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Chapitre II : Les principes de base de la finance islamique et le débat sur le taux d’intérêt

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Avant de commencer notre étude qui porte sur les IFI, dans la première partie nous commencerons par voir les différentes positions (classique et musulmane) et réflexion sur l’intérêt qui est le point de départ des divergences entre la finance classique et islamique.

A) Le concept traditionnel du taux d’intérêt

Le prêt à intérêt est une pratique qui a toujours été au cœur des débats entre les penseurs de toutes les époques et des différentes disciplines intellectuelles.

La problématique du prêt à intérêt et de l’usure au sens de la conception classique est différente de celle islamique qui remonte à l’antiquité. La plus ancienne preuve de la pratique du prêt à intérêt fut révélée par le code d’Hammourabi (1792 – 1686 avant J.C) gravé sur des tablettes d’argile à l’initiative du roi de Babylone (2). De nombreux savants se sont intéressés au problème du prêt à intérêt avec des argumentations plus ou moins contradictoires. Parmi ces savants de l’antiquité le plus célèbre et le plus influant fut le philosophe grec Aristote né en 384 avant Jésus Christ et précepteur d’Alexandre le grand.

Aristote, dans ses théories sur le plan économique et social reprouve sévèrement le prêt à intérêt qu’il désigne sous le nom de chrématistique pure, car pour Aristote l’intérêt est une monnaie née d’une autre monnaie. Pour lui l’argent n’est qu’un utile instrument pour la facilitation des échanges commerciaux.

Aristote trouve donc illégitime le fait de fructifier l’argent par la simple pratique du prêt à intérêt. Il va jusqu’à affirmer dans sa dénonciation de cette pratique que : « l’argent ne fait pas de petits » soulignant ainsi le caractère stérile de l’argent du point de vue de la productivité. Aristote considère que cette manière de gagner de l’argent est la plus contraire à la nature, ainsi comme la plupart des grands penseurs de son époque il soutenait que le prêt à intérêt est un moyen malhonnête de s’enrichir au détriment des plus démunis.

Contrairement à Aristote, Démosthène (384 – 322 av J.C) homme politique et orateur Athénien est moins radical et pense que le mépris d’Aristote pour le prêt à intérêt est un peu injuste. Démosthène fait remarquer que dans cette pratique, le débiteur reçoit du comptant (argent) tandis que le créancier reçoit en échange une simple reconnaissance de dette. Donc pour lui l’intérêt de la dette ne représente que la récompense des risques courus par le prêteur.

Dans l’empire romain, Cicéron (106 – 43 av J.C) homme politique et avocat dénonce comme Aristote la chrématistique pure qui n’a de fin que la richesse. Cependant Cicéron, dans son discours sur le prêt à intérêt est beaucoup plus souple qu’Aristote.

En effet, Cicéron pense que dans la relation créancier – débiteur, la vertu et la prudence doivent dicter à chacun sa conduite. D’ailleurs, il ne réclame pas comme Aristote la prohibition pure et simple du prêt à intérêt mais recommande plutôt « le juste milieu » c’est-à-dire une coopération que l’on qualifierait aujourd’hui de “Win-win”. Ce qui semble d’ailleurs plus raisonnable et impliquerait évidemment l’application de taux d’intérêt peu élevés.

En dehors de ces savants qui ont analysé la question du prêt à intérêt de manière plus ou moins objectif, on peut citer les doctrines religieuses qui traitent le problème de façon plus ou moins similaire.

En allant dans l’ordre chronologique, nous commencerons par aborder la pensée Judaïque à propos de l’intérêt dans les prêts.

L’ancien testament qui correspond à la Torah des Juifs, traite le problème de l’intérêt dans plusieurs de ses chapitres. Contrairement à la pensée occidentale (néo-occidentale), le texte de la Torah ne fait aucune distinction entre l’intérêt proprement dire et l’usure. Le mot Hébreux utilisé dans ce texte pour désigner à la fois ces deux termes est “Tarbit”. En effet la Torah interdit aux Juifs la pratique du prêt à intérêt et cela dans le livre d’Ezéchiel dans le chapitre 18 aux versets 8 et 13.

