L’urbanisme est un champ pluridisciplinaire en raison de son lien avec les sciences humaines (aménagement, géographie, économie, science juridique, science politique, écologie, anthropologie, sémiologie, sociologie, linguistique). L’urbanisme a pour objectif de réaliser l’idée du mieux vivre des citoyens au travers de son travail sur l’urbanisation, sur l’aménagement des espaces publics et privés et sur tous les types des bâtiments et des activités économiques. Son rôle est alors de répondre aux besoins de la population afin de proposer un développement urbain efficace.
Les collectivités territoriales, pour mieux maîtriser l’urbanisation, élaborent des documents d’urbanisme afin de planifier les équipements nécessaires (espaces publics, espaces verts, réseaux d’eau potable, etc.) sur leur territoire.
« La ville, c’est d’abord de l’espace. Les hommes structurent cet espace en tous sens, en hauteur, en longueur, en largeur. Ils le peuplent de matériaux immobiles et visibles – immeubles et bitumes, signaux et éclairages – et d’objets mobiles et visibles – autobus, automobiles et tous types de deux roues. […]. La ville, c’est d’abord de l’espace, mais c’est très vite du temps. […]. Le temps de se remuer, de se déplacer, d’entrer et de rentrer(1). »
En cela, nous pouvons dire que la ville n’est pas seulement des bâtiments et des espaces séparant ces derniers. De même, l’urbanisation ne peut plus se faire à partir des zonages prônés par la charte d’Athènes(2). La ville et son urbanisation ainsi que l’urbanisme devraient désormais accorder une place importante aux usagers de l’espace. La perception de la ville par ces usagers et la participation de ces derniers au processus de la prise de décision, sont donc primordiales.
Nous avons assisté depuis le début des années 1980 à une évolution numérique qui a touché tous les domaines de la vie. Cette révolution techno-numérique visait à évoluer le système d’information, à enregistrer et à traiter les données et les informations récoltées, et d’avoir des résultats précis, clairs, communicants et communicables. En d’autres termes : pour reproduire. En effet, cette nouvelle technologie a permis de saisir les données, de réaliser des diagnostics plus fins et de matérialiser les réflexions et les orientations par la suite.
Les traitements informatiques font partie intéressante des projets d’urbanisme. En effet, la majorité des aspects de la conception d’un projet urbain fait l’objet de tentatives de traitements informatiques. Ils pourraient se présenter dans les documents d’urbanisme et de planification, ainsi que dans les projets d’aménagement et d’urbanisation sous deux formes :
– Traitement des systèmes d’informations : ce qui consiste à définir les objets informationnels constitués des données urbaines. Celles-ci permettent de structurer et d’analyser les informations urbaines par des techniques de « datawarehouse » et de « datamining ». Les logiciels SIG (2D et 3D, mais surtout 2D) comme Mapinfo et ArcGis ainsi que certains logiciels 3D qui touchent la phase de l’analyse urbaine pour les projets de développement durable, en sont de bonnes illustrations, comme cela sera développé par la suite.
– Traitement informatique pour les documents et projets urbains : il s’agit ici des plans 2D et des perspectives 3D faites à l’aide des logiciels comme Photoshop, Illustrateur, AutoCad, Sketchup et 3D Studio Max entre autres.
Figure 1 : Le premier ordinateur tel l’a conçu Eniac en l946.
Source : article paru sur Internet, http://physiquelouisemichel.free.fr/L%27histoire%20de %20l%27ordinateur.html, consulté le 30 août 2012.
La technologie en générale se présente de plus en plus dans les loisirs, le cinéma, le tourisme, la médecine ou l’architecture. Les technologies 3D se sont récemment implantées dans le territoire des projets urbains, elles ont également formé une phase majeure de l’évolution numérique dans le domaine de l’urbanisme.
La 3D était auparavant réservée aux seuls architectes pour des raisons techniques. Mais maintenant, on constate une démocratisation de cette technologie dans le monde de l’urbanisme et celui de la planification. Dorénavant, les urbanistes et les planificateurs sont concernés par cette technologie grâce à la mise à disposition des logiciels simples mais efficaces et qui semblent être plus adaptés à leurs besoins.
« Grâce à la 3D, pour une fois, l’urbanisme va arriver au même plan que l’architecture, parce que l’architecture a toujours été plus novatrice ». A dit Madame Klein(3), dirigeante d’un bureau d’études privé. Ces mots, aussi simples soient-ils, montrent non seulement l’importance de la 3D mais également la chance qui a été donnée aux urbanistes et aux aménageurs.
Le concept de la 3D est loin d’être nouveau, il a fait son apparition dans des différents dessins et imaginations qui remontent au premier siècle comme nous le montre la photographie ci-dessous. De plus, beaucoup d’artistes et d’architectes ont présenté leurs tableaux et travaux sous forme des perspectives tridimensionnelles afin de faire passer leurs idées.
