaient en recul depuis les années 1990 connaissent une légère croissante depuis 2008. Ce fait est notable en majorité au sein des ménages les plus aisés, les plus modestes préférant quant à eux consacrer leurs budgets loisirs pour les équipements de télévision ou hi-fi, le jardinage ou les animaux de compagnie.

Même si le budget culture et loisirs des ménages a subi une légère diminution, il reste tout de même bien placé au sein de leur budget global quel que soit leur niveau de vie. En 2006, il représentait en moyenne 11 % des dépenses totales des ménages, se plaçant entre la catégorie « biens et services » (13%) et « habillement » (8%) (cf. graphique 7). Enfin, toujours d’après l’INSEE, l’année 2010 est marquée par une reprise des dépenses de consommation par les ménages (+ 1,3% en volume, après + 0,1% en 2009). Ce regain concerne quasiment tous les secteurs en particulier les dépenses en matière d’alimentation et d’habillement ainsi que celles en hôtels, cafés et restaurant.

Ainsi, les conséquences de la crise économique sur les budgets sont à relativiser. Le cinéma par exemple ne s’est jamais aussi bien porté, malgré des tarifs qui ont fortement augmenté ces dix dernières années.

La pression qu’exerce la crise économique sur les foyers engendre un besoin de se divertir certainement en vue de « décompresser ».

Enfin, il faut tout de même noter que la culture se positionne toujours après les dépenses de loisirs aux seins des ménages.

– Les budgets vacances

Malgré la crise économique, plus de la moitié des français a continué à partir en vacances en 2008. Néanmoins ils ajustent leurs dépenses : ils décident de partir moins loin et moins longtemps. La majorité des familles choisissent de rester en France et de réduire leur budget pendant leur séjour, en réalisant des économies sur la restauration ou en pratiquant moins d’activités de loisirs payants. Par ailleurs en 2008, 19 % des français ont bénéficié d’une aide pour leurs départs, des « chèques vacances » principalement.

Dans ce contexte, le Ministère a mis en place des aides personnalisées, en fonction de la situation économique et sociale des personnes concernées. Le ministère de la Culture et de la Communication, en réponse à sa priorité politique de faciliter l’accès à la culture et d’en favoriser une meilleure diffusion sociale, en décrit ainsi les qualités : *

« Le développement des « chèques vacances », utilisables dans 4000 lieux culturels (701 musées, 523 théâtres et opéras, 362 cinémas, 257 festivals, 471 monuments historiques, 707 écoles de musique et conservatoires et 15 centres d’art contemporain…). »
D’après une étude du Ministère à ce sujet en 1998, sur les 4 millions de français bénéficiaires, 400 000 d’entre eux ont accédé à un lieu culturel par ce moyen de paiement.

En 2008, 19 % des français ont bénéficié de ces « chèques vacances ».

– Tarification des festivals

Enfin, il semble intéressant de mentionner ici la tarification des festivals. Cela évoque non seulement le niveau des prix consentis mais aussi le lien entre le prix des places et l’ouverture des concerts à des publics éloignés du spectacle vivant qui est tout sauf direct. En effet nous pouvons noter le fait que la distance entre le public et le spectacle n’est pas seulement financière et spatiale mais aussi sociale et psychologique.

Cette brève mention de la tarification est aussi en lien avec l’économie des festivals précédemment étudiée, où nous avons pu voir combien les recettes propres étaient cruciales dans les budgets : 36,5% en moyenne.

De même, elle nous amène à évoquer la question de la gratuité, qui est divisée entre deux positions opposées : ceux qui estiment qu’elle est une juste contrepartie du fait que les festivals bénéficient de volumineuses subventions publiques et ceux qui considèrent que le prix n’est pas un facteur essentiel d’ouverture sociale et reste un marqueur symbolique et pratique de tout spectacle.

Ainsi le prix moyen d’un billet de festival de musiques actuelles est recensé à 19 € par le Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz –dit CNV.*
Concernant la question de la gratuité, elle peut être compréhensible et appréciable lorsqu’elle concerne un festival hors norme et très fructueux. En revanche pour un festival de musiques actuelles se développant en milieu rural et contribuant déjà énormément au développement local, elle ne semble pas être envisageable. Nous verrons durant la partie 7 que ce genre de festivals propose qu’en même des services gratuits en dehors de leur programmation, en nous appuyant sur les exemples des Vieilles Charrues, de Musicalarue et de Jazz in Marciac.

