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Section 1- Caractère répulsif des mécanismes de reddition des comptes :

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La reddition des comptes, qui est devenu un principe à valeur constitutionnelle(404), se rapporte à une situation dans laquelle une personne est tenue de justifier ou d’expliquer sa gestion devant une autre, lui « rendre des comptes »(405). Aujourd’hui, l’obligation de rendre compte ne porte, en majorité, que sur la logique du respect de l’orthodoxie des règles budgétaires. Cela reflète la nécessité du gouvernement à faire preuve de transparence et de fournir l’information nécessaire aux représentants de la nation avant la modification du contenu de la loi de finances initiale. Néanmoins, la mise en oeuvre efficace de ce principe est entravée par l’insouciance du débat sur les lois de règlement (§1), l’insuffisance de l’assistance de la cour des comptes (§2), ainsi que la non implication de la société civile (§3).

§1 – Insouciance du débat sur les lois de règlement :

La loi de règlement constitue un privilège constitutionnel dont dispose le législatif pour exercer son contrôle à posteriori sur la gestion budgétaire de l’exécutif(406) car elle permet de contrôler l’exécution de la LFA(407) précédente en constatant les résultats financiers de l’exercice écoulé, tant du point de vue des recettes que des dépenses(408). Elle permet de mesurer la différence entre ce qui avait été prévu et ce qui a été réellement exécuté.

En effet, le contrôle de l’exécution de la loi de finances par le parlement qui constitue une composante essentielle de son pouvoir financier, ne suffit pas à épuiser les droits du parlement en matière financière car ces droits ne peuvent se concrétiser réellement que par l’établissement et le vote de la LR qui clôt le cycle budgétaire(409).

Néanmoins, la LR est caractérisée par son vote formel (A), ainsi que l’inutilité de sa présentation(B).

A- LA NECESSITE D’UN VOTE EFFECTIF DE LA LOI DE REGLEMENT :

La loi de règlement n’emporte son plein effet que si elle est votée effectivement par les parlementaires au terme d’un débat mettant en évidence les éventuelles irrégularités d’exécution. En ce sens, elle est un acte essentiel dans l’activité parlementaire. Pourtant, la pratique d’adoption de ce texte démontre le peu d’engouement des parlementaires à l’égard de ces lois de finances. Ce constat est d’autant plus gênant que l’exécution budgétaire dévoile un décalage parfois important par rapport à l’autorisation parlementaire accordée en loi de finances initiale. A cela, peut s’ajouter une volonté délibérée du gouvernement de dissimulation(410).

Si le vote de la loi de règlement est caractérisé par son caractère formel(411), cela est à notre sens, le corollaire du dépôt tardif du projet de ladite loi(412). Alors qu’elle devait être le support privilégié du contrôle parlementaire du respect de l’autorisation accordée au gouvernement, elle ne suscite pas le même intérêt que la loi de finances de l’année, et ce pour plusieurs raisons liées au décalage entre l’exécution de la loi de finances et la présentation de la loi de règlement, le peu d’intérêt manifesté par les différents ministères à l’égard de la présentation de leurs résultats, les limites du système de centralisation de l’information comptable et budgétaire et l’absence d’outils juridiques favorisant l’obligation de présenter les résultats obtenus par rapport à l’autorisation donnée par le parlement.

Vu l’état actuel des choses, le parlement se trouve pratiquement contraint d’approuver la LR, c’est un constat dressé par R.MUZELLEC en disant : « le refus d’autoriser à posteriori toutes les dépenses déjà consommées est théoriquement possible, mais pratiquement sans portée(413) ». Le parlement se trouve ainsi devant le fait accompli est calculé à enregistrer les réalisations qu’on lui présente pour approbation car quelle sera l’utilité d’un vote négatif de la loi de règlement alors que les crédits en cause ont été déjà consommés. Ainsi, l’efficacité du contrôle politique à posteriori reste théorique(414) voir utopique.