Figure 2 : Une mosaïque nilotique du monde romain aux alentours du 1er siècle.
Source : article paru sur Internet « Penser l’utopie par l’image », François Ide, Laboratoire STL (Savoirs, Textes, Langues), octobre 2008. http://stl.recherche.univ-lille3.fr/seminaires/philosophie/macherey/macherey20082009/Ide12102008.html, consulté le 24 août 2012.
La technologie de la 3D a pris l’essor ces dernières années. En effet, beaucoup de manifestations nationales et internationales ont été organisées à cet égard. Nous citons parmi celles-ci le salon Imagina. Il s’agit d’une manifestation annuelle qui se déroule à Monaco(4) au mois de février. Ce salon auquel nous avons eu l’occasion d’assister entre le 07 et le 09 février de l’année 2012, regroupe des professionnels de la 3D, quelles que soient leurs compétences (concepteurs, éditeurs ou fournisseurs).
Notre participation à ce salon, intitulé « Comment les technologies 3D révolutionnent-elles l’urbanisme ? », fut une expérience très intéressante et utile à la fois. Cela nous a permis en effet de suivre l’actualité de cette incroyable technologique. Lors de cette manifestation, plusieurs conférences ont eu lieu et ont évoqué des solutions pour l’analyse, le diagnostic, l’aide à la décision, la concertation, la présentation et la communication dans des domaines fondamentaux de la conception, du traitement et de l’aménagement.
La technologie 3D pourrait intervenir dans les deux principales phases de tout projet urbain urbanistique et aménagiste, à savoir :
La phase de l’élaboration technique du projet :
Dans cette phase de diagnostic et d’analyse, la 3D a un rôle important à jouer. En effet, le recours à la 3D facilite et enrichie dans un premier temps la réalisation du diagnostic, des analyses solaires et celles liées au mécanisme de ventilation, et dans un deuxième temps la mise en place d’une étude détaillée de l’insertion paysagère de tel ou tel projet dans son environnement (emplacement, couleurs, matériaux, etc.)
Cette étape importante, rendue plus fine par la 3D, prend appui sur les informations récoltées et insérées dans les bases de données grâce à des nombreux moyens techniques et informatiques (logiciel MapInfo à titre d’exemple)
La phase de la concertation et de la participation du public (propositions et orientations) :
Après le diagnostic et l’analyse du projet à l’aide de l’informatique et de la technologie 3D, la deuxième phase pourrait, voire devrait, accorder une place centrale à la technique de la 3D afin de mieux présenter le projet et de faciliter sa compréhension par les différents acteurs et usagers de la l’espace (élus, techniciens et citoyens).
Cette facilité de compréhension du projet assurée par cet outil innovant du dessin assisté par ordinateur, a un impact positif sur le projet avant d’accéder à sa réalisation finale dans la mesure où elle rend interactif le débat autour de ce projet en invitant la population à donner son avis sur des projets qui seraient réalisés sur son territoire. Les dessins et les images mis à disposition de tous les acteurs, sont en effet un outil qui renforce la concertation avec la population (même la plus éloignée du domaine) et donc implique sa participation à la prise de décision.
A la fin de ces deux phases, la 3D facilite et rend plus rapide la réalisation des modifications proposées par les différents acteurs avant de passer aux étapes finales : les dessins d’exécution et la réalisation du projet.
Dans ce contexte, notre préoccupation principale est de savoir comment la technologie 3D a modifié la façon dont les enjeux autour d’un projet urbain ont été conçus ?
Le postulat est que la 3D a ajouté de nouvelles possibilités d’ordres techniques. Elle permet de réaliser des projets urbains plus modernes et davantage durables (hypothèse 1)
La question qui se pose donc ici est la suivante : quel urbanisme peut être réalisé avec cette technologie ? Et qu’elles sont les nouvelles possibilités que la 3D a ouvert pour analyser les éléments de développement durable et pour mieux préparer l’avenir de la ville ?
Alors que les moyens de représentation du projet urbain, tout au moins dans son aspect visuel, se limitent auparavant aux plans cadastraux, aux dessins et aux simples opérations de photomontage, la technologie et les logiciels 3D ont rendu, en produisant des images assez détaillées et des films 3D de hautes qualités, plus facile la représentation et la compréhension (par tous les acteurs) de tel ou tel projet.
La 3D est donc un outil essentiel dans le monde de l’urbanisme et qui rend ce dernier plus participatif (hypothèse 2). S’agit-il pourtant d’un véritable outil urbanistique dont l’objectif est de répondre aux besoins de la population ou bien est-ce une simple “agitation technique” sans réels effets sur le processus de la réalisation des projets urbains ? A-t-elle donné un nouveau souffle à la concertation ou s’agit-il d’un simple effet de mode ? N’influence-elle pas la prise de décision ? Ne déforme-elle pas les véritables dimensions du projet urbain ?