6.2 Animations locales et attraction touristiques

Nous pouvons constater suite à cette première partie introductive que malgré la crise économique, les français disposent toujours d’une part de leur budget réservée aux loisirs et à la culture et que les dépenses liées aux spectacles vivants s’affirment en hausse. De plus les ménages continuent de partir en vacances, en préférant tout de même des séjours moins exotiques et moins longs et en faisant bien sûr attention à leurs dépenses durant leur séjour.

Au cours de cette partie nous allons nous pencher sur le service d’animation aux vacanciers que fournissent les festivals. Ici nous nous baserons sur le caractère saisonnier des festivals, en nous appuyant sur le fait qu’ils se concentrent en majorité sur la période estivale (nous étudierons la question de la saisonnalité plus en profondeur dans la partie suivante).

Qu’il soit de renom ou pas, un festival fait partie de l’offre locale de services touristiques disponible pour des touristes qui ne sont pas spécialement venus pour l’évènement. Il s’agit ainsi principalement de vacanciers séjournant sur les lieux et pour qui le festival offre un service complémentaire sous la forme d’une sortie. Au sein de cette mention de « touristes » il faut aussi prendre en considération la présence croissante de touristes d’affaires, de catégories sociales généralement supérieures, pour qui la participation à un festival prestigieux fournit une animation pendant un déplacement professionnel.

L’attractivité touristique d’un festival s’explique par son esprit festif et la mobilisation locale qu’elle engendre. Comme nous l’avons vu durant la partie 2, sa communication contribue à fortifier l’image et ainsi l’identité locale de son lieu d’implantation. De même, la population démontre une certaine fierté et une part de reconnaissance envers cette manifestation animant leur commune, surtout pour les rurales étant souvent particulièrement isolées.

Pour les touristes, un festival représente un loisir original changeant des activités vacancières ordinaires. De plus son prix est accessible et assez raisonnable comparé à d’autres services touristiques (piscines, musées, visites, restaurants…). Le principal objectif pendant les vacances est de se dépayser, de rompre avec le quotidien. Pour les vacanciers un festival culturel est un moyen de changer leurs habitudes, de retrouver un esprit de convivialité et d’animer leurs soirées (la plupart des représentations ayant lieu le soir).

Ainsi pour répondre à la question de la tarification des festivals, évoquée précédemment par le biais de la mention de « la distance entre le public et le spectacle qui n’est pas seulement financière et spatiale mais aussi sociale et psychologique », les festivals contribuent à abaisser ces barrières symboliques de l’élitisme présent dans la culture. Ce phénomène s’explique par le fait que leur programmation est proposée dans un cadre beaucoup plus accessible et ici dans un « cadre vacancier ». Mais d’une façon plus générale, les festivals se présentent en plein air, en dehors des structures culturelles classiques qui sont souvent appréhendées comme austères pour les publics non-sensibilisés.

De plus, l’animation des festivals ne se limitent pas uniquement aux spectacles programmés. L’exemple le plus significatif est très certainement le festival annuel des musiques du monde Les Suds à Arles. En plus de sa programmation il propose des stages de danses et de cuisine provençale, un cinéma en plein air, des rencontres avec les artistes programmés… De même il est à l’initiative d’un parcours gourmand qui commence avec un « déjeuner musical », se poursuit avec des « apéros dédicaces », des « repas de quartiers », des « siestes musicales », des « thés à la menthe » chez un disquaire local et se termine avec des fins de nuits au bord de la mer avec une parade de percussionnistes où les festivaliers peuvent déguster des coquillages.

Par conséquent les associations peuvent faire preuve d’initiatives d’activités supplémentaires faciles à monter et pouvant s’avérer très originales.
En dehors du temps et des lieux de représentations, des artistes voire même la mairie s’appuient sur la manifestation principale pour organiser de nombreuses autres animations telles que des concerts gratuits en vue de prolonger l’esprit du festival.

C’est en ce sens que les festivals sont porteurs d’une dynamique qui contribue à faire régner une ambiance festive dans la commune et ses alentours et à laquelle sont sensibles les touristes en quête perpétuelle d’animation.