Dans cette optique, l’établissement et la présentation de la LR caractérisée par des retards « monstrueux », comme l’a souligné le professeur ElARAFI (Hassane)(415) ,« vide le vote et la discussion de la loi de règlement de sa substance », ce qui nous pousse à s’interroger sur l’utilité de ce texte. Néanmoins, cet état de chose n’est pas une spécificité du Maroc car si on se réfère au système français, qui constitue le régime d’inspiration du système marocain, on constate que la même situation se présentait du moment que la présentation et l’adoption de la LR a été caractérisée par des retards de présentation excédant parfois même dix ans(416). Pour voir la manifestation d’une volonté de changer la pratique, depuis la réforme de la loi organique relative à la loi de finances de 2001, qui a exigé la présentation du projet de loi de règlement au 1er juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget(417) au lieu de la date du 31 décembre prévue par l’article 38 de l’ordonnance de 1959, ce qui a obligé le gouvernement a manifesté un certain respect des délais de présentation du projet de ladite loi.

B- L’INUTILITE DE LA PRESENTATION DE LA LR :

L’inutilité de la loi de règlement se justifie par le désintérêt des parlementaires(418) lors de la discussion et de vote de ce texte qui doit constituer un moment crucial pour l’exercice du contrôle parlementaire à posteriori. C’est un constat récurrent car les parlementaires ont, globalement, porté peu d’intérêt au vote de la loi de règlement(419). Le contrôle à posteriori est devenu illusoire en raison tant des difficultés matérielles à exercer un contrôle qu’en raison des difficultés, voire de l’impossibilité de mise en jeu de la responsabilité ministérielle. De ce fait, force est de constater que l’intérêt manifesté par les parlementaires à ce projet de loi ainsi qu’aux documents l’accompagnant demeure faible au vu des possibilités offertes aux parlementaires de questionner le gouvernement sur les réalisations des objectifs ainsi que les multiples problématiques qui sont soulevées dans le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances.

Palpable, le désintérêt parlementaire est des plus évidents à l’occasion des débats préalables à l’adoption des lois de règlements avec la vision d’hémicycle vide. La discussion de LR est caractérisée par l’absentéisme des représentants de la nation, ce qui d’ailleurs, n’est pas spécifique au Maroc comme cela a été dénoncé par BOZERIAN Gaston(420) qui a dit : « ce qui est lamentable, c’est de voir avec quelle légèreté, le parlement règle quelquefois une séance, sans aucune observation, en présence de banquètes vides, dix ou douze milliards de dépense ». Dans le même sillage le professeur KHOUDRY ( D.) avance que : « la discussion de la loi de règlement déroule sans passions, le rapport écrit rédigé à cette occasion, reprend bien quelques observations de la cour, mais ni en commission, ni a fortiori, en séance publique, il n’ya de véritable examen des conditions dans lesquelles le budget a été exécuté… (421)»

L’opinion générale est que les compétences de fond du parlement en matière d’approbation du projet de loi de règlement sont importantes, mais elles sont entravées par des phénomènes politiques. De ce fait, le temps n’est-il pas encore arrivé pour concrétiser les pouvoirs du parlement en la matière ? Les dispositions de la nouvelle constitution ne doivent pas constituer un remède à cet état de chose ?

§2- Insuffisances de l’assistance de la Cour des comptes :

La cour des comptes est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume dont l’indépendance est garantie par le texte constitutionnel(422).

Elle a été élevée au rang d’un corps d’Etat avec la promulgation de la nouvelle constitution du Royaume, à l’instar du gouvernement, du parlement, du pouvoir judiciaire et de la cour constitutionnelle(423). Dans ce sens, la cour représente un pouvoir indépendant qui ne s’assimile ni au pouvoir exécutif, ni au pouvoir judiciaire, ni au pouvoir législatif, mais un pouvoir de contrôle des deniers publics, de transparence et de reddition des comptes même si ce pouvoir est à caractère judiciaire. C’est un cinquième pouvoir émergent sur la scène internationale avec la prolifération des crises financières.

Cette institution est considérée, par le texte constitutionnel, comme le collaborateur, l’auxiliaire du parlement en matière de contrôle et d’information. Son intervention en matière de règlement du budget de l’Etat est le corollaire de sa mission de contrôle supérieur d’exécution des lois de finances puisque l’article 147 stipule dans son deuxième alinéa que : «La Cour des Comptes est chargée d’assurer le contrôle supérieur de l’exécution des lois de finances. Elle s’assure de la régularité des opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à son contrôle en vertu de la loi et en apprécie la gestion ».