Pour répondre à cette question, la méthode suivant a été adapté : à côté du dépouillement de la littérature scientifique et technique consacrée à la 3D en lien avec l’urbanisme, de nombreux entretiens ont été réalisés auprès de professionnels (architectes et urbanistes), des spécialistes en la matière ainsi que des usagers de l’espace public (habitants, étudiants et autres). En effet, nous avons essayé de rencontrer les différents acteurs du projet urbain afin d’avoir leur point de vue et leur avis sur la question de la 3D en lien avec l’urbanisme.
En ce qui concerne les entretiens avec les personnes interviewées, nous avons opté pour l’entretien semi-directif ou les personnes rencontrées sont invitées à parler librement sur le sujet en question. Les questions viennent par la suite, au fur et à mesure de l’entretien pour encadrer leurs réponses sur les thèmes à aborder. Afin de faciliter le traitement des informations et des réponses à nos questions posées lors des entretiens, ces derniers ont été réalisés à l’aide d’un dictaphone après avoir obtenu l’autorisation de la personne enquêtée.
De plus, et pour faire avancer les choses dans le bon sens, nous avons pris le choix de participer à des colloques et des salons portant sur la problématique de notre sujet. Nous citons parmi ceux-ci le salon Imagina, comme nous l’avons signalé un peu plus haut, et le salon IC3D(5) en Châlons-en-Champagne. Ces salons ont été très importants dans la mesure où ils ont élargi nos connaissances et ont canalisé nos réflexions. De plus ces salons ont enrichi notre base de données ainsi que nos sources bibliographiques.
Fuit de la réflexion menée, notre travail de mémoire s’articule en deux parties, la premier est diviser en deux chapitres, et la deuxième aussi.
La première partie, intitulée, « La 3D un instrument efficace au service des urbanistes dans l’élaboration technique du projet urbain » se concentre sur la phase technique et la compréhension globale du projet à l’appui de la 3D. Elle analyse dans son chapitre 1 la place de la technologie 3D dans toutes les étapes constituant cette phase, à savoir : l’analyse tridimensionnelle du territoire, En d’autres termes, ce chapitre met l’accent sur la possibilité de mener un diagnostic complet du projet ainsi que de son territoire (Cartographie) et accorde une place importante à l’intervention de la 3D dans le domaine de l’urbanisme durable et au rôle joué par cette dernière dans la démarche analytique des volets du développement urbain durable (analyse énergétique, module ventilation naturelle et analyse solaire, simulation lumineuse, bruit, densité urbaine, etc.)
Il sera question, dans le deuxième chapitre de cette première partie, de savoir comment la 3D peut participer à une meilleure gestion de la ville afin de faire face aux différents enjeux (tourisme, patrimoine, risques, éclairage, etc.).
En guise de conclusion de cette première partie, un tableau récapitulatif sera proposé afin de mettre en lumière les différents points positifs et négatifs de la 3D comme outil au service des urbanistes.
La deuxième partie, intitulé « un instrument performant de concertation, compréhension et de participation entre les urbanistes et les acteurs du projet urbain », aborde le sujet de l’urbanisme participatif ; autrement-dit la participation des différents acteurs du projet et de la ville de manière plus globale (élus, techniciens, citoyens et autres) à l’élaboration de la décision.
Elle aborde dans un premier temps (chapitre 3) le rôle qui peut être joué par la 3D dans le processus de la concertation durant l’élaboration et la mise en place des documents de l’urbanisme ainsi que des projets urbains. Il s’agit, en effet, de savoir si cette technologie implique une participation de la population en rendant plus compréhensible le projet et l’objectif de sa mise en place.
Il sera question dans un deuxième temps (chapitre 4) d’examiner les limites de la 3D en tant qu’outil au service de l’urbanisme participatif, à la compréhension du projet par les différents acteurs et à la prise de décision. Cet examen sera appuyé par des exemples d’opérations d’aménagement ou de projets urbains au sein desquels la concertation entre acteurs et la participation de la population a été mise en place.
1 Transports urbains : quelles politiques pour demain ?, juillet 2003, Commissariat Général du Plan, Roland Ries (Président).
2 La Charte Athènes : a fondé en IVe Congrès international d’architecture moderne (CIAM), tenu à Athènes en 1933 sous l’égide de Le Corbusier. Le thème en était « la ville fonctionnelle ». Urbanistes et architectes y ont débattu d’une extension rationnelle des quartiers modernes
3 Entretien avec Sandrine KLIEN, dirigeante du bureau d’études (perspectives) et enseignante à l’ITAEUR de Troyes, février 2012.
4 Nous tenons à préciser que le salon Imagina a été tenu pour la première fois en février 2006.
5 Le salon IC3D (Ingénierie Collaborative et technologies 3D) a été le 18 et 19 septembre 2012 en Châlons-en-Champagne, pour son deuxième édition.
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