En effet, le souhait des communautés d’administrer elles-mêmes leurs propres intérêts et de dessiner leur avenir est ancien. Au Cameroun, comme partout ailleurs en Afrique subsaharienne, il s’agissait de rapprocher la décision du terrain et d’intéresser le citoyen à la vie publique. Si le fonctionnement de certaines sociétés acéphales se rapprochait de ce modèle, le concept d’un territoire géré par un conseil municipal fût importé de la colonisation. L’évolution du processus de décentralisation au Cameroun peut être subdivisée en trois grandes périodes depuis l’époque coloniale: de 1920 à 1974, de 1974 à 1996 et de 1996 à nos jours.
Le Cameroun a connu ses premières expériences de décentralisation durant la période d’entre deux guerres mondiales alors qu’il était sous administrations britannique et française. Le colonisateur britannique en appliquant la politique de « l’indirect rule », s’appuyait sur les autorités traditionnelles pour gouverner. Entre 1920 et 1930, sont créées les « Native Authorities », première forme de municipalisation, qui deviennent, dès 1932, des « Local Councils » puis, après fusion, des « Local Governments ». Au moment de la réunification en 1961, Le Cameroun occidental en comptait une vingtaine.
Sous l’administration française, l’expérience de décentralisation commence en 1941 notamment avec la création des communes mixtes(1) urbaines (CMU) de Douala et de Yaoundé.
Elle va progressivement s’étendre avec la création de nouvelles unités communales : six communes mixtes rurales (CMR) en 1952. Puis, en 1955 l’introduction d’une part du concept de commune de plein exercice (CPE) où le Conseil Municipal est élu et élit à son tour en son sein le Maire et les Adjoints. Et d’autre part le concept de commune de moyen exercice (CME) où le Maire et les adjoints sont nommés. La réforme constitutionnelle de 1974(2) viendra mettre fin au dualisme municipal hérité de la colonisation en instituant deux types de communes : les communes rurales et les communes urbaines dont certaines bénéficient d’un régime spécial.
En matière de gestion des dites collectivités locales, les administrateurs municipaux étaient nommés par le gouvernement. C’était le plus souvent des sous-préfets, des chefs de districts ou des personnalités choisies par l’autorité de tutelle. Ce n’est qu’en 1992, que le principe d’un maire élu est adopté pour les communes rurales. Lors des élections municipales de 1996, le Cameroun comptait au total 338 communes, dont 2 communautés urbaines, 9 communes à régime spécial, 11 communes urbaines d’arrondissement, 306 communes rurales. Il aurait fallu attendre l’année 2004 pour qu’une loi portant orientation de la décentralisation puisse naître et donner une nouvelle impulsion à la décentralisation au Cameroun. Depuis 2008, le nombre de communes est passé de 339 à environ 360 et 10 communautés urbaines dans chaque chef-lieu de région.
Aujourd’hui, le Cameroun comme la plupart des pays d’Afrique au sud du Sahara est doublement confronté aux objectifs de réduction de la pauvreté et d’émergence économique. L’une des voies d’atteinte des dits objectifs réside nécessairement dans l’adoption d’une politique de gouvernance qui place les attentes des populations au centre des préoccupations gouvernementales. Mais aussi qui accentue l’implication et la participation de ces derniers à l’élaboration et à l’exécution des politiques nationales et locales de développement. A cet effet, l’Etat s’est doté d’un socle législatif ambitieux visant à donner une nouvelle impulsion au processus de décentralisation en cours dans notre pays.
1 Les communes mixtes sont les communes dans lesquelles le maire est nommé et le conseil élu.
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