Dans le même sillage, l’article 148 de la constitution de 2011 qui stipule que : «La Cour des Comptes assiste le Parlement dans les domaines de contrôle des finances publiques. Elle répond aux questions et consultations en rapport avec les fonctions de législation, de contrôle et d’évaluation, exercées par le Parlement et relatives aux finances publiques », a impulsé une nouvelle dynamique et une nouvelle conception de cette assistance en instaurant une collaboration permanente entre les deux institutions au fur et à mesure de l’exécution de la loi de finances et en obligeant la cour de publier l’ensemble de ces travaux(424)conformément à ce qui ressort du deuxième alinéa de l’article 148 de la constitution qui stipule que « …Elle publie l’ensemble de ses travaux
y compris les rapports particuliers et les décisions juridictionnelles ».

Ces nouvelles dispositions favorisent davantage la transparence et la gouvernance de cette gestion, alors que la constitution de 1996 limitait l’assistance du parlement au moment du règlement du budget par la DGC et le rapport sur l’exécution de la loi de finances en fixant la portée et les modalités de cette assistance par le code des juridictions financières dans son article 94 qui stipule que: « dans le cadre de l’assistance qu’elle prête au parlement, en vertu de l’article 97 de la constitution(425), et à l’occasion de l’examen du rapport sur l’exécution de la loi de finances et de la déclaration de conformité que la cour établit conformément aux dispositions de l’article 47 de la loi organique relative à la loi de finances la cour répond aux demandes de précision que lui soumet le président de la chambre des représentants et le président de la chambre des conseillers », ce qui vidait cette assistance de sa teneur vu le dépôt tardif du projet de loi de règlement. De ce fait, le parlement s’est vu octroyé par le nouveau texte constitutionnel une collaboration durant toute l’année ce qui se répercutera sans doute sur la qualité du contrôle exercé par l’institution législative.

Cette assistance consiste en la déclaration générale de conformité (A), la production des rapports publics (B), ainsi que la réponse aux questions et consultations du parlement (C).

A- LA DECLARATION GENERALE DE CONFORMITE :

La déclaration générale de conformité(426) vise à comparer le programme général du Royaume avec les comptes de gestion individuels des comptables publics. Elle trouve son assise dans l’article 47 de la loi organique des finances qui dispose que : « … Il est accompagné (projet de loi de règlement) d’un rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances et de la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et le compte général du Royaume ». Il en résulte que la cour agit ici comme une sorte de commissaire aux comptes de firmes et groupes importants qui ne certifie pas l’image fidèle de l’organisme, mais se limite à la seule certification de la consolidation des comptes.

La déclaration générale de conformité permet de rapprocher les résultats des comptes individuels produits à la cour par les comptables publics(427) de ceux du compte général du royaume établi et communiqué à la cour par le ministre chargé des finances(428). Cette attribution s’en tient, pour l’essentiel, à un contrôle de cohérence dans la mesure où les comptes soumis au contrôle de la cour sont des comptes ayant préalablement supporté la contradiction. En d’autres termes, la conformité est par construction acquise antérieurement à la présentation à la cour. Ce dispositif fait que l’institution d’une déclaration générale de conformité n’a en réalité à vérifier que l’exactitude de la centralisation(429).

B- LA PRODUCTION DES RAPPORTS PUBLICS :

Les rapports produits par la cour des comptes comprennent le rapport sur l’exécution de la loi de finances (1), le rapport accompagnant la loi de règlement (3) et le rapport annuel de la cour (2).

1- Le rapport sur l’exécution de la loi de finances:

La cour établit chaque année pour le parlement un rapport sur l’exécution de la loi de finances pour la pénultième année(430). Pour établir ledit rapport, le ministre chargé des finances transmet à la cour, au plus tard 6 mois avant l’expiration du délai prévu par l’article 47 de la loi organique relative à la loi de finances, les informations et documents susceptibles de lui permettre d’analyser les conditions d’exécution de la loi de finances. Il y a lieu de souligner que cette tendance a été accentuée avec les réformes budgétaires qui ont été introduites par le ministère des finances depuis 2002 en termes de fongibilité des crédits, et visant entre autres, une responsabilisation accrue des gestionnaires.

