Résumons ici les objectifs finaux possibles que nous avons identifiés dans les textes et par les entretiens :
1. L’absence de finalité commune (ou finalité multiple)
2. la finalité développement durable
3. la finalité utilitariste
4. la finalité responsabilité
5. la finalité responsabilisation
6. La finalité combinée
Nous pouvons déjà observer que certains objectifs se rejoignent explicitement dans des catégories plus larges :
– L’objectif final « irrésolu » regroupe l’objectif Développement Durable, et une partie de la finalité multiple. En effet, tous ces objectifs ont la particularité paradoxale de ne pas en donner et d’être en quelque sorte des non objectifs. Les différences résultent de la perception de la finalité. Elle peut être volontaire, c’est la posture libérale (pour garantir la flexibilité constituant une richesse). Elle peut aussi être conflictuelle, c’est le cas de la posture agonistique, c’est-à-dire que sa définition fait l’objet d’une « lutte » tacite. Elle peut enfin être involontaire, il en est ainsi de la finalité Développement Durable dont les contours restent flous.
– La finalité multiple dans sa posture libérale peut aussi être rapprochée de l’objectif utilitariste selon les auteurs étudiés. Nous qualifierons ce groupe de libéral. Car ils répondent de la même représentation économique selon laquelle le marché permet de générer les processus les plus rentables et d’allouer les actifs de manière efficiente (efficience des marchés). II faut donc laisser les sociétés de gestion organiser l’ISR de la manière dont elles le veulent pour optimiser la concurrence et générer de l’innovation. Ce présupposé, celui de la posture libérale, est absorbé par le méta-objectif utilitariste. En effet, seuls les enjeux facteurs de risques et d’opportunités sont sélectionnés. L’objectif utilitariste nécessite donc que les gérants puissent sélectionner librement les critères de sélection. Ce que Bencheman observe notamment lorsqu’il écrit « Cette recherche de traduction financière induit une inégalité des informations potentiellement « intégrables » par les analystes ISR. Lors d’entretiens réalisés en 2006, l’attrait que pouvait représenter les questions environnementales était spontanément cité, malgré une réticence, à l’époque, de la communauté financière. »(51) Ainsi, les informations sont sélectionnées selon leur capacité à générer un profit.
– Le méta-objectif responsabilité peut intégrer celui de développement durable qui, bien que restant maladroit dans sa formulation, rejoint dans les faits l’objectif d’évaluer les entreprises sur leur « réponse aux enjeux de développement durable » (de RSE).
– Le méta-objectif combiné reste indépendant des autres.
Si nous ajoutons la dimension idéologico-temporel (idéologie/réalité/proposition), nous obtenons la matrice suivante.
Tableau 6 : matrice finalité/temporalité
Nous constatons que selon les auteurs, l’ISR peut revêtir actuellement les trois objectifs finaux. Il est sans doute possible que selon la société de gestion (ou de courtage), l’objectif soit différent, il est donc plus réaliste de penser que l’objectif de l’ISR reste indéterminé pour le moment et que les finalités libérale et responsabilité s’affrontent dans le cadre d’une norme.
Le but de ce travail est de déterminer quel peut être l’objectif de l’ISR. Le statut quo n’étant pas souhaitable, nous analyserons les forces et les faiblesses des deux objectifs possibles (libéral et responsabilité), et nous tenterons de savoir si celles-ci sont viables. En fonction de la réponse à cette question, nous étudierons la possibilité d’une troisième voie.
51 Isabelle Chambost, Faycel Benchemam. op.cit,p22