8 s’il ne prête pas à usure et ne prend point
d’intérêt, s’il détourne sa main de
l’iniquité et juge suivant la vérité entre
un homme et un autre,

13 il prête à usure et prend un intérêt ; et il
vivra? Non, il ne vivra pas. Il a commis
toutes ces abominations, il doit mourir ;
son sang sera sur lui.

Ces versets recommandent purement et simplement d’éviter la pratique du prêt à intérêt sans aucune ambiguïté. Cependant d’autres livres de l’ancien testament apportent une petite exception à cette interdiction. C’est ainsi que dans l’Exode dans le chapitre 22, verset 25, il est interdit aux Juifs d’utiliser l’intérêt dans les opérations de prêt entre eux quelque soient les circonstances.

Dans le livre du Deutéronome au chapitre 23 dans les versets 20 et 21, il est toujours question de l’interdiction de l’intérêt entre Juifs mais cette fois-ci il est recommandé de pratiquer le prêt à intérêt et l’usure avec les autres (les non Juifs).

20 Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt,
ni pour argent, ni pour denrée, ni pour
rien de ce qui se prête à intérêt.
21 De l’étranger tu peux exiger un intérêt,
mais de ton frère tu n’en exigeras point,
afin que l’Eternel ton Dieu te bénisse
dans tout ce que tu entreprendras dans le
pays où tu vas entrer pour en prendre
possession.

Certains auteurs pensent que cette autorisation de la pratique du prêt à intérêt date du retour de la captivité de Babylon et qu’elle a favorisé l’enrichissement des Juifs par rapport aux autres peuples pendant le moyen âge (4). Malgré cette autorisation, l’interdiction du “Tarbit” fut très souvent transgressée par les Juifs à tel point qu’elle perdit tout son sens et tomba dans l’oubli.

Après l’interdiction Judaïque de l’usure (Tarbit), le Christianisme emboita le pas et le fit au début de manière très rigoureuse. Les chrétiens en se référant d’abord à la tradition aristotélicienne (dont le point de vue a été cité ci-dessus) justifient la prohibition du prêt à intérêt qu’ils considèrent comme « la racine de tous les maux » (5). Saint Thomas d’Aquin, comme toutes les autorités ecclésiastiques, condamne l’usure c’est-à-dire l’intérêt de l’argent. Comme Aristote il considère également que l’argent n’est qu’un moyen d’échange et ne produit rien par lui-même (6). Dans leur définition de l’usure les chrétiens à l’époque considéraient que « tous surplus fourni exigé de l’emprunteur est usuraire ». On retrouve aussi cette prohibition de l’usure dans le nouveau testament dans l’évangile selon Luc dans le chapitre 6 au verset 35.

L’avènement du protestantisme changea la donne avec Jean Calvin qui légitima l’intérêt dans sa “lettre sur l’usure” en 1545, en justifiant cette décision par la productivité du capital. Chez Calvin, on ressent plus la présence de la raison que le dogme religieux dans sa pensée sur l’utilisation de l’intérêt. S’engagea alors une bataille idéologique entre d’une part les différents théoriciens catholiques jugés conservateurs et d’autre part les protestants, les réformistes. A l’issue de cette bataille, l’interdiction du prêt à intérêt fut finalement levée et retirée du droit canon en1830.

De nos jours, le prêt à intérêt est une pratique très courante à tel point que le taux d’intérêt se trouve être l’un des principaux piliers de la politique monétaire des Etats laïques à travers la politique d’open market des banques centrales. D’ailleurs la presque totalité des Etat islamiques continuent de recourir aux prêts à intérêt à travers les opérations financières internationales dans le cadre d’opérations de compensation entre banques centrales, les crédits accordés par le FMI, la banque mondiale ou par d’autres Etats. Aussi il faut souligner que dans les Etats laïques la distinction est nettement faite entre l’usure et l’intérêt.