A ce niveau, la Cour a constaté la non production par certains départements ministériels des rapports de performance contrairement à ce qui est prévu par la réglementation en vigueur, ce qui limite l’appréciation de la réalisation des objectifs et au demeurant la mesure de l’impact des politiques publiques. Par ailleurs, il est à signaler que le rapport de la cour traite chaque année une thématique spécifique(431) qu’elle essaye d’analyser en profondeur : la dette publique, la gestion des recettes, la performance dans la gestion publique, la nature des reports,…etc.

2- Le rapport annuel de la cour :

La cour rend compte de l’ensemble de ses activités tout en présentant la synthèse des observations qu’elle a relevées et les propositions d’amélioration de la gestion des finances publiques(432), ainsi que les activités des services et des organismes publics ayant fait l’objet de contrôle. Elle reprend aussi les commentaires des autorités gouvernementales et des responsables des institutions et organismes concernés et donne un résumé du rapport de la cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances conformément aux spéculations de l’article 100 de la loi 62-99 qui précise que: « dans son rapport annuel, la cour rend compte de l’ensemble de ses activités, fait la synthèse des observations qu’elle a relevées, de ses propositions d’amélioration de la gestion des finances publiques et de celles des services et organismes publics ayant fait l’objet de contrôle, reprend les commentaires des autorités gouvernementales et des responsables des institutions et organismes concernés et donne un résumé du rapport de la cour sur l’exécution de la loi de finances ».

Le rapport annuel de la cour des comptes est présenté à Sa Majesté le Roi par le premier président(433) avant la fin de l’année budgétaire qui suit celle à laquelle il se rapporte(434) ; il est transmis au chef du gouvernement et aux deux présidents du parlement(435). Il est également publié au bulletin officiel du Royaume(436). De ce fait, on constate que le constituant marocain de 2011 a stipulé en plus de la présentation du rapport annuel à Sa Majesté le Roi, sa transmission au chef du gouvernement responsable de l’administration ce qui lui permettra de connaître les irrégularités commises par l’équipe gouvernementale afin de prendre les mesures nécessaires pour y remédier, ainsi qu’au présidents des deux chambres du parlement, ce qui permettra sans doute un rapprochement des deux institutions(437) et qui constituera un atout pour un contrôle politique efficace en matière financière, en plus de promouvoir la transparence
et la reddition des comptes en matière d’exécution des lois de finances.

3- Le rapport accompagnant la loi de règlement :

Au niveau de la loi de règlement, la cour des comptes est appelée à relever toutes les infractions aux règles budgétaires et en informer le gouvernement(438). Elle agit ainsi en tant qu’assistant technique du parlement. Son rôle revêt une importance capitale dans l’information des parlementaires dont les moyens d’investigations sont limités. Le parlement ne dispose, en effet, ni de l’arsenal technique exigé pour mener l’action de contrôle, ni du personnel qualifié pour cette tâche(439). Le concours de la cour des comptes paraît dès lors comme un atout majeur pour faciliter ce travail.

Le rapport accompagnant le projet de loi de règlement en vertu de l’article 47 de la loi organique relative à la loi des finances doit comprendre notamment :

– les résultats d’exécution des lois de finances ;
– les observations suscitées par la comparaison des prévisions et des réalisations ;
– les incidences des opérations budgétaires et des opérations de trésorerie sur la situation financière de l’Etat ;
– les actes modificatifs des dotations budgétaires et leur conformité aux dispositions de la loi organique relative à la loi de finances ;
– la comparaison entre les crédits définitifs après modification et les opérations effectivement exécutées(440).

C- LA REPONSE AUX QUESTIONS ET CONSULTATIONS DU PARLEMENT :

Le constituant marocain de 2011a conféré à la cour des comptes la mission de répondre aux questions et consultations en rapport avec les fonctions de législation, de contrôle et d’évaluation exercées par le parlement et relatives aux finances publiques(441) que lui soumet le président de la chambre des représentants ou le président de la chambre des conseillers(442). Dans ce sens, il est lieu de constater que le constituant marocain de 2011 a substitué les demandes de précision prévues par l’article 92 de la loi 62-99 formant code des juridictions financières qui stipule que : « dans le cadre de l’assistance qu’elle prête au parlement….la cour réponde aux demandes de précision qui lui demande le président de la chambre des représentants ou le président de la chambre des conseillers », par les questions et consultations du parlement, ce qui renvoie à un domaine plus large.

