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IV. Corpus

Non classé

Ce corpus est toujours composé de trente images réparties sur les même marques de luxe : Dior, Chanel, Hermès, Louis Vuitton, Lanvin et Yves St Laurent des marques d’origine française ainsi que Prada, Versace, Dolce & Gabbana et Gucci des marques d’origine italienne. Après avoir étudié une publicité par marque dans la saison printempsété 2002, 2004 et 2006, nous allons maintenant analyser les publicités de printemps-été 2008, 2010, 2012 afin de voir l’évolution de la communication de ces marques de luxe dans le secteur de la mode.

1. Publicités printemps-été 2008

a. Description du corpus

Toutes ces publicités (illustrations au verso) sont issues de campagnes de la saison printemps-été 2008. Ces publicités ont été diffusées en France et à l’international dans un format majoritairement 4×3 contre seulement trois publicités au format presse (Dior, Prada, Yves Saint Laurent).

Les publicités retenues sont toute pourvues d’un logotype dont la taille est majoritairement supérieure ou égale à un tiers de la largeur (Chez Dior le logo occupe les ¾ de la largeur de la publication, ½ pour Gucci et Dolce & Gabbana, 1/3 chez Lanvin et Yves Saint Laurent et toute la largeur de la page chez Prada). La position du logotype est en moyenne centrée (cinq pub sur dix) lorsque celui-ci n’est pas disposé dans un coin bas de la publication et une fois de plus il est rare de retrouver un logotype visible sur les produits avec seulement Louis Vuitton et Prada dont la marque est reconnaissable par le motif au logotype pour Louis Vuitton et le nom de la marque sur le sac à main chez Prada.

Comme dit précédemment nous disposons de sept publicités contre trois au format à l’italienne, format adapté pour raconter une histoire puisqu’il nous plonge dans un univers et stimule nos émotions(203). Du point de vue cadrage nous avons une majorité de plans larges ce qui est en adéquation avec la forte utilisation du format à l’italienne ainsi qu’une prédominance de paysages urbains ( à défaut d’une image utilisant un fond neutre et trois un décor rural). A l’exception de Chanel, toutes les publicités sont en couleurs avec une utilisation majoritaire de tons chauds. L’utilisation du noir et blanc semble avoir pour fonction de marquer un temps, comme un souvenir.

Du point de vue des mannequins, les poses de groupes restent minoritaires mais de peu à quatre contre six. En effet nous retrouvons six mannequins chez Louis Vuitton, trois chez Dolce & Gabbana et deux chez Prada et Dior. A noter que dans les publicités de deux ou trois mannequins, celles-ci se ressemblent fortement (lorsque ce ne sont pas deux images de la même personne comme chez Prada) jusqu’à créer des impressions de symétrie, de double et donc de complémentarité. Les cheveux se veulent plutôt longs et ondulés comme un symbole de féminité et lorsque ce n’est pas le cas, l’inverse est plutôt radical :
cheveux courts plaqués chez Dior avec une de ses mannequins en robe et l’autre en pantalon (on peut y voir des symboles de dualité, d’androgynéité, de deux femmes de pouvoir), cheveux attachés en queue de cheval serrée chez Hermès, le mannequin vêtue d’un pantalon, cheveux de même attachés chez Lanvin avec une femme certes en robe, mais en rien féminine pour autant. On remarque d’ailleurs qu’aucune de ses jeunes femmes aux allures androgynes n’a la bouche ouverte, contrairement aux sept autres.