La réglementation de l’usure dans les pays de l’UEMOA après plusieurs reformes fixa le taux usuraire au double du taux d’escompte de la BCEAO. En 1997 le conseil des ministres de l’UEMOA modifia la loi uniforme portant réglementation de l’usure adoptée en 1993 libéralisant ainsi la fixation du taux d’intérêt et fixant le taux de l’usure sans aucun taux de référence sur le marché monétaire. Cette reforme a fixé le 3 juillet 1997 le taux de l’usure à 18% pour les banques et à 27 % pour tous les autres acteurs de la vie économique (dont les établissements financiers, les coopératives d’épargne et de crédit, les particuliers). Concernant l’usure, la loi uniforme prévoit des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 15.000.000 de francs CFA, cependant chaque Etat membre peut décider de la sanction selon sa propre législation, c’est le cas du Burkina Faso qui prévoyait une sanction de six mois d’emprisonnement et 150.000 francs CFA d’amende. Tout cela pour montrer à quel point le taux d’intérêt est aujourd’hui indispensable et combien il est difficile de s’en passer.

B) La vision islamique du taux d’intérêt

Après avoir faire une revue succincte de la pensée conventionnelle de l’intérêt et de son usage dans les opérations financières, nous allons aussi voir le point de vue de l’Islam dont les lois fixent les conditions de fonctionnement des institutions financières islamiques.

1) La définition du Riba (l’usure)

La finance islamique a pour fondement principal la prohibition de l’intérêt considéré comme l’usure communément dénoncé sous le nom de Riba. La force et la vigueur avec lesquelles la Sharia’a interdit le Riba attirent l’attention sur la nature et le sens de ce mot.

Le Riba est un mot qui a plusieurs significations. Le terme Riba ne signifie pas seulement l’usure au sens de la définition occidentale mais aussi l’accroissement de toute chose par la simple application d’un taux d’intérêt. Littéralement, le mot Riba en arabe veut dire un accroissement, et en tant que racine, cela renvoie au processus d’accroissement (7). Les spécialistes de la Sharia’a donnent trois sens à la signification du mot Riba.

Le premier sens indique toute addition en nature ou en numéraire au principal d’un prêt. L’allusion ici à l’usage du taux d’intérêt ne fait aucun doute, c’est ce genre de Riba qui est formellement interdit dans le Coran. Et l’expression arabe désignant ce Riba est “Riba al-qard”(8) ou “Riba al nasa”(9), il est au fait lié à l’écoulement du temps. L’Islam considère qu’une récompense ne peut être attribuée sur l’idée de l’écoulement du temps qui n’appartient qu’Allah.
Les deux autres sens du Riba sont liés aux activités commerciales et sont connus sous le nom de “Riba al bouyou” (Riba associé aux ventes) (10) ou “Riba al fadhl”(11). Ces termes font allusion à tout surplus de profit qu’un marchant peut tirer d’un échange commercial avec autrui.

En somme, le Riba est défini comme toute chose grande ou petite stipulée dans un contrat de prêt et faisant l’objet de paiement en plus du principal.

2) L’interdiction du Riba par l’Islam

Pour comprendre les raisons de l’interdiction du Riba, il faut remonter à l’ère pré- islamique dans l’Arabie de l’époque.

L’activité économique principale des arabes étant jadis le commerce, faisait de la Mecque la plaque tournante des affaires. A cette époque la seule règle des affaires était la réalisation de profit et toujours plus de profit. Ce qui conduisait les habitants de la Mecque surtout les Qoraichs, les Tuquaifs et les Juifs à pratiquer des activités usuraires.

L’une de ces pratiques consistait à doubler le montant d’un prêt si le débiteur n’arrivait pas à payer sa dette à l’échéance. Cette pratique porte le nom de “Riba Al-jahiliya” ou Riba de la période de l’ignorance c’est-à-dire la période pré-islamique. Des personnes se trouvaient ainsi par le mécanisme du doublement de la dette dans une situation de totale insolvabilité vis-à-vis de leurs créanciers, ce qui avait des conséquences sur le plan social. C’est la raison pour laquelle plusieurs versets coraniques formulent simplement et purement la condamnation du Riba sous toutes ses formes.