Il a adopté ainsi, la position du modèle parlementaire britannique (Westminster)(443), dans lequel les instances de contrôle supérieur des finances publiques ont souvent la tradition de conseiller le parlement sur le fonctionnement de l’exécutif et de l’aider à améliorer l’utilisation des finances de l’Etat(444). De ce constat, la Cour des comptes doit répondre à toute demande d’information émanant du président ou du rapporteur général des commissions des finances. Ces dernières peuvent aussi lui demander de réaliser des enquêtes.

De ce fait, il s’avère que le constituant marocain de 2011 a voulu rééquilibrer les pouvoirs entre le législatif et l’exécutif en dotant l’institution parlementaire d’une institution de contrôle objective et indépendante(445), ce qui poussera les décideurs politiques à réfléchir deux fois avant d’envisager une politique publique ou un choix irrationnel et irresponsable en matière de gestion des deniers publics et de la chose publique en général. Ce texte permettra d’instaurer une réelle démocratie au niveau de la gestion des deniers publics à l’instar des démocraties développées puisqu’il instaure une meilleure collaboration entre les deux institutions.

De tout ce qui a été avancé, on peut dire qu’il incombe à l’ISC d’assister le parlement dans le contrôle du gouvernement. Dans cette optique, elle est sensée remplir une double mission technique et informationnelle(446). Une mission reconnue à cette institution dans plusieurs pays, comme en Autriche par exemple, où le président de la cour des comptes est en rapport direct avec le conseil national et ses comités. En France, où la cour des comptes assiste le parlement dans l’élaboration du budget des assemblées ; l’élaboration et le contrôle du budget de l’Etat et le contrôle sur les entreprises publiques, ou encore aux Etas Unis d’Amérique et au Canada dont la mission essentielle de l’ISC consiste à fournir au parlement l’information dont il a besoin(447).

§3- La non implication de la société civile :

Les citoyens et l’opinion publique dans les pays en voie de développement se demandent si les processus politiques sont en mesure de produire des parlements représentatifs de leurs intérêts et en mesure de répondre aux impératifs de la bonne gouvernance, compte tenu de la complexité et de la spécificité de la gouvernance parlementaire(448) (législation de qualité, évaluation de l’action gouvernementale, impératifs démocratiques…), ce qui exige une association et une implication de la société civile dans le processus du contrôle budgétaire(449).

En effet, les citoyens et les organisations de la société civile peuvent, par le biais du parlement, contrôler l’action gouvernementale. De ce fait, ils peuvent saisir le parlement par des pétitions contre des actes lésant l’intérêt général ou portant atteinte à l’environnement culturel ou historique de la communauté. C’est un droit dorénavant à valeur constitutionnelle puisque l’article de 15 de la constitution marocaine de 2011 stipule que : «Les citoyennes et les citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une loi organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce droit ». De ce fait, la société civile en application des dispositions de cet article, à compléter par la loi organique des finances en refonte, peut user du droit de l’initiative pour contrôler l’action gouvernementale, y inclus en matière financière.

Le concept de participation au processus budgétaire est très large et englobe notamment le processus par lequel les citoyens adhèrent ou non aux choix «difficiles » relatifs aux politiques budgétaires du gouvernement. Il est de plus en plus admis que le principal obstacle à l’adhésion des citoyens aux politiques gouvernementales est fondé sur leur méfiance à l’égard du gouvernement. Les citoyens rejettent les politiques du gouvernement lorsqu’ils n’ont pas l’opportunité de se faire entendre, de défendre leurs intérêts et de surveiller l’exécution des politiques publiques.