– Conclusion

Ainsi un festival contribue à animer le territoire alentour, attirant les vacanciers de passage séduis par son esprit de fête et les amenant à visiter la commune d’implantation où ils n’auraient peut-être pas songés à venir sans sa présence. En outre un festival peut avoir une conséquence quant au choix de la destination d’un futur vacancier qui, intrigué par sa communication, peut envisager de venir visiter la région afin d’assister à la manifestation.

6.3 Le développement touristique sur le long terme

– Une demande de festival de types touristiques

Comme nous l’avons vu, les leviers de développement touristique des festivals sont nombreux et ces potentialités en termes de communication n’ont pas échappé aux collectivités territoriales, qui depuis quelques années commencent à prendre l’initiative de la création des festivals.

Les festivals « touristiques » ont été conçus dans les années 1970 suite à l’impulsion de la caisse des monuments historiques. Dès lors ils avaient pour but de susciter une fréquentation nouvelle dans une ville ou un site touristique par l’animation des lieux (cf. déf. termes). Aujourd’hui ce type de festivals a pris une telle ampleur en fusionnant avec les festivals dits « d’images » qui eux ont pour principal objectif d’engendrer des impacts en termes de notoriété, que certains médias parlent d’une nouvelle génération de festivals.

Pour illustrer ce point, citons le cas Eurockéennes qui est une initiative avant tout politique. Ce festival est né en 1989 d’une volonté du Conseil Général du territoire de Belfort de créer un évènement pour la jeunesse du département et se doter par la même occasion d’un puissant vecteur de communication en vue d’accroitre sa fréquentation.

Ainsi le Conseil Général a confié l’organisation de la manifestation à une association de la loi 1901, Territoire de Musiques. Cette convention lie l’association à la collectivité en échange d’une subvention substantielle et fixe ses propres objectifs, notamment en termes d’ouverture vers les jeunes et d’accessibilité de la manifestation.

– Un développement touristique souvent indirect

En revanche il convient de mentionner le fait qu’attirer les touristes est souvent indépendant du projet artistique du festival. A l’image du festival Musicalarue qui à la base est une fête de village qui a bien tourné, comme le stipule son programmateur Bastien Perez. (cf. entretien 2) Il contribue au développement touristique par les nombreux habitués qui reviennent chaque année à Luxey exprès pour son festival.

De même pour Jazz in Marciac, festival bien plus conséquent que Musicalarue par son actuel renom au sein du milieu du jazz, qui attire un afflux important de visiteurs et a engendré de manière totalement indirecte un fort développement touristique au sein de son département. En effet dans le Gers l’évènementiel est l’un des points forts structurant son tourisme, lui permettant d’affirmer le positionnement de son département sur le marché. Or Marciac constitue de loin la principale manifestation avec environ 200 000 visiteurs chaque année (dont 50 000 payants en moyenne), soit plus de 16 % de la fréquentation évènementielle totale. De plus, on peut noter que la majorité des festivaliers (environ 78 %) viennent spécifiquement dans le Gers pour assister à cette manifestation.

Mais cette ampleur actuelle est indépendante de la volonté première de Jean-Louis Guilhaumon, son directeur artistique, qui souhait à la base simplement animer la vie locale de ce village gersois de 1 250 habitants.

Par ailleurs il est important de relativiser en ce qui concerne la saisonnalité des festivals. La « fièvre festivalière » atteint son pic en juillet mais cela ne signifie pas que tous les festivals ont lieu sur la période estivale.

Comme l’explique Emmanuel Négrier dans Les Nouveaux territoires, « contrairement à une idée reçue festival ne rime pas nécessairement avec estival. Si l’été reste l’apanage de beaucoup de festivals méridionaux, 30 % des évènements se situent en dehors de toute saison touristique. »

En observant le graphique 8 sur la répartition des festivals selon leur saisonnalité, extrait de l’ouvrage Les festival en France, marchés, enjeux et alchimie de Luc Bénito, on peut constater que 34 % des festivals ont lieu hors de la période estivale : 7 % en hiver, 14 % en automne et 13 % au printemps. Ces données datent de 2001 mais restes assez stables au fur et à mesure des années, deux-tiers de la programmation festivalière se concentrant toujours l’été.