Le verset 130 de la sourate 3 (chapitre 3 : la famille d’Imran) déconseille fortement la pratique de l’usure :

130 Ô les croyants ! Ne pratiquez pas l’usure en multipliant démesurément
votre capital. Et craignez Allah afin que vous réussissiez !

Les versets 278 et 279 de la Sourate 2 (chapitre 2 : la vache) mettent en garde toutes les personne ayant recours à l’usure, contre la colère d’Allah :

278 Ô les croyants, craignez Allah ; et renoncez au reliquat de l’intérêt
usuraire, si vous êtes croyants.

279 Et si vous ne le faites pas, alors vous recevrez l’annonce d’une guerre de
la part d’Allah et de son prophète. Et si vous vous rependez, vous aurez
vos capitaux. Vous ne lèserez personne, et vous ne serez point lésés.

Ces versets montrent clairement la volonté d’Allah d’éliminer la pratique du Riba dans la vie quotidienne des musulmans. A cela, il faut ajouter les nombreux Hadith qui viennent renforcer la prohibition de l’intérêt tel formulé dans le Coran.

Muslim a rapporte que le prophète a dit : « Evitez les sept turpitudes!”. – “Quelles sont-elles, ô Envoyé d’Allah?”, demandèrent les fidèles. – “Ce sont, répondit-il : « le polythéisme, la magie, le meurtre qu’Allah a interdit sauf à bon droit, l’usurpation des biens de l’orphelin, l’usure, la fuite du front au jour du djihad et la fausse accusation (de fornication) des femmes vertueuses, chastes et Croyantes” ».

Par rapport à ce Hadith certains affirment que le prophète aurait ajouté que : « le péché de Riba est plus répréhensible aux yeux de Dieu que 36 cas de fornication(12)… »

En dehors du Coran et des Hadith (la Sunna), on peut aussi retrouver les traces de l’interdiction du Riba dans les autres sources de la loi islamique, tels que le fiqh et la jurisprudence. Toutes les écoles (13) de pensée islamique condamnent la pratique du Riba de manière unanime mais, avec quelques petites nuances. Le débat entre les jurisconsultes islamiques porte souvent sur l’absence d’équité dans les relations commerciales.

Certains savants contemporains “modernistes” jugent l’interdiction de l’intérêt un peu trop sévère et propose une analyse et une interprétation beaucoup plus logique de la loi. Selon ces derniers, le Coran n’a pas interdit “le prêt à intérêt légitime” c’est-à-dire avec un taux d’intérêt raisonnable. Ils justifient la nécessité de cette révision par le fait que l’intérêt est bien souvent la source de motivation des déposants et des emprunteurs d’argent. Certains savants comme Youssouf Al Qaradawi, va jusqu’à conseiller les musulmans vivants en occident à recourir aux prêts à intérêt dans le but seulement d’acquérir des biens de première nécessité.

D’autres comme le savant religieux syrien Marouf al-Doualibi pense que l’interdiction de l’intérêt ne devait s’appliquer qu’aux prêts à la consommation. Le recteur de l’université al-Azhar de Caire déclara en 1989 lors d’une conférence que l’intérêt gagné sur les bons du trésor Egyptien étaient licites (du point de vue islamique).

Toutes ces réactions de la part de certains savants musulmans révèlent à quel point l’interdiction de l’intérêt dans les opérations commerciales est quelque peu contraignant pour quelques opérateurs économiques musulmans qui veulent fréquenter le monde de la finance tout en respectant les règles religieuses.

C) Les principes de base de la finance islamique

Avant d’entamer cette partie, nous précisons que le premier principe de la finance islamique est et reste la prohibition du taux d’intérêt calculé à partir du capital prêté. Et l’application de cette interdiction doit être effective dans toutes les transactions financières dites “halal”.