Ils y adhèrent lorsqu’ils peuvent s’y exprimer et participer activement à l’élaboration des politiques et des budgets, à leur adoption et à leur exécution. L’implication du parlement dans le processus budgétaire doit favoriser à son tour une participation des organisations de la société civile au processus budgétaire. Laquelle participation peut contribuer, à son tour, à construire des partenariats fondés sur la confiance et le consensus entre l´Etat et les citoyens à tous les niveaux. Elle permet également aux citoyens de faire connaître leurs préoccupations à l’égard de la gestion et des priorités budgétaires. En outre, elle améliore la communication entre les fonctionnaires, les leaders politiques et les groupes de citoyens. Une telle participation peut aider les organes étatiques à mieux contrôler la gestion des finances publiques.

Conscient de cette exigence, pour une bonne gouvernance et pour répondre aux exigences de la démocratie, le constituant marocain de 2011 a institutionnalisé la communication entre l’administration, les décideurs politiques et les citoyens en stipulant dans l’article 156 que « Les services publics sont à l’écoute de leurs usagers et assurent le suivi de leurs observations, propositions et doléances. Ils rendent compte de la gestion des deniers publics conformément à la législation en vigueur et sont soumis, à cet égard, aux obligations de contrôle et d’évaluation ».

Ceci montre que la société civile, de son côté, peut jouer un rôle primordial dans le contrôle de l’action gouvernementale et peut agir en faveur de la transparence et de la reddition des comptes en matière de gestion des deniers publics, ce qui exige une meilleure implication de celle-ci dans le contrôle de l’action gouvernementale par la mise en œuvre des moyens garantissant cette implication. A titre d’exemple, les membres du groupe Citoyens concernés d’Abra pour un bon gouvernement (CCAGG) aux Philippines ont été choqués quand ils ont vu un encart dans le journal publié par le Ministère des travaux publics déclarant qu’il avait réalisé avec succès 27 projets dans la province d’Abra. Sachant que cela n’était pas vrai, les membres de CCAGG ont rassemblé une documentation détaillée sur l’état véritable des projets soi-disant réalisés. Un contrôle gouvernemental officiel a concordé avec les conclusions de CCAGG, et plusieurs fonctionnaires ont été accusés de corruption puis finalement suspendus pour mauvaise conduite.

De plus, Certaines organisations de la société civile ont pris des mesures pour publier les résultats des rapports d’audit afin que le gouvernement se responsabilise pour la gestion des fonds publics. L’une de ces organisations, Haki Elimu en Tanzanie, a créé un ensemble de prospectus qui présentent les résultats des Rapports d’audit récents de façon attractive et accessible et les a distribué auprès des médias, des fonctionnaires de l’exécutif, des législateurs et des partenaires de la société civile. La première série de prospectus, publié en 2006, a obtenu un large succès et le contrôleur et l’auditeur général ont alors coopéré davantage pour son renouvellement en 2007(450).

De ce fait, se voit l’importance et l’utilité de l’implication de la société civile dans le contrôle de l’action gouvernementale et la bonne gestion des deniers publics ce qui nécessite de mettre en œuvre les dispositions de la nouvelle constitution pour une meilleure implication de la société civile marocaine dans le contrôle d’exécution des programmes gouvernementaux.