Comme si la bouche ouverte était en soit un symbole de féminité de par son invitation au baiser et la bouche fermée marquait une certaine affirmation de soi. Quoiqu’il en soit, 2008 marque le déclin des codes liés à la nudité : seulement quatre publicités ont utilisé des codes comme la peau reluisante liée au bronzage marqué, trois ont affiché un semblant de nudité (des jambes nues chez Versace et Chanel et le port d’une veste cachant une poitrine nue chez Yves Saint Laurent).

b. Analyse du corpus

Le luxe représenté par ces dix publicités se veut un mélange de plusieurs pistes : tout d’abord l’abandon au fur et à mesure des codes liés au porno chic : la nudité n’est que très peu représentée et lorsque c’est le cas elle est loin d’être choquante. Plusieurs « thématiques » se côtoient avec la dualité des sexes et leur androgynéité, des thèmes comme celui du voyage apparaissent avec un décor un peu mystique chez Lanvin, la voiture chez Louis Vuitton, les éléphants chez Hermès. La femme représentée dans ces publicités se veut ambivalente, tantôt très féminine tantôt androgyne, elle se veut urbaine et sait ce qu’elle veut. Chez Louis Vuitton la femme reste encore objet de luxe associée à une voiture de collection et chaque mannequin portant son sac. Il en est de même chez Prada et Yves Saint Laurent où chaque mannequin arbore fièrement la maroquinerie de la marque. La femme fatale (regard direct avec bouche entre-ouverte, attitude las, cheveux longs souvent bouclés) est encore un thème très abordé mais chez Chanel on sent arriver une femme fatale différente : toujours pin-up mais à l’attitude glamour plus que sexy.

2. Publicités printemps-été 2010

a. Description du corpus

Toutes ces publicités (illustrations au verso) sont issues de campagnes de la saison printemps-été 2010 dans un format une fois de plus majoritairement 4×3 avec quatre publicités au format presse.

Les publicités retenues sont toute pourvues d’un logotype sauf chez Gucci. La taille de celui-ci est à six publicités contre une, supérieure ou égale à un tiers de la largeur (1/3 chez Louis Vuitton, Lanvin et Yves Saint Laurent, ½ chez Prada et Versace et 100% de la largeur de la publication chez Dolce & Gabbana). La position du logo varie entre le centre de la page (3/10), le coin droit en bas (4/10) ou le haut de la page (2/10) et malgré cela, on ne retrouve que sur deux publicités le logotype sur un produit : Chez Dior on remarque le D de la marque sur le sac et nous retrouvons l’éternel motif de Louis Vuitton sur là aussi, le sac du mannequin. Du point de vue cadrage, les plans moyens et larges dominent à six publicités contre trois au format américain et un portrait chez Prada avec pour huit d’entre elles un paysage urbain (Prada utilise un fond neutre blanc et Louis Vuitton plonge sons héroïne dans un décor de verdure). Niveau colorimétrie, une fois de plus nous avons une seule image en noir et blanc et cette fois-ci il s’agit de Dolce & Gabbana mettant en scène la chanteuse Madonna. Celle-ci affairée à une table de cuisine nappée de dentelle et recouverte de tomates arbore une croix autour du cou(204) tombant entre les seins de son décolleté pigeonnant. Ses cheveux sont blonds comme sept autres publicités (Deux brunes chez Lanvin et une rousse chez Dior) et mi- longs. Contrairement à 2010, un seul mannequin arbore une coupe androgyne (Yves Saint Laurent).

En 2010 on observe un certain mouvement chez Hermès, Lanvin mais aussi beaucoup d’attitudes lasses avec chez Louis Vuitton et Versace un regard direct et une bouche entre ouverte. On pourrait presque sentir une tension sexuelle chez Dior avec un mannequin au regard direct, les lèvres rouges posant lascivement sa main sur des stores à travers lesquels passe le soleil. La jeune femme porte un trench court mais ne semble porter en dessous qu’une simple nuisette. La scène pourrait presque faire penser à une scène ou deux amants se retrouvent en cachette, l’amant étant le lecteur.

b. Analyse du corpus

La séduction est bel et bien présente. Que ce soit par des attitudes las, des bouches entre ouvertes, des décolletés pigeonnant. Néanmoins cette séduction reste glamour : chez Louis Vuitton on pourrait d’ailleurs presque reconnaitre un sosie de Brigitte Bardot(205).