1) Le principe de la coparticipation ou du partage des profits et des risques (3P)

L’islam proscrit tout enrichissement sans cause, en d’autres termes l’accroissement de valeur sans contrepartie légitime (due au travail intellectuel ou physique) de la chose objet de l’échange. Selon ce principe, les deux parties dans une relation financière doivent être impliquées et exposées aux risques de manière plus ou moins égale (14). De même une partie ne peut prétendre s’approprier tous les profits de cette collaboration au détriment de l’autre ou attribuer à cette dernière toutes les pertes sous peine d’annuler l’opération. Ainsi lorsque le banquier “islamique” doit participer au financement d’un projet, il a l’obligation de le faire sans au préalable fixer de taux d’intérêt par rapport au capital investi mais, de discuter avec l’entrepreneur (son associé) des modalités de partage des bénéfices futurs.

On remarque ici une petite confusion liée au fait que les bénéfices de la banque sont calculés selon la même formule que l’intérêt classique. L’Islam ne condamne pas les formules de calcul basées sur un intérêt, seulement ici, la différence est que le prêt n’est pas rémunéré en fonction du temps écoulé mais selon un mode de répartition des profits réalisés.

Cependant, l’entrepreneur reste propriétaire de son projet sauf s’il décide de cédé son droit de propriété à la banque et devenir un simple participant au projet. Dans ce cas la rémunération de l’associé et sa responsabilité en cas de faillite seront en fonction de sa participation. Si l’entrepreneur décide de garder tous ses droits sur le projet, en cas d’échec il n’aura perdu que son temps et son énergie et la banque le capital investi. Et cela seulement si aucune négligence ou faute de gestion de la part du promoteur n’est prouvée. Parce que dans la finance islamique on considère qu’en dehors d’Allah, personne ne peut savoir avec certitude ce qui se passera dans le futur. Ce qui met l’entrepreneure à l’abri des risques naturels (intempérie…) et des conjonctures économiques. Dans le cas contraire si la faute du promoteur est prouvée, il devra assumer les pertes au prorata de sa part de bénéfice. Si l’on n’enregistre aucun bénéfice, l’entrepreneur ne recevra rien de la part de la banque.

Nous pouvons bien constater la grande différence entre cette opération et l’opération financière conventionnelle qu’est le crédit comme pratiqué par les autres banques. En effet le banquier “classique” fixe dès le départ le taux d’intérêt avant de libérer les fonds. Et l’entrepreneur est seul responsable des fonds donc assume seul tous les risques mais aussi garde tout le bénéfice excepté la partie destinée au paiement des intérêts.

Le principe du partage des risques ou le principe des 3P (participation, profit, perte) est le plus souvent appliqué grâce au contrat de Moudaraba et de Mousharaka. Nous ferons une analyse détaillée de ces contrats plus loin dans ce document.

2) Le principe du respect de la Sharia’a

La finance islamique se doit de respecter les règles de la Sharia’a à toutes les étapes du déroulement de ses opérations financières.

Le respect des interdictions de la Sharia’a dans les opérations financières commence par la recherche du Riba de manière rigoureuse dans chacune des opérations effectuées. D’où le rôle des conseils de la Sharia’a au sein des banques islamiques.

En vertu de ce principe les banques islamiques contrairement aux banques ne rémunèrent pas sur la base du capital emprunté ou déposé par les clients. Cependant en fonction de certains types d’opérations, les comptes à terme par exemple, les déposants peuvent être considérés comme associés de la banque et voir leur dépôt rémunéré en fonction des bénéfices réalisés sur les différents projets financés par la banque ou imputé des pertes. Dans ce cas les clients peuvent aussi bénéficier gratuitement de services tels que l’acceptation des traites, les lettres de crédit, les certificats de domiciliation…

La distinction du Riba dans certaines opérations financières peut être très délicate, tel est le cas de la vente à crédit. En effet, dans l’absence de simultanéité et avec la possibilité de fluctuation des cours dans le cas des opérations sur les matières premières ou des produits pétroliers on s’expose facilement au Riba.

Dans les transactions financières internationales, les banques islamiques rencontrent pour la majorité beaucoup de difficultés dans les opérations de compensation ou de placement de fonds, nous aurons l’occasion de parler de ce problème dans les parties à venir.

Le principe du respect des prohibitions de la Sharia’a implique d’abord le respect du principe cité ci-dessus. En outre les banques islamiques s’interdissent de financer tous projets ou activités liés aux pratiques prohibées par la Sharia’a (la vente d’alcool, de viande de porc, les activités de jeux d’hasard, la spéculation …)

3) Le principe de la solidarité

Ce principe stipule que toutes les activités de la banque islamique doivent avoir un impact positif dans la vie sociale.