404 A cet égard, l’article 154 de la loi suprême de l’ordre juridique marocain telle que révisée en 2011 stipule que : « Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitution ».
405 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.589.
406 Ibid. p.81.
407 Cf. KHOUDRY (Driss), “Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc”, op.cit, p.140 et s.
408 Cf. CAMBY (Jean-Pierre), « la réforme du budget de l’Etat. La loi organique… », op.cit, p. 245 et s.
409 FIKRI (Abdelkbir), « le parlement marocain et les finances…. », op.cit, pp.128-129.
410 DAMAREY (Stéphanie), « Exécution et contrôle des finances … », op.cit, p.164.
411 Dans ce sens, le Professeur KHOUDRY, dans son ouvrage “Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc”, op.cit, p.140, avance que : « le projet de la loi de règlement est voté dans la clandestinité et dans l’indifférence. Le débat, d’ailleurs mal couvert par la presse, ne fait que justifier les multiples entorses à l’autorisation budgétaire ».
412 Voir, supra, section première du premier chapitre de la partie première.
413 MUZELLEC (R.), « Un exemple de contrôle parlementaire à posteriori, la loi de règlement », R.S.F, 1973, p.56.
414 OUJMAA (Saïd),” le contrôle des finances publiques …», op.cit, pp.38-39.
415 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p
416 Voir su ce point les statistiques apportées par DAMAREY (Stéphanie), « Exécution et contrôle des finances publiques », op.cit, pp.167-168-169-170-172et 173.
417 Dans ce sens, l’article 46 de ladite loi stipule que : « Le projet de loi de règlement, y compris les documents prévus à l’article 54 et aux 4° et 5° de l’article 58, est déposé et distribué avant le 1er juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte ».
418 KHOUDRY (Driss), « Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p.79
419 CHABIH (Jilali), « les finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p 326.
420 Député du Loiret –CHER, discours devant la chambre de députés, 14 mai 1895, in DAMAREY (Stéphanie), « Exécution et contrôle des finances publiques », op.cit, p.164.
421 KHOUDRY (Driss), “Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc”, op.cit, p.140.
422 Dans ce sens, le 1er alinéa de l’article147 de la constitution marocaine dispose que : « La Cour des Comptes est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume. Son indépendance est garantie par la Constitution. La Cour des Comptes a pour mission la protection des principes et valeurs de
bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes de l’Etat et des organismes publics ».
425 Il s’agit ici de la constitution de 1996, dans la constitution de 2011 c’est l’article 148.
426 Il s’agit de la conformité de la comptabilité des comptables ainsi que celle des ordonnateurs.
427 En France, la déclaration générale de conformité certifie avec l’autorité de la chose jugée, la conformité du compte général de l’administration des finances et des comptes d’exécution des budgets annexes avec les comptes de gestion des comptables. Il en est de même en Italie, où l’examen toutes chambres réunies du compte général de l’Etat prend la forme d’une délibération juridictionnelle. Voir sur ce point, FLIZOT (Stéphanie), « les relations entre les institutions supérieures de contrôle financier… », op.cit, p.225 et 226.
428 Article 94 de la loi 62-99.
429 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat … », op.cit, p.548.
430 Ibid.
431 En France, le rapport de la cour des comptes sur l’exécution du budget comprend, depuis 1993, des monographies pour un certain nombre de ministères permettant de suivre l’évolution des crédits par département, tandis qu’une présentation fonctionnelle présente l’évolution de certains types de dépenses sur plusieurs années. Parallèlement, la cour consacre une partie de ce rapport à la gestion des autorisations budgétaires en mettant l’accent sur la pratique de la régulation budgétaire.
432 HARAKAT (Mohamed), « les finances publiques et les impératifs de la performance… », op.cit, p.320.
433 Cf. KHOUDRY (Driss), “Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc”, op.cit, pp.177-178.
434 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.550.
435 Dans ce sens l’article 148 de la constitution marocaine de 2011 stipule dans son cinquième alinéa que: «… Elle soumet au Roi un rapport annuel sur l’ensemble de ses activités, qu’elle transmet également au Chef du Gouvernement et aux Présidents des deux Chambres du Parlement. Ce rapport est publié au Bulletin Officiel du Royaume”.
436 Deuxième alinéa de l’article 100 de la loi 62-99.
438 Article 93 de la loi 62-99.
439 FIKRI (A), « le parlement marocain et les finances de l’Etat », op.cit, p.130.
440 Article 93 de la loi 62-99 formant code des juridictions financières.
441 L’alinéa premier de l’article 148 de la constitution.
442 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.550.
443 Ibid.
444 Infra, section 2 de ce chapitre.
446 HARAKAT (Mohamed), “Le droit du contrôle supérieur des finances publiques au Maroc : essai sur les techniques d’audit à l’heure de l’ajustement structurel » Babel, Rabat, 1992, p.265.
447 Ibidem.
448 HAOUARI (Sanae), « le pouvoir financier du parlement au Maroc/cas des bureaux d’analyse du budget à la lumière des expériences étrangères… », op.cit, p.15.
449 Cf. HARAKAT(Mohamed), « finances publiques à l’épreuve de la transparence… », op.cit, p. 09 et s.
450 Cf. MOINDZE (Mohamed), « le parlement et le processus budgétaire dans les pays en voie de développement », op.cit, p. 9et s.

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