Au terme de notre étude sur la pression sociale et la dynamique de l’espace côtier de Youpwe, évoquons brièvement les grandes lignes qui ont sous –tendu notre réflexion. Né il ya 32 ans, suite au recasement des populations du lieu jadis appelé « petit village », (actuelle base navale), le quartier Youpwe , autrefois considéré comme un campement de pêcheurs perdu dans la forêt de mangrove s’est progressivement développé sur le plan spatial et démographique au point de s’intégrer dans la ville de Douala. Mais la croissance spatiale accélérée du quartier Youpwe s’est faite au détriment des ressources naturelles de cet espace côtier recouvert de mangrove. Le développement de l’habitat, les activités anthropiques telles que : le commerce du bois de feu, l’extraction du sable et du gravier, la pêche incontrôlée et irresponsable sont autant de causes de la perte de la diversité biologique à Youpwe.
Ainsi, la prise d’assaut de la forêt de mangrove par les populations à Youpwe a eu des répercussions néfastes sur le plan écologique, hydromorphologique, sanitaire et économique. L’érosion côtière observée sur certaines portions de Youpwe, provoquée par le ruissellement et le piétinement intempestif des populations sont des manifestations les plus alarmantes des risques hydromorphologiques. En outre, la recrudescence des maladies parasitaires telles que le paludisme, la typhoïde, l’amibiase etc. … sont une illustration des risques sanitaires qui prévalent à Youpwe. Enfin la flambée des prix de poisson à Youpwe enregistrée ces dernières années est la conséquence de l’insuffisance de l’offre du poisson par rapport à la demande, une insuffisance elle – même liée à la diminution voire à la disparition des ressources halieutiques suite à l’anthropisation et à l’artificialisation exagérée de l’espace à mangrove de Youpwe.
Au regard de ce qui précède, l’exploitation de la mangrove à Youpwe a des retombées négatives sur l’environnement et les populations. Bien plus, l’installation de la population à Youpwe et la pression sociale qui en découle sont considérées comme le facteur principal de la dégradation de la forêt de mangrove. Par ailleurs, l’exploitation de la mangrove et de l’espace marin et côtier sont favorisés par la faiblesse et l’absence d’un cadre juridique relatif à la protection de la mangrove.
Même les règles coutumières et locales ne mettent pas l’accent sur la protection de la mangrove. Cette situation témoigne à suffisance du caractère éclaté de notre zone d’étude qui, en réalité n’appartient à aucun groupe ethnique et dont ne repose sur aucune légitimité coutumière. D’où un manque de coordination et de suivi véritable dans la gestion et la protection de la mangrove et de ses nombreuses ressources à Youpwe. Dans le même ordre d’idée le mépris et le non respect des lois foncières et domaniales par les populations sont considérés comme des raisons qui laissent libre cours à l’exploitation anarchique de la mangrove. Et pourtant la mangrove joue un rôle très important sur la côte. Elle empêche l’érosion des berges, ralentit les inondations, favorise la sédimentation. La mangrove est également un lieu de refuge de nombreuses espèces halieutiques et d’une faune ichtyologique, riche et diversifiée.
Pour ces multiples raisons, il importe tout compte fait, qu’une législation rigide, destinée à la protection de la mangrove soit mise sur pied. Car jusqu’à nos jours, il n’existe pas encore une législation expresse à la protection de la mangrove et des zones humides dans notre pays. Même la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche n’accorde pas d’attention spécifique à la mangrove encore moins à la protection des zones humides. Or la découverte scientifique des rôles et valeurs multiples des zones humides exigent une prise de conscience politique et administrative de l’importance de ces écosystèmes. En effet la convention de Ramsar signée en 1971 souligne la nécessité de protéger les zones humides littorales.
Les littoraux à mangroves en proie aux multiples dégradations comme nous l’avons si bien mentionné tout au long de notre travail de recherche demandent à être protégés par les pouvoirs publics, les municipalités et les populations elles –mêmes. Cette protection passe par la mise en place des mesures stratégiques de protection et de conservation à court et à moyen terme en collaboration avec les partenaires et les acteurs multiformes. Il ressort de notre étude qu’une politique de la gestion et de la préservation efficiente de la mangrove requiert à la fois une approche pluridisciplinaire, systémique et participative. L’intérêt de notre travail de recherche est d’avoir conduit une étude diachronique qui montre grâce à la cartographie la dynamique de l’écosystème de mangrove. Nous Avons mis en exergue à la lumière des photographies aériennes les mutations de l’espace à Youpwe entre 1978 et 2003 ; ensuite nous avons identifié les problèmes sociaux, économiques et environnementaux qui découlent de la conversion de cette zone humide qui est la mangrove en lieux d’habitation.
Les résultats obtenus confirment d’abord l’artificialisation du milieu évoqué dans les hypothèses de part. Cette artificialisation du milieu est prouvée par la hausse constante et soutenue du pourcentage des surfaces bâties et par la baisse des espaces plus ou moins naturels de notre zone d’étude. Nous avons par ailleurs relevé trois logiques des acteurs qui se déploient dans l’espace côtier de Youpwe. Ainsi nous avons identifié une logique traditionnelle et affective qui caractérise les populations autochtones notamment les Douala qui entretiennent des rapports séculiers avec l’espace côtier général et spécifiquement avec la mangrove. Ensuite nous avons relevé une logique rationnelle en valeur incarnée par les ONG de défense de l’environnement. Enfin nous avons identifié une logique mercantile froide ou en calcul d’intérêt de la part des immigrants ouest africains à Youpwe.
Il faut souligner que notre étude aurait pu être mieux affinée par une utilisation du Modèle Numérique de Terrain (MNT), du GPS, pour localiser avec exactitude les différents points de notre zone d’étude et par l’usage des logiciels de cartographie plus adaptés comme Arcgis, Autocad…De même, l’utilisation d’outils qualitatifs comme le diagramme de Venn nous aurait permis de mieux cerner la logique des acteurs impliqués dans la gestion et la sauvegarde de la mangrove. Nous ne saurions achever ce travail de recherche sans mentionner que la dégradation de l’espace côtier de Youpwe est en partie imputable au laxisme de l’Etat. Ce laxisme s’explique par le manque d’un plan d’occupation de sol fiable qui fait force de loi. Car ce sont aux politiques qu’appartient le privilège de déterminer l’utilisation de l’espace.
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