L’anglais, contrairement au français, ne possède que deux temps : le passé et le présent
(ou non-passé) et ne comporte pas de temps futur proprement dit. Pourtant, le renvoi à l’avenir
est possible et pour cela, les auxiliaires modaux sont un moyen essentiel. Traditionnellement,
on considère le modal will comme le modal exprimant le « futur simple » (plain future), en
double usage avec shall pour la première personne (E.S.C. Weiner, 1985). Le futur est par
définition impossible à savoir à l’avance, c’est pourquoi le caractère non-certain et virtuel des
modaux épistémiques, qui indiquent l’hypothèse et le doute, est parfaitement compatible avec
le renvoi à l’avenir. Ainsi, will et shall comme auxiliaires du futur seront classés dans la
catégorie épistémique. Sans qu’il n’y ait une quelconque influence de leur valeur radicale
(volonté), will et shall expriment une prédiction, et donc, le plus haut degré de certitude d’un
événement, c’est pourquoi ils sont associés au futur. De la notion de modalité, l’on passe ainsi
à la notion de temps. Toutefois, ils correspondent à une conséquence nécessaire ; ils sont
toujours liés à une condition, plus ou moins explicite. La différence parfois faite entre will et
shall est la suivante : will renverrait au futur à toutes les personnes sauf la première, et shall
au contraire, n’exprimerait le futur qu’à la première personne. Pourtant, will à la première
personne est possible, mais il arrive souvent qu’une ambiguïté demeure, puisque la valeur
radicale a une grande influence (voir b). A l’inverse, shall utilisé à la deuxième ou à la
troisième personne sera nécessairement radical (volonté imposée, avec l’exemple des dix
commandements : You shall not kill). La forme contractée ‘ll commune aux deux modaux
permet de ne pas se demander s’il s’agit de shall ou will. Prenons quelques exemples :
1. Some estimates suggest that UK charitable giving will fall by as much as £2.
2. No need to clean the lounge; Carole will see nothing when she comes in tomorrow.
3. If I should feel at all able to see you, I shall write to ask you kindly to call.
4. I shall, on occasion, ask you to run an errand for me.
5. We will stand in the corner, we shall see everything from there.
La prédiction annoncée par les deux modaux découle d’un raisonnement (d’où leur association
avec la modalité épistémique), d’une condition (if, when), laquelle peut apparaitre plus ou
moins clairement dans un énoncé. En 1, comme l’indiquent le sujet estimates et le verbe
suggest, il s’agit d’une estimation, ce qui confirme la possibilité d’une interprétation
épistémique de will ; la prévision fall by as much as £2 se réalisera et la condition est
implicite (if the estimates are right). Dans l’exemple 2, la condition est exprimée à l’aide de
when, après lequel on remarque l’emploi du présent simple et non pas d’un modal pour
renvoyer au futur. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’un modal exprimant le non-certain, il est
impératif que la condition à laquelle est liée la prédiction repose sur un fait certain, et donc,
exprimé par un présent simple (qui lui indique que l’évènement est réel au moment de
l’énonciation). Ainsi, when she comes in sert de base et est présenté comme réel, et à partir de
cela, une prédiction en découle : Carole will see nothing. Une explication semblable convient
pour les propositions introduites par if, après lesquelles will renvoyant au futur n’est pas
possible. En 3, la proposition avec if sert de base, de condition, dont les conséquences sont
exprimées à l’aide de shall et seraient inévitables si cette condition se réalisait, d’où le renvoi
au futur : I shall write. La première personne est par ailleurs compatible avec une
interprétation épistémique de ce modal. La phrase 4 est également une simple prédiction, et la
première personne justifie l’emploi de shall. La condition liée y est un peu moins explicite ; il
s’agit du repère on occasion, qui a en fait le même sens qu’une proposition en when. Enfin,
l’exemple 5 permet d’observer l’alternance entre les deux modaux exprimant la prédiction à la
première personne : la différence est ici quasi-imperceptible, si ce n’est que l’on associe
souvent l’utilisation de shall avec des actions indépendantes de notre volonté, tels que like,
etc. C’est pourquoi le verbe de perception involontaire see est utilisable avec shall, tandis que
le verbe stand est compatible avec will. De nos jours, dans la langue courante, will s’emploie
avec tous les verbes pour exprimer la prédiction simple. Ainsi, le rapprochement avec l’idée
de logique, de raisonnement, contenue dans la modalité épistémique ressort : si telles
conditions sont réunies, alors on peut penser que tel évènement se produira. Néanmoins, étant
donné le caractère virtuel des modaux, la suite des évènements pourra tout à fait venir
contredire l’affirmation exprimée par will ou shall, aussi certaine soit-elle aux yeux du sujet.