Il est vrai que l’organisation d’un festival estival s’avère, outre la rude concurrence sur cette période, un choix stratégique. Mais il n’est pas forcément lié au tourisme. D’après Luc Bénito, « cette répartition confirme la tradition de plein air pour des manifestations largement dépendantes de bonnes conditions climatiques, logiquement plus propices pendant la période estivale et dans les régions du Sud de la France. »

– L’apport complémentaire des festivals aux régions déjà fortement touristiques

La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur arrive en tête du classement de la répartition totale des festivals en France avec une part d’environ 13 %, soit une concentration de 91 festivals.* Ainsi les festivals sont un élément quasiment inséparable à l’identité de la région, comme l’illustre l’intitulé de son guide culturel édité par l’Office régional de la culture : Provence, Terre des Festivals.

Mais qu’est-ce que les festivals apportent en termes de développement touristique pour ce type de région déjà fortement attractive à ce niveau-là ?
Les festivals font certes partie de leur offre locale de services touristiques. Mais pour ce genre de territoire où l’économie repose énormément sur les périodes estivales marquées par l’afflux touristique, les festivals contribuent à prolonger leur séjour en favorisant la concentration de visiteurs hors saison.

De plus, les festivals sont un fabuleux vecteur de fidélisation des touristes. Cette spécificité s’explique par leur attractivité durable et par le renouvellement de leur programmation d’une année sur l’autre, contrairement à un monument qui lui ne permet pas un tel renouveau de contenu. Le festival Jazz in Marciac par exemple comprend un solide socle d’habitués parmi son public, venus six fois ou plus, qui représente un quart des festivaliers.

De même pour le festival Musicalarue, son programmateur affirmant qu’il dispose d’un public fidélisé, prenant exprès des vacances pour pouvoir venir assister à l’évènement. (cf. entretien 2)

– Le tourisme étranger

Les festivals contribuent au rayonnement culturel que la France entretien avec le monde, en offrant une image de territoires animés.
De même, l’envergure de certains festivals permet d’attirer et de susciter le développement du tourisme étranger. Les retombées restent évidemment à relativiser mais il est tout de même intéressant de les mentionner.

La proportion est assez modeste en générale, pour le festival Jazz in Marciac le public étranger représente entre 5 à 8 % de ses festivaliers.

Quant aux Eurockéennes jouissant d’une situation géographique frontalière, elles attirent à peu près 5 % de spectateurs étrangers, essentiellement suisses et allemands.

Le festival à la plus grande renommée internationale de France est certainement le Hellfest. Par sa programmation uniquement portée sur le métal et ses genres dérivés, il arrive largement en tête du classement avec 25 à 30 % de public étranger sur la totalité de ses festivaliers. Sur les cinquante nationalités présentes en moyenne, la grande majorité se compose de norvégiens, anglais, italiens et espagnols. Pour eux le Hellfest représente la référence européenne en termes de festival de métal, devançant son principal concurrent anglais le Download qui lui propose une programmation légèrement plus axée sur le punk rock et le rock alternatif. Bien évidemment il s’agit-là encore une fois d’un festival implanté en milieu rural, plus précisément dans la petite commune de Clisson dans la région Pays de la Loire. (cf. planche 7) Pour donner un exemple de son succès, il attire en moyenne 80 000 visiteurs chaque année sur une durée de trois jours.

Conclusion : étude de cas : le festival des Vieilles Charrues

Le festival des Vieilles Charrues est un festival de musiques actuelles qui a pour habitude de réunir des stars internationales et nationales, des arts de rues ainsi que des artistes émergents avec son tremplin des Jeunes Charrues.
Il accueille plus de 170 000 spectateurs durant quatre jours chaque année à la mi-juillet, sur la commune de Carhaix-Plouguer dans le centre Finistère en Bretagne. Le prochain Festival des Vieilles Charrues (21ème édition) se déroulera du 19 au 22 juillet 2012. (cf. planche 5)

– Historique du festival

Les Vieilles Charrues sont nées en 1992, à l’initiative d’une bande d’étudiants «centre-bretons» qui voulaient répondre aux rassemblements des Vieux Gréements de Brest.

Il s’agissait à la base d’un rassemblement entre amis, organisé chaque année par une quinzaine d’étudiants brestois pour fêter la fin des examens. Comme l’explique Jean-Jacques Toux, programmateur des Vieilles Charrues, « On invitait les copains des copains, qui invitaient à leur tour, la copine de la copine.