Ainsi les banques islamiques accordent plus facilement leur financement aux projets qui apportent des réponses aux problèmes économiques et sociales contrairement à ceux qui ont un impact positif mais négligeable sur les conditions de vie des citoyens. La finance islamique opte pour une distribution équitable de la richesse et des revenus et cela selon les recommandations de la Sharia’a qui condamne la thésaurisation, le gaspillage et l’exploitation de l’homme par l’homme.

Dans cette même optique, les banques islamiques ont l’obligation de créer et de gérer des caisses de solidarité appelées caisses de la Zakat.

La Zakat ou aumône obligation que doit s’acquitter tout musulman ayant les moyens c’est-à-dire disposant de richesse et des possibilités d’accroitre cette richesse. La Zakat représente un prélèvement de 2,5 % par an sur le revenu de la personne, excepté le revenu affecté à la consommation. Les banques islamiques collectent les fonds destinés à la Zakat et les emploient pour lutter contre les inégalités sociales. Grâce à ces fonds la banque participe à des activités non lucratifs, assiste les personnes indigentes comme prescrit par la Sharia’a et accorde des prêts sans intérêt à certains de ses clients.

L’interdiction du Riba dans toutes les opérations financières des musulmans a posé beaucoup de problèmes surtout dans les Etats arabes. En effet, la Sharia’a, la loi islamique interdit le Riba sans pour autant offrir une solution de rechange. Dans le passé, compte tenu des anciennes habitudes solidement ancrées dans les mœurs et les gains faciles offerts par l’intérêt, les gens ont vite trouvé des solutions pour contourner la loi à l’aide de subterfuges intelligemment planifiés. Cette action qui consistait à contourner la Sharia’a pour pratiquer l’intérêt portait le nom de “Hyäl” en arabe c’est-à-dire ruse. L’une d’elles était une vente à crédit où une personne A vendait un objet à une personne B à 90 francs (comptant) par exemple. Puis au même instant A rachète à crédit pour un délai d’un an l’objet vendu à B à 100 francs.

A l’échéance, A payait à B les 100 francs et ce dernier gagnait donc 10 francs de bénéfice équivalant à un taux de 10% en appliquant la formule de l’intérêt simple. Dans cette opération l’objet en question ne jouait qu’un rôle purement fictif, à la fin on ne se souciait même plus de sa nature. Cette opération portait le nom arabe de “bay ial- iīna” ou double vente. L’un des problèmes est qu’avec l’interdiction du Riba les musulmans ne pouvaient ni demander de prêts aux banques classiques ni y faire de dépôts. Sur ce dernier point ils s’exposent à beaucoup de risques en gardant des sommes importantes, faute d’institutions pouvant collecter et gérer ces fonds.

La nécessité de surmonter ces difficultés imposait la création d’institutions financières viables, capables d’offrir des solutions à ces différents problèmes. D’où la création de banques islamiques et des autres institutions financières islamiques dans les Etats concernés avec l’appui de la banque islamique de développement (BID).

(2) Hamid Algabid, les banques islamiques, page 48
(4) André Martens ; finance islamique : fondement, théorie et réalité, page 10
(5) Cours de la pensée économique (1ère et 2ème années)
(6) George soule, qu’est-ce que l’économie politique ?, page 12
(7) (8) Mabid Ali Al Jarhi et Mounawar. Iqbal, banques islamiques : réponses à des questions fréquemment posées, page 9
(9) IIRF Actes de séminaire No 37, Introduction aux techniques islamique de financement, page 93
(10) (11) IIRF Actes de séminaire No 44, Les sciences de la Chari’a pour les économistes, page 231 et 314
(12) Hamid Algabid, les banques islamiques,
(13) les écoles Malikite, Hanafite, Shafiite et Hanbalite
(14) Tout financement islamique implique la prise en charge par le financier d’un minimum de risque en sus du risque de défaut de paiement.

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