Glamour, la femme se veut aussi joueuse dans son rôle de séduction : regard envoûtant chez Dior, couettes enroulées au bout des doigts chez Prada. Quoiqu’il en soit entre le sosie de Brigitte Bardot, Madonna en noir et blanc ou les contes d’Hermès il semblerait que l’on puisse apercevoir un certain appel au passé. Ce passé peut se manifester par une référence dans le temps : Madonna (et son tube Like a Virgin) associé au décor en dentelle et à la colorimétrie en noir et blanc nous plonge dans l’Italie d’antan ; Hermès nous ramène à notre enfance faisant appel au conte de Cendrillon ou encore Yves Saint Laurent qui par son décor à la Mondrian nous rappelle ses origines et notamment son succès de la robe Mondrian. Du point de vue de cadrage nous sommes toujours dans cette idée de raconter une histoire, une origine par contre on remarque qu’en majorité des cas, le logotype occupe une place importante dans l’espace de publication. On peut alors dire qu’au fil des années la taille du logo augmente ce qui nous montre que la société actuelle a besoin de consommer des marques avec un logo.

3. Publicités printemps-été 2012

a. Description du corpus

Toutes ces publicités (illustrations au verso) sont issues de campagnes de la saison printemps-été 2012. A sept contre trois, le format 4×3 prédomine avec un cadrage plutôt moyen et large afin de pouvoir retranscrire un univers se voulant toujours plus urbain.

Toutes possèdent un logotype qui une fois de plus voit sa position variée du centre aux coins supérieurs ou inférieurs de l’image. Néanmoins la taille du logotype se confirme à être de taille supérieure ou égale à 1/3 de la largeur de la publication dans la majorité des cas (6/10). Par exemple chez Versace, le logotype s’étale sur toute la largeur de la publication. Une fois de plus le logotype de la marque n’est visible sur les mannequins qu’à deux reprises chez Louis Vuitton et Prada. Néanmoins on peut reconnaitre chez Hermès le clin d’œil au célèbre carré de soie de la marque et chez Chanel le tailleur mythique qui a fait le succès de la marque. Cette référence au passé de la marque est d’ailleurs accentuée par l’utilisation du noir et blanc. Du point de vue colorimétrie celle-ci est fortement utilisée pour retranscrire une ambiance : ainsi chez Prada les couleurs se veulent brillantes dans un esprit très rétro, chez Dolce & Gabbana on observe une colorimétrie jaunie pour faire référence au passé tout comme chez Versace avec une teinte bleutée très années 80.

Du point de vue des mannequins celles-ci se retrouvent majoritairement en groupe. Portrait de famille chez Dolce & Gabbana, semblant de soirée festive chez Lanvin et véritables doubles chez Chanel, Gucci, Louis Vuitton et Prada. A noter qu’une fois de plus ces doubles se complètent comme par exemple chez Gucci avec un couple androgyne dont l’une est habillée de manière masculine et l’autre féminine ; chez Chanel les deux mannequins s’équilibrent dans un esprit de symétrie alors que chez Prada et Louis Vuitton on pourrait presque voir une opposition notamment avec la brune et la blonde. En effet en 2012 les brunes sont de retour avec la présence d’une brune sur neuf publicités sur dix.

b. Analyse du corpus

En 2012 le format à l’italienne semble s’être instauré comme format phare afin de retranscrire l’univers voulu de la marque. Univers qui une fois de plus se plonge dans le passé de la marque, son histoire. Le rapport au temps est fort avec par exemple chez Chanel une référence à l’historique de la marque et la création de son fameux tailleur, chez Dolce & Gabbana qui nous raconte l’univers transe-générationnel à travers une photo de famille ou encore Hermès qui signe sa publicité des mots « le temps devant soi ».

Entre héritage et tradition, les publicités se veulent aussi beaucoup plus oniriques avec chez Hermès un jeu de pli avec le carré de soi au vent formant une aile de papillon, et l’univers un peu mystérieux de Lanvin avec ses chapeaux haut de forme et son serpent.