On s’est vite retrouvé à 500 personnes. »* Cette « fête entre copains » qui se déroulait dans la petite commune voisine de Carhaix, à Landeleau a rapidement pris de l’ampleur, où chacun amenait un instrument pour jouer.

L’été 1993 2 000 étudiants se sont manifestés, puis 5 000 en 1994 où les initiateurs ont organisé leur premier concert avec Dolly&Co et Les Satellites. Le succès fut immédiat.

En 1995, le rassemblement se déplaça à Carhaix et les organisateurs eurent cette fois l’envie de monter un véritable festival de musique.

Aujourd’hui, les Vieilles Charrues sont devenues le plus grand festival de musiques actuelles de France en termes de fréquentation (270 000 entrées en 2012, dont 212 000 payantes). Cet afflux phénoménal est attiré au coeur de la verdure du magnifique site de Kerampuilh par son fort esprit festif et de convivialité, mise en avant par son énergique communication.

Depuis le début des années 1990, Ben Harper, Patti Smith, The Cure, James Brown ou encore Iggy Pop s’y sont produits. C’est désormais le premier festival rock de France et l’un des dix premiers d’Europe.

– Emploi

Doté d’un budget global dans les environs d’11 millions d’euros financé à hauteur de 90% par des recettes propres et tout au plus par 1% de subventions institutionnelles, les Vieilles Charrues reversent une partie de leurs bénéfices pour le développement du tissu associatif et culturel du centre Bretagne.
L’équipe du festival compte 12 salariés permanents à l’année. Et au-delà de ces emplois, les Vieilles Charrues ont créé dans la région l’équivalent de 100 postes à l’année. Au moment de la manifestation, ce sont 5 500 bénévoles réunis pour la plupart en associations et plus de 500 personnes salariés pour des contrats plus ou moins longs qui rejoignent l’organisation du festival.

– Tourisme

La commune de Carhaix compte en hiver autour de 8 000 habitants. Comme l’explique le président d’honneur de l’association des Vieilles Charrues Christian Troadec, « la population locale s’est tout de suite appropriée les Vieilles Charrues. C’est devenu le festival de tous. »

En ce qui concerne le tourisme, l’office de Carhaix confirme que « le festival est une locomotive dans les salons de tourisme. »

La spécificité des Vieilles Charrues à ce sujet est son festival de printemps. Depuis 2007, l’association fête l’arrivée du printemps à Carhaix et la « fin de son hibernation » en organisant Les Vieilles Charrues Remettent le Son (en 2010 elles prirent le nouveau nom de les Charrues dans la Rue). Depuis tous les ans en mars en plus de l’édition estivale, a lieu cet évènement présentant la même qualité de programmation que l’officiel et engendrant une fréquentation hors saison phénoménale. De plus ce rendez-vous convivial affiche une plus large ouverture artistique en mettant en avant les artistes émergents de la région.

* Source : IACONO AGNÈS, L’industrie festivalière confirme son rôle moteur du développement local, Les Echos n° 18449, 20 Juillet 2001 p. 6
* Source : F.D.B., De la fonction culturelle du festival, revue Cahier-Espace n°31, 1993
* Tous les tableaux présentés durant cette partie 4 sont des reproductions de ceux d’Emmanuel Négrier dans son ouvrage Les nouveaux territoires des festivals, 2007
* Sources : 1. INSEE – Populations légales de la commune de Carhaix-Plouguer – 2008, 2. Chiffres officiels soit environ 100 000 entrées payantes sur toute la durée du festival, 3. Chiffres officiels soit environ 50 000 entrées payantes sur toute la durée du festival
* Source : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/democratisation/faciliter.htm
* Source : CNV, étude de la perception de la taxe sur les spectacles de variétés, Éléments statistiques sur la diffusion des spectacles de variété et de musiques actuelles en 2005, Paris, 2006.
* Source : BÉNITO LUC, Les festivals en France, marchés enjeux et alchimie, 2001 (Chiffres 2012 de la région PACA : « 250 festivals, 1800 spectacles consacrés au spectacle vivant l’été dernier », d’après le site www.laregie-paca.com)
* Source : résumé de la Conférence du Hellfest 2012, http://www.lesacteursdelombre.net/webzine, avril 2012
* Source : Entretien avec Jean-Jacques Toux, Vie étudiante – Portraits et interviews, www.letudiant.fr

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