L’onirisme se mêle au ludisme avec chez Louis Vuitton un cadre rose bonbon mettant en scène de jeunes femmes dont la réaction semble avoir été prise sur le vif. Et le tout se veut surtout des plus glamour avec chez Prada des pin-up élégantes ou chez Dior un jeu de plan et de lumière donnant une douceur à l’image. En 2012 on observe absolument aucune scène de nudité sur ce panel de dix publicités. Les bouches sont certes toujours entre-ouvertes mais plus dans un esprit d’incertitude, un moment saisi sur le vif, une hésitation du moment présent, une marque spontanéité. La femme de 2012 se veut donc urbaine, glamour, libre et insouciante.

3. Conclusion de ce corpus

En conclusion de 2008 à 2012 nous pouvons noter l’ascension de certaines valeurs comme l’héritage, le savoir-faire mais aussi le ludisme et l’onirisme. De ce fait, tous les codes liés au porno chic sont en déclin (nudité, peau reluisante, jambes écartées…). A noter, la peau reluisante et le bronzage marqué ont non seulement disparu avec le déclin du porno chic mais sans doute aussi avec l’ascension des préoccupations sanitaires comme le cancer de la peau.(206)

Associables à la passion du porno chic, les tons chauds(207) sont aussi en déclins laissant place à des tons froids instaurant plus de douceur, de sérénité(208).

Les mannequins sont de plus en plus à deux ou en groupe, avec l’apparition de véritables doubles lorsqu’ils sont deux ou d’une famille lorsqu’ils sont plusieurs. Chez Dolce & Gabbana, une véritable famille est mise en scène quant à Lanvin, le groupe peut s’apparenter à une tribu (même accessoires et attitude). On pourrait presque ainsi dire que le Luxe créait une complicité entre ses membres.

L’image de la femme a continué son évolution. On remarque aussi que l’emblème de la féminité(209) reste la femme blonde aux cheveux longs et bouclés (touche glamour) bien qu’il semblerait que la brune soit de retour ! Véritable femme objet auparavant, celle-ci se revendique de plus en plus libre et urbaine. Elle sait s’amuser sans pour autant abandonner son naturel et son chic comme chez Louis Vuitton où les deux jeunes femmes habillées d’une robe chic en dentelle se laissent aller chez le glacier aux murs roses(210), l’une regardant avec curiosité la glace de sa voisine. L’ambiance est à la rigolade ou à la fête, peut-être pour contrer la période morose liée à la crise comme le porno chic allait à l’encontre de la période liée à la découverte du sida et la peur du sexe. Ainsi les marques affirment leur univers, leur authenticité, leurs valeurs, leur histoire. Résolument modernes malgré cette évocation du passé elles se tournent vers l’avenir. Un avenir où la femme insouciante et libre se veut urbaine sans pour autant perdre son statut de glamour. Le rapport au temps est ainsi un thème important aujourd’hui. Il rappelle que la marque évolue mais bien qu’étant moderne la marque se veut stable, valeur sûre, une référence au
fil des années.

203 Le format à l’italienne correspond au champ de vision humain, l’image parait stable et équilibrée.
204 A la manière de son clip Like a virgin qui se déroulera en partie à Venise
205 Considérée comme certes un sex-symbol mais tout en élégance et légèreté
206 En 2012, une campagne pour maillots de bain H&M a notamment fait polémique en accentuant le bronzage de ses mannequins. Les mannequins copiées par de nombreuses jeunes filles allaient ainsi à l’encontre d’une prévention contre le soleil et le cancer de la peau.
207 Michel Pastoureau et Dominique Simmonet, Le petit livre des couleurs, Points, 2007
208 Michel Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur, Paris, Le Seuil, 2000
209 Frigga Haug une sociologue allemande explique dans son ouvrage Female sexualization, que les cheveux de la femme sont perçus comme un symbole de sa sexualité: «les cheveux ont d’une certaine manière toujours été associés à la sexualité; des allusions et des suppositions sont faites quant à des qualités cachées que les cheveux des femmes révéleraient. Les cheveux peuvent être provocateurs, ils sont perçus comme transmettant une information».
210 Le rose est symbole de tendresse, de féminité, de douceur, de séduction et de la gourmandise selon Dominique Simonnet.

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